Scénario
Vous assistez à une séance scientifique à l’hôpital de votre région. Un urgentologue présente un scénario cauchemardesque. Un homme au début de la soixantaine se présente avec une cellulite progressive au pied et au bas de la jambe gauche. Une intervention chirurgicale d’urgence est exécutée pour une présumée fasciite nécrosante. Une coloration de Gram peropératoire est effectuée sur du tissu musculaire. Le chirurgien s’attendait à trouver des grappes ou de courtes chaînes de coques Gram positif conformes aux streptocoques, mais les résultats ont plutôt révélé des diplocoques Gram négatif. Pourquoi? Le laboratoire a identifié le sérogroupe W du Neisseria meningitidis. Des analyses plus poussées ont démontré que la souche appartenait au complexe clonal ST-11 émergent. Heureusement, l’homme a été sauvé grâce au débridement chirurgical, à des soins intensifs pour choc septique et à la ceftriaxone intraveineuse1.
Données probantes
L’infection invasive à méningocoques est causée par un certain nombre de sérogroupes et parmi eux, le A, le C, le Y et le W sont couverts par les vaccins quadrivalents contre les méningocoques. À l’intérieur de chaque sérogroupe, il existe différents types de complexes clonaux. Depuis 2010, les infections à méningocoques W (MenW) ont connu une hausse dans plusieurs pays, dont le Canada, en raison d’une souche appartenant au complexe ST-11 émergent2.
Le premier cas d’infection à MenW du complexe ST-11 au Canada a été identifié en 19703. Il s’agissait d’un cas isolé. Entre 2009 et 2013, plus de 90 % des infections à MenW étaient causées par les souches traditionnelles du complexe ST-22. Or, de 2014 à 2016, 75 % des isolats de MenW invasifs provenaient du complexe clonal ST-11 émergent2. C’est une tendance à surveiller.
Cette méningococcie émergente préoccupe parce qu’elle touche une population qui n’a peut-être pas reçu le vaccin quadrivalent contre les méningocoques, soit les adultes d’âge moyen et plus âgés, et que sa présentation est atypique. Dans une étude portant sur 129 cas en Angleterre et au Pays de Galles, la moitié d’entre eux avaient été diagnostiqués chez des patients de 45 ans et plus, et environ 25 % se présentaient de manière atypique, notamment la pneumonie, l’arthrite septique et l’épiglottite4. Chez les adolescents, elle peut se présenter sous forme de nausée, de vomissements et de diarrhée5. Au Canada, entre 2009 et 2016, le Laboratoire national de microbiologie de l’Agence de la santé publique du Canada n’avait documenté que 22 cas, mais 31 % touchaient des patients de 41 à 60 ans et 31 % avaient plus de 60 ans2.
En définitive
L’infection à méningocoques due au MenW du complexe ST-11 est rare, mais elle est à la hausse au Canada et dans le monde. Elle peut toucher n’importe quel groupe d’âge, y compris les adultes d’âge moyen et plus âgés, peut avoir une présentation atypique et causer une maladie grave. Si vous soupçonnez une telle infection, communiquez avec le personnel de votre laboratoire et, en cas de confirmation, impliquez la santé publique, car il est important de recueillir des renseignements sur cette maladie émergente. Des antibiotiques prophylactiques et la vaccination devraient être envisagés pour les personnes en proche contact, parce que l’infection a le potentiel de se transmettre.
Notes
RMTC RELEVÉ DES MALADIES TRANSMISSIBLES AU CANADA
Les faits saillants du RMTC font la synthèse des dernières données probantes sur les maladies transmissibles tirées de récents articles publiés dans le Relevé des maladies transmissibles au Canada, une revue révisée par des pairs publiée en ligne par l’Agence de la santé publique du Canada. Ces faits saillants ont été rédigés par la Dre Patricia Huston, médecin de famille spécialisée en santé publique et rédactrice en chef du Relevé des maladies transmissibles au Canada.
Footnotes
The English version of this article is available at www.cfp.ca on the table of contents for the August 2017 issue on page 614.
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