Le rôle de communicateur CanMEDS-Médecine familiale (CanMEDS-MF) met l’accent sur la nature critique de l’échange d’information en médecine de famille, notant ses multiples effets sur la satisfaction et la sécurité des patients, entre autres résultats psychologiques et physiologiques des soins1–3. Les compétences en communication sont importantes « pour établir une relation de confiance, formuler un diagnostic, fournir de l’information, favoriser la compréhension mutuelle et faciliter un plan de soins partagés ».4 À l’ère de l’éducation médicale par compétences, il incombe aux éducateurs cliniques d’évaluer les compétences liées au rôle de communicateur de façon complète, fiable et valide. Cet objectif est difficile à atteindre pour certains programmes de médecine de famille, notamment ceux qui s’appuient sur des superviseurs communautaires ou qui sont situés en régions rurales et éloignées, où il est souvent difficile d’observer les stagiaires directement lorsqu’ils fournissent des soins (p. ex. en utilisant un système de caméra en circuit fermé). De plus, les évaluations omettent presque toujours le point de vue des patients, excluant inutilement leur voix et sacrifiant une rétroaction informative qui pourrait s’avérer précieuse.5
Données probantes
La documentation sur l’évaluation des compétences en communication chez les résidents est volumineuse.6 Par contre, seule une petite part de ce travail cible les résidents de médecine familiale. Ceci est problématique, puisque la relation patient-médecin en médecine familiale se distingue semble-t-il de celle des pratiques spécialisées, notamment par l’importance accrue de l’affiliation, du rapport et de la continuité longitudinale des soins. Par conséquent, les outils dérivés de contextes spécialisés pourraient ne pas idéalement convenir en médecine de famille. Néanmoins, la littérature documente l’élaboration de divers outils pour évaluer les compétences en communication, y compris des examens cliniques structurés objectifs, des listes de contrôle sur les comportements pour les rencontres cliniques et des formulaires d’évaluation générale.5,7–9 Pourtant, à quelques exceptions près,7 la participation des patients au processus d’évaluation n’est pas sollicitée, et c’est une préoccupation sérieuse. Il est clair que les médecins et les patients ont des perceptions différentes de la rencontre clinique10, ce qui explique pourquoi évaluer la performance d’un résident en se basant strictement sur le point de vue de l’enseignant risque de rendre la rétroaction fragile ou incomplète. Soulignons aussi qu’il serait difficile de prétendre que nous outillons les résidents de compétences en communication centrées sur le patient si nous n’arrivons pas à solliciter et à prendre en compte l’expérience du patient dans nos programmes de formation.
Notre expérience
Nous avons tenté de mettre au point un outil de rétroaction par les patients afin de contribuer à notre évaluation du rôle de communicateur CanMEDS-MF dans notre unité d’enseignement de médecine de famille (Département de médecine familiale et communautaire de l’Université de Toronto, University Health Network-Toronto Western Hospital en Ontario) (Tableau 1).* Nous avons commencé à élaborer l’outil au cours de l’année universitaire 2010–2011, en adaptant un instrument préexistant et non publié du Collège des médecins de famille du Canada, du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada et du Conseil médical du Canada. L’outil a été présenté aux résidents dans leur cours postdoctoral sur les Partenaires en soins de santé, qui enseigne les principes de base des soins cliniques centrés sur le patient11, surtout au cours de la première année de résidence.
Outils et ressources : Les éléments suivants ont été utiles dans la mise en œuvre de notre sondage auprès des patients ; ils sont tous consultables sur CFPlus*.
Nous avons utilisé un modèle d’amélioration continue de la qualité (planifier, faire, vérifier, agir)12 pour modifier l’outil et le processus à la lumière de nombreuses consultations avec les médecins de la faculté et les résidents réparties sur cinq années universitaires. Au cours de la première itération, dix résidents de première année ont personnellement distribué le sondage à leurs patients pendant deux ou trois demi-journées préétablies de cliniques et ont immédiatement examiné les résultats du sondage avec leurs superviseurs après chaque demi-journée.
Au fil des ans, le format des questions du sondage a été révisé, passant d’une échelle de type Likert à un format binaire de réponses par « oui ou non», car nous avons constaté que les patients évitaient systématiquement le bas de l’échelle numérique. L’option du commentaire écrit a également été introduite, menant à une rétroaction narrative plus riche et personnelle. Nous avons également accompagné le sondage d’une lettre signée par le directeur du site expliquant la raison d’être de la demande et assurant l’anonymat. Nous avons mis à l’essai des méthodes de distribution du sondage, laissant au personnel d’accueil (plutôt qu’aux résidents le soin) de distribuer les outils de sondage aux patients. Bien que la crainte d’un biais potentiel ait ainsi été éliminée (c.-à-d. le risque que les résidents puissent ajuster leur performance les jours où ils savaient que leurs compétences en communication étaient évaluées par leurs patients), le taux de retour a considérablement chuté.
À mesure que notre unité a commencé à utiliser plus couramment la communication par courriel avec les patients, nous avons poursuivi notre effort en envoyant par courriel l’outil de rétroaction (et la lettre d’accompagnement) aux patients immédiatement après une consultation avec l’un de nos résidents de première année. Les sondages par courriel ont été envoyés durant une période de près de six mois, après quoi la rétroaction agrégée a été partagée avec les résidents et leurs superviseurs pour discussion lors d’une réunion d’évaluation de la progression. Pour notre unité, ce processus a donné les résultats les plus valables en générant un plus grand échantillon (plus près de l’intervalle minimum recommandé de 20 à 509) et par conséquent, une rétroaction plus robuste. De plus, le processus a pu être intégré plus facilement à notre programme d’études, signalant aux résidents que la rétroaction des patients est une mesure que nous prenons au sérieux dans l’examen de leurs compétences en communication. Enfin, il permet de combler d’éventuelles lacunes au moment précis où les objectifs et les plans d’apprentissage sont négociés.
La réponse du corps professoral et des résidents à l’outil de rétroaction a été presque exclusivement positive, et tous ont convenu de continuer de l’utiliser. L’évaluation de l’initiative par les résidents incluait des commentaires comme « informatifs» et « bonne façon de penser à mon attitude envers les patients», et celle des membres du corps professoral du genre « lorsque les résultats sont positifs, c’est réaffirmant; lorsque les résultats sont négatifs, c’est révélateur».
Conclusion
Envisager l’emploi d’un outil de rétroaction des patients dans l’évaluation des compétences en communication CanMEDS-MF des stagiaires (tableau 1).* Le sondage devrait être distribué pendant une période suffisamment longue pour recueillir un échantillon valable de réponses. Les réponses devraient être examinées dans leur ensemble avec l’aide du superviseur du résident, qui connaît déjà la trajectoire et la performance formative du résident, et qui peut aider à contextualiser la rétroaction du patient et à éclairer l’élaboration d’objectifs d’apprentissage appropriés.
Remerciements
Nous tenons à souligner la contribution des chefs résidents qui ont participé à l’élaboration et à la mise en œuvre de l’outil d’évaluation : les Drs Matthew Firszt, Manisha Verma, Chase McMurren et Carly Rogenstein.
Notes
Conseils d’enseignement
▸ Envisager d’incorporer un outil de rétroaction des patients dans l’évaluation des compétences en communication CanMEDS-Médecine familiale, particulièrement dans les milieux communautaires et en régions rurales ou éloignées où les possibilités d’observation directe des résidents avec les patients pourraient être limitées. Comme les outils fournissent un collatéral puissant et une rétroaction indépendante et directe des patients, ils peuvent également être utiles pour les stagiaires en difficulté ou dans le cadre de programmes de remédiation.
▸ Si possible, utiliser la diffusion électronique pour distribuer les sondages aux patients. Si c’est impossible, les sondages pourraient être distribués par le personnel d’accueil (plutôt que par les stagiaires). La distribution du sondage devrait se poursuivre suffisamment longtemps pour obtenir un échantillon valable de réponses. Les réponses doivent être examinées dans leur ensemble avec les conseils du superviseur du résident.
▸ Les stagiaires devraient être bien informés du processus, idéalement dans le cadre d’un programme d’études sur la communication et les méthodes cliniques centrées sur le patient. (Si on prévoit de répartir la distribution du sondage sur quelques jours, les stagiaires ne devraient pas être informés de ces jours pour éviter une rétroaction faussée ou une performance ajustée.
▸ Envisager d’incorporer un outil de rétroaction des patients dans un processus de rétroaction à 360° (multisources), dans le cadre duquel la rétroaction sur les compétences en communication est également recueillie auprès des médecins superviseurs et des membres de l’équipe de santé affiliée.
Occasion d’enseignement est une série trimestrielle publiée dans Le Médecin de famille canadien, coordonnée par la Section des enseignants du Collège des médecins de famille du Canada (CMFC). La série porte sur des sujets pratiques et s’adresse à tous les enseignants en médecine familiale, en mettant l’accent sur les données probantes et les pratiques exemplaires. Veuillez faire parvenir vos idées, vos demandes ou vos présentations à Dre Viola Antao, coordonnatrice d’Occasion d’enseignement, à viola.antao{at}utoronto.ca.
Footnotes
↵* L’outil de rétroaction des patients et les guides du superviseur et du résident sont accessibles en anglais sur www.cfp.ca. Accédez au texte intégral de l’article en ligne et cliquez sur l’onglet CFPlus.
Intérêts concurrents
Nul déclaré
The English version of this article is available at www.cfp.ca on the table of contents for the October 2018 issue on page 778.
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