Scénario
Vous êtes à table avec votre famille et vous parlez des difficultés médicales et juridiques que vous et un collègue de la santé publique avez rencontrées pour détecter et traiter la tuberculose (TB) dans une population marginalisée d’un quartier défavorisé. Votre fils s’étonne : « La tuberculose est encore un problème? »
Puis, il vous provoque gentiment : « N’était-ce pas un problème au temps de Dickens et Dostoïevski? La médecine moderne aurait dû, depuis tout ce temps, avoir réussi à contrôler cette maladie ».
Données probantes
Il est vrai que Dickens et Dostoïevski ont décrit les ravages de la TB dans des romans écrits à la fin du 19e siècle. Le vaccin BCG (bacille Calmette-Guérin) a été mis au point en 1906, la streptomycine a été utilisée pour la première fois en 1944 pour traiter la TB et l’isoniazide demeure le pilier du traitement depuis les années 1950. Pourtant, plus de 60 ans plus tard, on estime qu’en 2015, quelque 10 millions de personnes avaient développé une TB active et cette maladie demeure parmi les 10 principales causes de décès dans le monde1. Le Canada a la chance d’avoir l’un des taux de TB les plus bas au monde, soit environ 4,6 cas par 100 000 habitants2. Les 2 groupes les plus à risque de TB au pays sont les populations autochtones et les immigrants provenant de pays où la TB est endémique. Par contre, d’autres groupes sont aussi à risque. Dans une récente éclosion qui a duré 13 ans, la TB s’est propagée par l’entremise d’un réseau de consommateurs de drogues vivant dans des quartiers défavorisés, principalement des sans-abri dont plusieurs étaient aussi positifs pour le VIH. Il semble que les fumeries de crack aient été un lieu de transmission3.
L’un des principaux défis pour éradiquer cette maladie réside dans les infections tuberculeuses latentes (ITL). Dans une ITL, les bacilles Mycobacterium tuberculosis sont habituellement réfugiés dans un endroit restreint du sommet du poumon. Les gens qui ont une ITL ne se sentent pas malades, ne sont pas contagieux, mais ils sont quand même porteurs d’un réservoir de bactéries. Les 2 états d’une infection tuberculeuse étaient considérés booléens : actif ou inactif. Par ailleurs, on croit de plus en plus que l’infection tuberculeuse comporte divers stades4. L’infection tuberculeuse latente peut se transformer en TB active lorsque les murs du refuge pulmonaire se brisent. Les facteurs de risque les plus importants d’un passage d’une infection tuberculeuse latente à une infection active sont le VIH-sida, une transplantation d’organe (en raison de l’immunosuppression), la silicose et une insuffisance rénale chronique exigeant une dialyse5.
La bonne nouvelle, c’est que nous avons fait des progrès pour surmonter 2 grands défis de l’ITL : identifier les personnes à risque d’une infection active et trouver un schéma thérapeutique qu’elles peuvent suivre. À l’heure actuelle, ni le test cutané à la tuberculine, ni le test de libération de l’interféron γ (à privilégier pour ceux qui ont déjà eu le vaccin BCG) ne peuvent distinguer avec exactitude les formes actives et latentes de la maladie. L’évaluation des marqueurs sériques qui peuvent servir de prédicteurs de l’activation représente un sujet de recherche intéressant6. Même s’il est possible d’identifier les personnes à risque d’activation, il est difficile pour ces personnes de suivre le traitement, soit prendre de l’isoniazide pendant 6 à 9 mois. Nous savons tous qu’il est pénible de suivre une antibiothérapie pendant 7 à 10 jours lorsque nous sommes malades. Imaginez suivre une thérapie de 9 mois quand nous nous sentons bien! Un nouveau schéma thérapeutique est à l’étude, notamment une dose hebdomadaire d’isoniazide et de rifapentine sous observation directe pendant 12 semaines, et les résultats initiaux sont prometteurs6.
En définitive
Malgré que la TB puisse être traitée, elle demeure un défi mondial redoutable. Et même si nous sommes chanceux au Canada d’avoir de faibles taux de prévalence, nous ne sommes pas débarrassés de la TB et nous devons poursuivre nos efforts pour l’éradiquer. Restez aux aguets des progrès à venir dans la détection et le traitement des personnes qui ont une ITL à risque élevé d’activation.
Notes
RMTC RELEVÉ DES MALADIES TRANSMISSIBLES AU CANADA
Les faits saillants du RMTC font la synthèse des dernières données probantes sur les maladies transmissibles tirées de récents articles publiés dans le Relevé des maladies transmissibles au Canada, une revue révisée par des pairs publiée en ligne par l’Agence de la santé publique du Canada. Ces faits saillants ont été rédigés par la Dre Patricia Huston, médecin de famille spécialisée en santé publique et rédactrice en chef du Relevé des maladies transmissibles au Canada.
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