
Allez-vous vous spécialiser ou allez-vous être juste un médecin de famille? » C’est une question que nous avons tous entendue, lorsque nous étudiions en médecine, de la bouche d’amis, d’étrangers et même d’enseignants. J’ignorais comment répondre à cette question, parce que je savais bien que la médecine familiale est bien reconnue et respectée comme spécialité, à juste titre. Je croyais que cette interrogation représentait une vieille façon de penser bien ancrée, mais que ce serait différent durant la résidence. Je croyais qu’en tant que résidente en médecine familiale, je n’aurais plus à ressentir cet étrange sentiment d’avoir à défendre mon choix.
Il est intéressant de constater que les résidents en médecine familiale se font encore poser la même question, non seulement par les patients, les membres du public et même nos autres collègues spécialistes, mais aussi par des personnes au sein même de la communauté de la médecine familiale. Étant résidente en deuxième année, je me fais souvent demander dans quelles compétences avancées je me dirige. La discipline de la médecine familiale a parrainé certains excellents programmes de formation en compétences avancées et le monde médical bénéficie énormément du travail de médecins de famille ayant des domaines d’expertise avancée (p. ex. médecine du sport)1 ou de ceux qui ont une surspécialité au sein de la médecine familiale (p. ex. MF oncologues, MF psychothérapeutes). Bon nombre de mes collègues résidents s’apprêtent à présenter une demande d’inscription à ces programmes ou ont déjà suivi une formation surspécialisée. Je suis véritablement convaincue que ces médecins de famille détenteurs d’un Certificat de compétences avancées et ces surspécialistes au sein de la médecine familiale contribuent grandement aux soins prodigués aux patients ainsi qu’ à la profession de la médecine familiale. Par ailleurs, je crois vraiment que nous devrions aussi encourager les résidents à être fiers d’être « juste un médecin de famille » ou, de fait, de juste être un médecin de famille.
La semaine dernière, j’ai vu une famille de réfugiés syriens récemment arrivés au Canada. J’ai aidé les membres de la famille à trouver des ressources communautaires et à faire vacciner les enfants pour qu’ils puissent fréquenter l’école au Canada, et je leur ai fourni une attention médicale qu’ils n’avaient pas reçue depuis des années. Le père prenait des photos pendant que j’examinais sa fille; ils étaient si contents de recevoir des soins médicaux! Je les suis maintenant périodiquement. Le jour suivant, une patiente que je connaissais bien est revenue à la clinique pour se confier d’un cas d’agression. Elle n’en avait jamais parlé à quiconque. Nous avons discuté ensemble pour élaborer un plan de sécurité et j’ai commencé à lui offrir du counseling au sujet de ce problème. Elle n’avait plus de médicaments pour son hypertension et son diabète, alors nous avons parlé de changements à son mode de vie, je l’ai examinée et lui ai prescrit un bilan sanguin. Je m’occupe aussi de la fille de cette patiente, qui a pris rendez-vous avec moi pour savoir ce que je pensais du plan de son cardiologue. J’étais entièrement d’accord, mais elle voulait entendre l’avis de son médecin de famille. Un étudiant en médecine en formation par observation à mes côtés durant la semaine n’en revenait pas du nombre de tâches différentes que nous avions accomplies, allant d’un examen en puériculture à du counseling pour une patiente en détresse face à la mort imminente de son époux, en passant par une ordonnance de contraceptifs et des discussions sur la prévention des infections transmises sexuellement, sans compter une biopsie à l’emporte-pièce d’une lésion suspecte de la peau. C’est vrai : il est étonnant de soigner des personnes souffrant d’un si large éventail de problèmes de santé. Nous sommes des spécialistes; nous sommes des spécialistes de la personne et de la relation médecin-patient. J’ai dit à l’étudiant en médecine qu’il avait raison, que les médecins de famille ont un travail extrêmement varié, d’une immense portée, et que nous influençons la vie des patients à un niveau très profond. Je suis incroyablement fière d’être médecin de famille.
C’est tout un privilège d’être juste un médecin de famille. Continuons tous à encourager les médecins de famille et les stagiaires à suivre des surspécialités en médecine familiale, mais encourageons aussi les stagiaires qui choisissent d’être juste un médecin de famille et à en être fiers.
Footnotes
Intérêts concurrents
Aucun déclaré
The English version of this article is available at www.cfp.ca on the table of contents for the November 2017 issue on page 892.
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Référence
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