Résumé
Question Les parents d’un petit garçon de 12 mois accompagnent leur fils à ma pratique familiale pour sa visite de puériculture. Comme l’enfant est dû pour sa série vaccinale de 12 mois, les parents s’inquiètent parce qu’ils ont entendu parler d’un lien entre certains vaccins et un risque accru de convulsions fébriles, et ils se demandent s’ils devraient administrer un antipyrétique en prophylaxie pour réduire le risque. Quels vaccins sont liés à un risque accru de convulsions fébriles, et existe-t-il des données à l’appui des antipyrétiques pour prévenir les convulsions fébriles?
Réponse Les vaccins liés à un risque accru de convulsions fébriles sont les suivants : vaccin contre la rougeole, les oreillons et la rubéole; vaccin contre la rougeole, les oreillons, la rubéole et la varicelle; combinaison du vaccin contre la diphtérie, le tétanos, la coqueluche acellulaire et la polio et du vaccin contre le virus Haemophilus influenzae de type B; vaccin contre la coqueluche à germes entiers; vaccin conjugué 7-valent contre le pneumocoque; et administration concomitante du vaccin antigrippal trivalent inactivé avec soit le vaccin conjugué 7-valent contre le pneumocoque, soit le vaccin contre la diphtérie, le tétanos et la coqueluche acellulaire. Malgré le fait qu’ils font partie d’un groupe à risque élevé, les enfants qui reçoivent ces vaccins ne doivent pas prendre d’antipyrétiques en prophylaxie, puisque aucune réduction significative du taux de convulsions fébriles n’a été rapportée, et que les antipyrétiques en prophylaxie réduisent potentiellement la réponse immunitaire à certains vaccins.
La fièvre est l’une des manifestations indésirables les plus courantes après l’immunisation; elle touche en effet 1 à 10 % des enfants américains, l’incidence variant en fonction du type de vaccin1.
Les convulsions fébriles sont l’événement convulsif le plus fréquent chez les enfants de moins de 5 ans; elles surviennent en effet chez 2 à 5 % des enfants2. L’expression convulsions fébriles est en fait impropre, car même si les convulsions sont probablement associées à la fièvre, elles ne sont pas nécessairement causées par une température élevée, et leur physiologie diffère de celle des épisodes fébriles non convulsifs3. Les convulsions fébriles sont simples ou complexes4. Les convulsions fébriles simples sont généralisées, durent moins de 15 minutes et surviennent une seule fois en 24 heures5.
Des antécédents familiaux de convulsions fébriles4 et d’infections virales comme celles causées par le virus de la grippe de type A et le virus herpès humain 65,6 de même que certains vaccins7–12 sont considérés être des facteurs de risque de convulsions fébriles. Les convulsions fébriles récidivent chez quelque 23 à 43 % de tous les enfants ayant subi un premier épisode13.
Vaccins et convulsions fébriles
Depuis la mise sur pied, en 1990, du projet Vaccine Safety Datalink par les Centers for Disease Control and Prevention dans le but d’étudier les effets indésirables liés à l’immunisation pendant l’enfance, un lien a été établi entre certains vaccins et les convulsions fébriles8. Barlow et coll. ont observé un risque statistiquement significatif de convulsions fébriles de 8 à 14 jours après l’administration du vaccin contre la rougeole, les oreillons et la rubéole (ROR) (risque relatif [RR] de 2,83; IC à 95 % : 1,44 à 5,55)8. Le vaccin contre la coqueluche à germes entiers administré en isolement s’est aussi révélé être lié à un risque accru de convulsions fébriles le jour même de l’administration (RR = 5,70; IC à 95 % : 1,98 à 16,42), mais pas plus tard8.
En outre, certains vaccins combinés sont liés à un plus grand risque de convulsions fébriles que leurs vaccins individuels administrés séparément. À l’aide des données tirées du Vaccine Safety Datalink, Klein et coll. ont fait ressortir un risque 2 fois plus élevé de convulsions fébriles lors de l’administration du vaccin combiné contre la rougeole, les oreillons, la rubéole et la varicelle comparativement au vaccin ROR et au vaccin contre la varicelle administrés séparément; toutefois, le risque global était faible (équivalent à 4,3 convulsions fébriles de plus par 10 000 doses [IC à 95 % : 2,6 à 5,6])9. Parmi les Canadiens du même âge, le risque relatif ajusté de convulsions fébriles suivant l’immunisation a environ doublé dans le cas du vaccin combiné contre la rougeole, les oreillons, la rubéole et la varicelle (RR = 6,57; IC à 95 % : 4,77 à 9,05), comparativement au vaccin ROR et au vaccin contre la varicelle administrés séparément (RR = 3,30; IC à 95 % : 2,40 à 4,52)10. Dans une étude de cohorte basée sur la population menée auprès d’enfants nés au Danemark entre 2003 et 2008, la combinaison du vaccin contre la diphtérie, le tétanos, la coqueluche acellulaire et la polio et du vaccin contre le virus Haemophilus influenzae de type B a augmenté le risque de convulsions fébriles chez les nourrissons aux jours 1 et 2 suivant la vaccination, le rapport de risques instantanés s’élevant à 6,02 (IC à 95 % : 2,86 à 12,65) et à 3,94 (IC à 95 % : 2,18 à 7,10), respectivement11.
Dans une récente étude, Duffy et coll. se sont penchés sur le risque de convulsions fébriles lors de l’administration du vaccin antigrippal trivalent inactivé, d’un vaccin antipneumococcique conjugué et d’un vaccin contenant des composants contre le tétanos, la diphtérie et la coqueluche acellulaire (DTCa), administrés seuls ou en association à des enfants de 6 à 23 mois durant les saisons de la grippe, de 2006 à 2011. Les auteurs ont rapporté un risque accru de convulsions fébriles lorsque le vaccin antipneumococcique conjugué 7-valent était administré seul (RR = 1,98; IC à 95 % : 1,00 à 3,91), de même qu’en concomitance avec le vaccin antigrippal trivalent inactivé (RR = 3,50; IC à 95 % : 1,13 à 10,85) ou un vaccin contenant des composants contre le DTCa (RR = 3,50; IC à 95 % : 1,52 à 8,07)12.
Ces données indiquent sans l’ombre d’un doute que certains vaccins et certaines combinaisons de vaccins augmentent indépendamment le risque de convulsions fébriles chez un enfant. Bien que la hausse du risque de convulsions fébriles soit faible, ces épisodes sont terrifiants pour les parents et les soignants qui en sont témoins. Dans l’espoir de prévenir les crises convulsives, et de soulager la douleur14 et la fièvre, les fournisseurs de soins et les parents administrent couramment des antipyrétiques durant la période de vaccination.
Antipyrétiques et convulsions fébriles
S’appuyant sur la thèse selon laquelle il existait une relation de cause à effet entre la fièvre et les convulsions fébriles, les investigateurs ont présumé que les antipyrétiques pourraient prévenir les convulsions fébriles15. Un essai a comparé l’administration prophylactique d’acétaminophène (15 à 20 mg/kg toutes les 4 heures) à l’administration sporadique d’acétaminophène (15 à 20 mg/kg seulement lorsque la température dépasse 37,9 °C) chez les enfants de 6 à 60 mois qui se présentent à l’hôpital avec des convulsions fébriles simples; l’essai n’a fait ressortir aucune différence quant au taux de convulsions fébriles (7,5 et 9,8 % de récidives, respectivement). Par ailleurs, un essai randomisé contrôlé à 2 phases a conclu que l’acétaminophène (10 mg/kg jusqu’à 4 fois par jour lorsque la température dépasse 40 °C) n’a pas prévenu les récidives de convulsions fébriles chez les enfants. Le taux de récidive dans chaque groupe (placebo et placebo, placebo et acétaminophène, diazépam et acétaminophène, et diazépam et diazépam) était respectivement de 8,2; 5,2; 9,9 et 11,5 % 16. Ainsi, les données probantes laissent croire que l’acétaminophène est inefficace pour prévenir les récidives de convulsions fébriles.
L’efficacité de l’ibuprofène pour réduire les récidives de convulsions fébriles a aussi été évaluée. Van Stuijvenberg et coll. ont rédigé un rapport portant sur un groupe de 230 bambins (de 12 à 48 mois) qui avaient eu un épisode de convulsions fébriles et présentaient au moins 1 autre facteur de risque de récidive (dont des antécédents familiaux de convulsions fébriles, une crise convulsive fébrile de différents types, une température inférieure à 40 °C au déclenchement des convulsions initiales, et des récidives de convulsions fébriles). Chaque bambin a reçu de l’ibuprofène (5 mg/kg par dose) ou un placebo toutes les 6 heures dès les premiers signes de fièvre (température au-dessus de 38,5 °C) jusqu’à ce que la fièvre soit tombée pendant 24 heures. À l’aide d’une analyse en intention de traiter, les auteurs n’ont pas fait ressortir de différence statistiquement significative entre les 2 groupes, la probabilité de récidive à 2 ans étant estimée à 32 % dans le groupe ibuprofène et à 39 % dans le groupe placebo (p = 0,7)17.
Un autre groupe de bambins (de 4 à 48 mois) s’étant présentés dans 5 hôpitaux en Finlande avec des convulsions fébriles a été randomisé pour recevoir 1,5 mg/kg de diclofénac par voie rectale (un anti-inflammatoire non stéroïdien) ou un placebo, suivi par l’acétaminophène (15 mg/kg), l’ibuprofène (10 mg/kg) ou un placebo jusqu’à 4 fois par jour tant que la température demeurait supérieure à 38 °C. Le taux de récidive des convulsions était presque identique au suivi de 2 ans : 23,4 % dans le groupe actif et 23,5 % dans le groupe placebo (différence de 0,2; IC à 95 % : −12,8 à 17,6; p = 0,99), ce qui permet de croire que l’administration d’antipyrétiques n’a aucune valeur18.
Antipyrétiques et vaccins
Bien qu’à notre connaissance, il n’existe pas d’articles publiés portant précisément sur l’emploi des antipyrétiques en prophylaxie pour réduire le risque de convulsions fébriles dans la population pédiatrique qui reçoit une immunisation, la baisse de l’immunogénicité serait un risque 19. Une revue systématique ayant examiné l’effet des antipyrétiques en prophylaxie sur les manifestations indésirables après la vaccination chez les enfants de moins de 6 ans a révélé une baisse statistiquement significative du taux d’anticorps après la vaccination chez les patients qui avaient reçu l’acétaminophène seul ou en association avec l’ibuprofène au moment de recevoir un vaccin contenant des composants contre la diphtérie (DTCa ou coqueluche à germes entiers), administré seul ou coadministré avec un vaccin contenant des composants antipneumococciques et antivirus Haemophilus influenzae de type B. Ces résultats ne sont toutefois basés que sur 2 études hétérogènes publiées dont la signification clinique est incertaine, étant donné l’absence de lignes directrices établies sur le taux d’anticorps nécessaire pour protéger les sujets qui reçoivent les vaccins à l’étude20. Il faudra d’autres recherches pour élucider l’effet des antipyrétiques en prophylaxie sur la réponse immunitaire aux vaccins, particulièrement pour examiner de quelle façon la réponse immunitaire affaiblie se répercute sur l’efficacité du vaccin à l’échelle de la population.
Bien que les publications scientifiques actuelles n’appuient pas l’emploi d’antipyrétiques pour réduire le risque de convulsions fébriles après la vaccination, l’âge auquel l’enfant est vacciné pourrait être lié au risque de convulsions fébriles après la vaccination. Rowhani-Rahbar et coll. ont rapporté que dans un groupe d’enfants de 12 à 23 mois, ils ont observé une baisse statistiquement significative de l’incidence de convulsions fébriles chez les enfants qui avaient reçu leur première dose du vaccin ROR à l’âge de 12 à 15 mois, comparativement aux enfants qui avaient reçu ce vaccin plus tard21. Ainsi, il semble que le choix prudent de l’âge auquel le vaccin est administré soit le seul facteur connu pouvant réduire la récidive de convulsions fébriles après la vaccination.
Conclusion
Les convulsions fébriles sont fréquentes chez les enfants. Elles sont habituellement un état bénin dont les résultats à long terme sont favorables. Bien qu’il existe effectivement un lien entre certains vaccins et les convulsions fébriles, le risque est faible et l’emporte sur le risque lié à l’absence de vaccination. Les données actuelles ne laissent voir aucun avantage à administrer des antipyrétiques en prophylaxie, surtout devant une baisse potentielle de l’immunogénicité.
Notes
PRETx Pediatric Research in Emergency Therapeutics
Cette Mise à jour sur la santé des enfants est produite par le programme de recherche en thérapeutique d’urgence pédiatrique (PRETx à www.pretx.org) du BC Children’s Hospital à Vancouver, en Colombie-Britannique. Le Dr Monfries est membre du programme PRETx et le Dr Goldman en est le directeur. Le programme PRETx a pour mission de favoriser la santé des enfants en effectuant de la recherche fondée sur les données probantes en thérapeutique dans le domaine de la médecine d’urgence pédiatrique.
Avez-vous des questions sur les effets des médicaments, des produits chimiques, du rayonnement ou des infections chez les enfants? Nous vous invitons à les poser au programme PRETx par télécopieur au 604 875–2414; nous y répondrons dans de futures Mises à jour sur la santé des enfants. Les Mises à jour sur la santé des enfants publiées sont accessibles dans le site web du Médecin de famille canadien (www.cfp.ca).
Footnotes
Intérêts concurrents
Aucun déclaré
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The English version of this article is available at www.cfp.ca on the table of contents for the February 2017 issue on page 128.
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