Dix pour cent des enfants auront une crise convulsive durant l’enfance; la plupart de ces crises dureront moins de 5 minutes1. Les crises prolongées exigent qu’on y mette un terme rapidement; plus vite la crise convulsive est traitée, plus grandes sont les chances qu’elle soit contrôlée2. Lorsque les crises convulsives se prolongent ou que l’activité convulsive récidive (état de mal épileptique), les patients sont à risque de complications neurologiques, y compris l’épilepsie incurable de la face mésiale du lobe temporal—une affection grave associée à une morbidité accrue et à de piètres issues psychosociales3, à un retard de développement, à l’hémiplégie, de même qu’à une hausse de la mortalité4. Il est souvent nécessaire d’intervenir dans un contexte préhospitalier dans le but de raccourcir la durée de la crise convulsive5.
Les benzodiazépines sont les agents de première intention pour arrêter les crises convulsives6. Elles modifient de manière allostérique les récepteurs de l’acide gamma-aminobutyrique (GABA) situés dans les synapses neuronales du système nerveux central (SNC). Cette modification accentue la réponse des récepteurs GABA au GABA, rendant ainsi les neurones résistants à l’excitation5. Il est crucial pour l’efficacité que les benzodiazépines pénètrent rapidement dans le SNC, et la pénétration est déterminée par les propriétés chimiques de l’agent (polarité et poids moléculaire)5.
Voie d’administration
Le diazépam (une benzodiazépine) est habituellement administré par voie intraveineuse ou rectale, car son absorption est lente lorsqu’il est administré par voie intramusculaire7. Toutefois, il agit brièvement et tend à s’accumuler après des doses répétées, avec la possibilité de dépression du tronc cérébral entraînant la bradypnée ou l’arrêt respiratoire, une complication rare8. L’administration rectale ne nécessite pas l’accès veineux, mais l’absorption du médicament est variable et imprévisible, cette voie d’administration induit un métabolisme hépatique de premier passage et crée des situations sociales embarrassantes pour les patients et les fournisseurs de soins6. L’administration buccale s’est révélée provoquer des haut-le-coeur, la toux et l’aspiration, et se prête mieux à de faibles quantités de médicaments9. L’administration sublinguale est difficile durant une crise convulsive9.
L’administration intranasale, quant à elle, est sans douleur, ne nécessite pas l’accès intraveineux et est une voie facilement accessible pour tous les patients. Les fosses nasales sont recouvertes d’une mince couche de sécrétions et d’un épithélium cilié unistratifié, et elles sont irriguées par un abondant débit sanguin sous-jacent, permettant au médicament d’atteindre rapidement un taux plasmatique efficace10. L’absorption directe dans la circulation sanguine évite la rupture gastro-intestinale et le métabolisme hépatique de premier passage, ce qui donne au médicament une biodisponibilité rapide et prévisible5. Cette voie d’administration permet de faire passer les molécules du bulbe olfactif au cerveau, en évitant la barrière hémato-encéphalique, ce qui permet au médicament de pénétrer plus facilement dans le SNC11.
Les médicaments qui conviennent à l’administration intranasale doivent être hydrosolubles, de taille suffisamment petite pour se répandre dans la muqueuse nasale et assez puissants pour être efficaces à faibles doses12. Aussi, les avantages pharmacologiques, la commodité de l’administration intranasale et son acceptabilité sociale pourraient faire du midazolam intranasal le traitement préférentiel des crises convulsives en contexte préhospitalier et hospitalier6.
Midazolam intranasal
Le midazolam, la première benzodiazépine hydrosoluble, est largement accepté comme anxiolytique et prémédicament parentéral13. Le midazolam peut être administré par voies intraveineuse, intramusculaire, buccale et rectale, de même que dans la muqueuse nasale. Il est hydrosoluble, mais devient liposoluble lorsqu’il atteint le pH physiologique, ce qui lui permet de traverser la muqueuse nasale pour atteindre le SNC avec un début d’action rapide6. Le midazolam est devenu un agent préanesthésique couramment utilisé en raison de son action rapide et relativement brève, ce qui, au contraire du diazépam, réduit la probabilité qu’il s’accumule1. Administré par voie intranasale comme anesthésique, le midazolam s’est montré sûr et efficace chez les enfants qui subissent diverses études diagnostiques et interventions chirurgicales mineures, comme la tomodensitométrie, l’échographie, les interventions dentaires et la fermeture de lacérations par points de suture14–18. L’incidence des effets indésirables est faible; les effets indésirables les plus fréquemment rapportés après l’administration de midazolam intranasal sont une sensation de brûlure ou d’irritation dans le nez pendant 30 à 45 secondes et un goût amer dans la bouche16.
Arrêt des crises convulsives
Efficacité du midazolam intranasal par rapport au diazépam intraveineux.
Lahat et coll.8 ont réparti aléatoirement 53 enfants pour recevoir le midazolam intranasal ou le diazépam intraveineux et ont montré qu’une fois le médicament administré, les crises convulsives étaient plus rapidement contrôlées avec le diazépam qu’avec le midazolam; toutefois le délai total entre l’arrivée à l’hôpital et l’arrêt de la crise convulsive était plus court avec le midazolam (6,1 [ET 3,6] minutes p/r à 8,0 [ET 4,1] minutes; p < 0,01), car le médicament s’administrait plus rapidement dans le groupe du midazolam. Parmi 70 enfants triés au sort pour recevoir le midazolam intranasal ou le diazépam intraveineux19, le délai avant l’arrêt des crises convulsives était plus long avec le midazolam intranasal qu’avec le diazépam intraveineux (3,58 [ET 1,68] minutes p/r à 2,94 [ET 2,62]; p = 0,007); cependant le midazolam intranasal s’administrait plus rapidement. D’autres études randomisées1,20 ayant comparé le midazolam intranasal au diazépam intraveineux ont rapporté des délais significativement plus courts avant l’arrêt des crises convulsives avec le midazolam intranasal qu’avec le diazépam intraveineux après l’arrivée à l’hôpital (5,25 [ET 0,86] minutes p/r à 6,51 [ET 1,06] minutes [p < 0,001]20 et 6,67 [ET 3,21] minutes p/r à 17,18 [ET 5,09] minutes [p < 0,001]1 pour le midazolam intranasal et le diazépam intraveineux, respectivement).
Midazolam intranasal contre diazépam rectal.
Dans une étude menée en 2006, le délai moyen avant l’arrêt des crises convulsives chez 46 enfants était de 1,95 et 2,97 minutes pour le midazolam intranasal ou le diazépam rectal, respectivement (p < 0,01)21. Les crises convulsives s’étaient arrêtées dans les 10 minutes suivant l’administration du médicament chez 97 % des patients du groupe midazolam et 89 % des patients du groupe diazépam (p = 0,06). Fişgin et coll.22 ont évalué 45 enfants et ont rapporté qu’il était plus probable que le midazolam intranasal mette un terme à l’activité épileptique dans les 10 premières minutes (87 % [20 patients sur 23] p/r à 59 % [13 patients sur 22]; p < 0,05). En outre, plus de patients du groupe diazépam rectal ont nécessité un deuxième anticonvulsivant pour mettre fin aux crises convulsives. Holsti et coll.23 ont évalué 92 crises convulsives durant lesquelles les soignants avaient administré des médicaments à domicile avant d’appeler l’ambulance. Les patients du groupe midazolam intranasal ont rapporté un délai médian de 3 minutes avant l’arrêt de la crise convulsive alors que ceux du groupe diazépam rectal ont rapporté un délai médian de 4,3 minutes (p = 0,09).
Les événements respiratoires nécessitant l’intubation ont été très rares, et le besoin de supplémentation en oxygène (4 %) était faible dans toutes les études5.
Dispositif d’administration nasale de médicament
Dans les études classiques portant sur le midazolam intranasal, le médicament est administré avec une seringue, en faisant écouler le midazolam dans les deux narines. Lors de l’administration nasale de midazolam, il importe que le médicament soit administré directement sur la surface de la muqueuse. Une quantité trop importante ou l’administration trop rapide peut entraîner une absorption sous-optimale et la perte du médicament dans le pharynx, ce qui compromet son efficacité9,24.
L’emploi d’un atomiseur est un progrès récent 25, qui permet d’administrer le médicament directement à la surface de la muqueuse et d’améliorer la quantité et la vitesse d’absorption du médicament9. L’atomiseur est placé au bout d’une seringue qui distribue le midazolam en particules de 30 µm, recouvrant la muqueuse nasale6,25. La vaporisation nasale permet une distribution optimale sur la muqueuse et la clairance plus lente de la vaporisation24.
Conclusion
Le midazolam intranasal est sûr et efficace dans le traitement des crises convulsives aiguës chez les enfants et serait plus rapide que le diazépam intraveineux pour arrêter les crises convulsives. Le midazolam intranasal devrait être considéré comme un anticonvulsivant commode en contexte extra-hospitalier, préhospitalier et à l’urgence chez les enfants dépourvus d’un accès intraveineux.
Notes
PRETx
Cette Mise à jour sur la santé des enfants est produite par le programme de recherche en thérapeutique d’urgence pédiatrique (PRETx à www.pretx.org) du BC Children’s Hospital à Vancouver, en Colombie-Britannique. Mme Zelcer est membre du programme PRETx et le Dr Goldman en est le directeur. Le programme PRETx a pour mission de favoriser la santé des enfants en effectuant de la recherche fondée sur les données probantes en thérapeutique dans le domaine de la médecine d’urgence pédiatrique.
Avez-vous des questions sur les effets des médicaments, des produits chimiques, du rayonnement ou des infections chez les enfants? Nous vous invitons à les poser au programme PRETx par télécopieur au 604 875-2414; nous y répondrons dans de futures Mises à jour sur la santé des enfants. Les Mises à jour sur la santé des enfants publiées sont accessibles dans le site web du Médecin de famille canadien (www.cfp.ca).
Footnotes
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The English version of this article is available at www.cfp.ca on the table of contents for the July 2016 issue on page 559.
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