Les guides de pratique clinique (GPC) sont des outils importants pour les médecins de famille, mais trouver les bons outils et les utiliser de manière judicieuse sont des défis quotidiens. Il n’est pas étonnant que les guides et leurs controverses apparaissent régulièrement dans les pages du Médecin de famille canadien.1–3 Lancez une recherche en entrant les mots guidelines sur le site Web de la revue (www.cfp.ca) et voilà... 1 868 (540 pour le terme guide de pratique clinique) résultats!
L’Institute of Medicine définit les GPC comme des « énoncés qui contiennent des recommandations visant à optimiser les soins aux patients éclairés par un examen systématique des données probantes et une évaluation des avantages et des inconvénients des options alternatives de soins ». 4 Or, si les GPC sont supposés être une ressource précieuse, pourquoi ne sont-ils pas plus utiles?
Un premier problème repose sur leur multitude. L’Infobanque de l’AMC répertorie 377 GPC de pratique de médecine familiale.5 Après avoir éliminé la duplication et ceux qui sont peu pertinents, il reste encore plus de 200 GPC, dont il faut tenir compte! Et bien entendu, la plupart des GPC ont plusieurs facettes, et tentent d’offrir des conseils pour une gamme de situations cliniques.
Les guides de pratique clinique sont présentés comme la norme en matière de soins et utilisés pour mesurer le rendement. Les données probantes évoluent constamment — il est donc normal que les GPC soient régulièrement mis à jour. Mais certains de ces guides ont été d’une fausseté spectaculaire, comme les recommandations antérieures de prescrire un remplacement hormonal post-ménopausique ou des opioïdes pour la douleur chronique non cancéreuse. Cela peut nous inciter à les remettre en question. Les médecins de famille pourraient hésiter à se fier aux GPC parce qu’ils contredisent d’autres lignes directrices. Pour les patients, les GPC pourraient s’opposer à leurs valeurs. Par exemple, pour les personnes diagnostiquées d’un diabète de type 2, les lignes directrices de l’Association canadienne du diabète recommandent l’ajout de médicaments si les cibles d’hémoglobine A1c ne sont pas atteintes dans les 2 à 3 mois de la gestion du mode de vie.6 Cela ne cadre pas avec le temps qu’il faille à la plupart des gens pour accepter un nouveau diagnostic et apporter des changements radicaux à leurs habitudes quotidiennes en ce qui concerne l’alimentation et l’activité. La partie inférieure de la fourchette est en conflit avec les indications de l’intervalle approprié de mesure des niveaux d’hémoglobine A1c.7 Les recommandations de traiter simultanément la pression artérielle, les taux de lipides et la cardioprotection frôlent les dangers de la polypharmacie, le risque d’effets secondaires et d’interactions médicamenteuses.
Des analyses rigoureuses des GPC ont mis en lumière plusieurs problèmes. Une étude des lignes directrices produites de 1985 à 1997 a révélé que l’adhésion moyenne aux normes reconnues était légèrement en deçà de 50 %. 8 Seize ans plus tard, Allan et ses collègues ont écrit qu’environ la moitié des recommandations émises par les lignes directrices sont basées sur les données probantes ou sur des opinions d’experts les plus faibles.9 Après une revue des lignes directrices en soins primaires dans l’Infobanque de l’AMC, ils ont constaté que les spécialistes étaient trois fois plus enclins à contribuer aux GPC que les médecins de famille, et presque deux fois plus enclins à rapporter des conflits d’intérêts (48,6 % contre 27,7 %). Pire encore, les conflits d’intérêts n’étaient divulgués que dans 31,1 % de ces GPC.9 Pour les guides qui ont élargi la définition des maladies, 75 % des auteurs étaient liés à l’industrie.10
On a réclamé de meilleurs GPC, 11,12 et d’importants organismes médicaux se penchent sur ces problèmes. 4,13,14 Bref, des CPG fiables doivent être mis au point par des groupes d’experts multidisciplinaires et des groupes concernés, en fonction d’une revue systématique qui évalue la qualité des données probantes et le poids des recommandations, par un processus explicite et transparent qui minimise les biais et les conflits d’intérêts et tient compte des préférences des patients.
Il faudra du temps pour intégrer ces normes aux GPC actuels. En effet, certains fournisseurs ou industries ayant des intérêts acquis s’y opposeront. Entre temps, les médecins de famille doivent faire preuve de jugement en décidant d’utiliser les GPC… en accordant une attention toute particulière aux sources, aux bailleurs de fonds et à la complexité des vrais patients.
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