Les lignes directrices ont pour but principal d’améliorer la qualité et l’uniformité des soins. La prémisse est que les lignes directrices, qui favorisent les interventions dont les bienfaits sont prouvés, réduiront la morbidité ou la mortalité. Ce n’est pas nécessairement le cas dans la pratique au quotidien, car souvent, les lignes directrices ne sont pas appliquées. Les données probantes attestant que les lignes directrices améliorent les résultats pour le patient dans les soins mé caux primaires sont très limitées1.
Avant même de dire que les guides de pratique clinique ont le potentiel d’améliorer les soins et les résultats pour le patient, il est essentiel de faire en sorte qu’ils soient élaborés en fonction d’un haut standard de qualité. Les normes sont bien établies concernant la transparence, l’atténuation des conflits d’intérêts, la composition du groupe, la révision systématique des données probantes, le fondement des données probantes, la rédaction et la cotation des recommandations, de même que leur mise à jour2. Un certain nombre de systèmes de classification ont été mis au point dans ce processus dans l’intention, le plus souvent, de donner une indication de la « force » de la recommandation. C’est ce qu’on appelle la médecine fondée sur des données probantes. Dans l’exercice de la médecine fondée sur des données probantes, nous tentons d’améliorer la pratique générale de la science de la médecine.
L’expertise requise
Dans le contexte des standards régissant les lignes directrices, devrions-nous avoir un débat entourant la composition des groupes? Dans un des récents débats à ce propos, il était préconisé que les experts en méthodologie soient ceux qui devraient produire les lignes directrices. Comme vous pouvez l’imaginer, cette conclusion repose largement sur le problème émanant du fait que l’industrie pharmaceutique ait financé la rédaction de nombreux guides de pratique ou encore que ces derniers aient été produits par des groupes ayant une représentation disproportionnée de personnes ayant des conflits d’intérêts commerciaux. Tous reconnaissent la nécessité de minimiser les conflits d’intérêts ets que des experts en méthodologie participent à la création des guides de pratique. Toutefois, si les lignes directrices étaient produites principalement par des experts en méthodologie, ce serait comme avoir un sommelier qui ne boit pas de vin. Ne créons pas un nouveau problème en tentant d’en résoudre un ancien!
La composition du groupe devrait être équilibrée et comporter des experts en méthodologie et des cliniciens. Les normes les plus récentes ont insisté sur l’importance d’avoir des représentants des populations susceptibles d’être concernées par les lignes directrices, comme les médecins de famille (ceux les plus touchés dans leurs pratiques) et les patients (ceux dont les soins sont influencés). Des médecins de famille élaborent maintenant leurs propres lignes directrices. Est-ce la bonne réponse pour améliorer la médecine fondée sur des données probantes? De l’avis des spécialistes, les guides de pratique clinique élaborés sans leur contribution ne reposeront pas sur toute l’expertise requise. De plus, une élaboration distincte de lignes directrices par des spécialistes et par des médecins de famille engendre le risque potentiel de recommandations contradictoires ou de débats pouvant nuire à la pratique clinique et aux soins aux patients. Des débats qui semblent sains dans la communauté médicale pourraient être potentiellement dommageables sur la scène publique. Les consommateurs naïfs de lignes directrices, comme les organismes gouvernementaux ou les payeurs, pourraient choisir d’accepter les recommandations qui leur conviennent le mieux et qui servent principalement leurs intérêts financiers. Une telle situation pourrait se produire sans qu’on tienne compte de manière appropriée des limites et des dangers possibles des guides de pratique.
Améliorer les soins
En outre, un problème plus fondamental que la production de lignes directrices réside dans le fait que ces guides de pratique pourraient en faire peu pour changer la pratique. Avons-nous des données probantes pour soutenir que les lignes directrices élaborées par des médecins de famille seront davantage mises en œuvre que celles produites par d’autres spécialistes? Des études ont été effectuées sur les besoins et les attitudes des médecins de famille entourant les lignes directrices et leur utilisation3,4. Ces études font valoir qu’il existe un besoin de créer et de diffuser des versions pour les médecins de famille. Par ailleurs, l’élaboration des lignes directrices n’assure pas leur utilisation dans la pratique. La publication dans des revues professionnelles ou leur distribution par la poste à des professionnels de la santé ciblés, comme les médecins de famille, n’entraîneront pas de changements dans leur comportement professionnel (p. ex. pratiques exemplaires)5,6. Il existe aussi des besoins en ce qui concerne la façon d’appuyer l’information dans son utilisation (p. ex. mise en œuvre dans la pratique).
La préoccupation primordiale ne devrait pas être de savoir qui a le droit de produire des lignes directrices, mais plutôt d’améliorer la qualité des soins et d’accroître la probabilité que la pratique changera dans la bonne direction. Idéalement, les lignes directrices devraient comporter des recommandations concernant leur mise en application. Cet enjeu devrait être le vrai débat et c’est le véritable défi! La responsabilité devrait déborder la production de lignes directrices de grande qualité; elle devrait se situer dans l’amélioration de la qualité au moyen d’une approche structurée pour promouvoir la qualité des soins7. Plus encore, les guides de pratique clinique ne sont que l’une des options pour améliorer la qualité des soins.
Notes
CONCLUSIONS FINALES — NON
Jean Bourbeau MD MSc FRCPC
Il est essentiel que les lignes directrices soient élaborées en fonction de standards de grande qualité. Les lignes directrices produites sans la contribution de spécialistes ne reposeront pas sur toute l’expertise requise.
Nous n’avons pas de données probantes attestant que des lignes directrices produites par des médecins de famille seront davantage mises en œuvre que celles rédigées par d’autres spécialistes.
La préoccupation primordiale ne devrait pas être de savoir qui a le droit de produire des lignes directrices, mais plutôt de changer la pratique dans la bonne direction.
Footnotes
Les parties à ce débat contestent les arguments de leur opposant dans des réfutations accessibles à www.cfp.ca. Participez à la discussion en cliquant sur Rapid Responses à www.cfp.ca.
Intérêts concurrents
Aucun déclaré
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