
Le soutien de la recherche se trouve au cœur de la mission du Collège, c’est-à-dire établir l’orientation des médecins de famille afin d’améliorer la santé de toute la population canadienne.1 La recherche est essentielle à la définition, au perfectionnement et à l’avancement des connaissances et des savoir-faire sur lesquels repose notre discipline.
La plupart des médecins de famille ne sont pas portés sur la recherche. En fait, nos résidents s’y intéressent moins que ceux des autres spécialités.2 J’ai choisi la médecine familiale parce que je voulais aider les gens en guérissant ou en soulageant les maladies. Acquérir et appliquer suffisamment de connaissances de notre vaste discipline pour l’exercer avec compétence sont des défis de la résidence et du début de la pratique. Petit à petit, je me suis rendu compte que, souvent, les manuels et la recherche ne décrivaient pas adéquatement des problèmes que je rencontrais et ne proposaient pas de solutions efficaces.
Cet obstacle est devenu encore plus imposant lorsque j’ai commencé à enseigner. Non seulement il y avait peu de données probantes sur lesquelles fonder l’instruction, mais des problèmes courants, comme les infections virales des voies respiratoires supérieures ou les difficultés des patients à suivre certains régimes de traitement, étaient jugés futiles dans les cursus, ou écartés comme une vulgaire « non-observance thérapeutique ».
La discipline de médecine familiale est encore jeune et, jusqu’alors, ses progrès sont dus à des pionniers de la recherche qui ont étudié les défis uniques qu’elle présente. Les sept merveilles de la recherche en médecine familiale, une publication du CMFC, présente quelques exemples remarquables de recherche, y compris des études rapportant les avantages d’avoir un médecin de famille pour le système de soins santé ; les effets des soins centrés sur le patient sur la santé ; et l’efficacité de l’engagement communautaire en recherche.3
Malgré toutes les preuves étayant l’importance et les bienfaits de la recherche en médecine familiale,4 des difficultés systémiques nuisent à son expansion. Presque à tous les coups, c’est la recherche dans des domaines spécialisés autres que la médecine familiale et pour les soins hospitaliers qui reçoit le plus de financement et d’aide institutionnelle. Quant aux fonds provenant du parrainage commercial, ils vont d’ordinaire à d’autres spécialistes. La plupart des médecins de famille se méfient de telles recherches et de la crédibilité des résultats.5 Pour ce qui est des Instituts de recherche en santé du Canada, ils ne comptent aucun institut spécialisé en soins primaires. Les nouvelles perspectives de recherche ne sont pas à l’abri des menaces. Prenons par exemple l’adoption à grande échelle des dossiers médicaux électroniques (DMÉ) au Canada. Certes, les DMÉ ont ouvert une nouvelle voie pour l’étude des soins primaires, mais leurs fournisseurs créent des barrières financières et techniques à l’accès à ces données.
L’ancien président Tom Bailey a écrit sur ce sujet il y a dix ans6, et on dirait que les choses ont peu changé depuis. Pourtant, la recherche en médecine familiale gagne du terrain.7 Les Instituts de recherche en santé du Canada ont lancé une Stratégie de recherche axée sur le patient, et les médecins de famille chercheurs sont profondément impliqués dans plusieurs de ses réseaux nationaux, dont l’un d’eux porte sur les innovations en soins de santé de première ligne et intégrés.8 Le Réseau canadien de surveillance sentinelle en soins primaires, le premier système de surveillance de maladies multiples à l’aide de DMÉ au Canada, a été mis sur pied avec le soutien du Collège en 2008. On dénombre désormais 1200 sentinelles qui partagent des données protégées et rendues anonymes sur plus de 1,5 million de patients.9 Il y a cinq ans, la Section des chercheurs avait établi l’objectif ambitieux d’atteindre les 1500 membres en 2017. Au mois d’aout, nous en comptions 1556.
Les médecins de famille savent très bien que partager les données sur leurs patients par l’intermédiaire de réseaux régionaux au sein d’initiatives nationales contribue à la construction d’une base de recherche et à l’amélioration de la qualité de la pratique. On ne saurait trop insister sur l’importance de ce vaste engagement collaboratif. Pendant des années, l’essai contrôlé randomisé était le critère essentiel déterminant le caractère probant des données. Une revue récente a mis en lumière la valeur d’autres types de recherche, y compris les études longitudinales sur les soins, que les réseaux de soins primaires sont très bien placés pour produire.10
En recherche, mon rôle est passé de consommateur à celui de critique, de donneur de données, de membre d’équipes de recherche. Je ne suis qu’un petit joueur au sein de ces équipes. Le gros du travail revient à des professionnels qui bénéficient d’une formation et d’une expérience approfondies ; je suis là pour offrir mon point de vue de « clinicien de première ligne ». Dans mes fonctions administratives, j’ai milité en faveur de la recherche et j’ai aidé à renforcer ses capacités. Pimlott et Katz décrivent les moyens par lesquels les médecins de famille peuvent s’impliquer dans la recherche en tant qu’écologie.7 J’appuie fermement leur message, qui encourage tous les médecins de famille à apporter leur propre contribution, fut-elle grande ou petite.
Nous exerçons le métier de médecin de famille pour aider les personnes atteintes de maladies, de blessures et d’invalidité. Au cours de leur vie professionnelle, les médecins de famille aident des milliers de personnes. Lorsque nous contribuons à des recherches qui améliorent la santé, nous les aidons bien au-delà de notre portée individuelle et longtemps après la fin de notre pratique. Ce message énonce des notions et des défis qui m’ont poussé en avant. J’ai découvert en cours de route que, comme le dit si bien ma collègue Michelle Greiver, « la recherche est un sport d’équipe, et c’est un plaisir d’y participer ! »
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