La radiographie de la Figure 1 appartient à une enseignante de 57 ans qui, en raison d’une blessure au genou à l’adolescence, a vécu avec des douleurs au genou pendant la majorité de sa vie adulte. Après avoir dû subir une méniscectomie dans la vingtaine et une ostéotomie dans la trentaine, elle a combattu une arthrose sévère dès la quarantaine et, par conséquent, elle est devenue sédentaire et obèse, atteignant un indice de masse corporelle de plus de 35 kg/m2. Elle a initialement consulté son médecin de famille, se plaignant de douleurs au genou pendant qu’elle enseignait chaque jour à ses étudiants. Rapidement, la douleur a commencé à la réveiller la nuit et l’obligeait à prendre régulièrement des analgésiques. Elle décrivait la douleur comme atteignant « 9 sur 10 » lorsqu’elle a été inscrite sur une liste d’attente pour une arthroplastie complète du genou. Un an plus tard, elle évaluait sa douleur à « 1 sur 10 » et son nom a été retiré de la liste d’attente.
Radiographie du genou d’une patiente de 57 ans
Le changement le plus important qui s’est produit pendant qu’elle attendait une intervention a été de commencer à faire de l’exercice sous les soins et les conseils d’experts. Il est temps pour nous d’inclure de tels experts, comme des kinésiologues, dans nos équipes de professionnels de la santé.
Bienfaits reconnus
Les médecins de famille connaissent le vaste éventail de bienfaits que procure l’exercice et y croient. Les Directives canadiennes en matière d’activité physique recommandent au moins 150 minutes par semaine d’exercices d’aérobie d’intensité modérée à vigoureuse, accompagnés d’activités de renforcement des muscles et des os1. La Société canadienne de cardiologie recommande l’exercice pour réduire le risque de cardiopathies ischémiques2. L’exercice combiné à un entraînement contre résistance est préconisé pour le traitement de l’ostéopénie et de l’ostéoporose3. Et, bien sûr, nous savons que l’exercice et l’entraînement musculaire diminuent la douleur et améliorent le fonctionnement des patients vivant avec l’arthrose du genou4.
Par ailleurs, nous, dans le monde de la santé, semblons éprouver de la difficulté à prescrire de l’exercice. La source probable de cet embarras est démontrée dans des études auprès de diplômés en médecine familiale qui ont non seulement manifesté un manque de confiance à traiter des problèmes orthopédiques, mais qui se sont aussi dits insuffisamment préparés à prescrire de l’activité physique au moment de l’obtention de leur diplôme5,6. Cette gêne se manifeste en dépit des données probantes voulant que la promotion de l’exercice par les médecins de famille puisse influencer favorablement la participation à des activités physiques et son maintien par les patients7. Il a été démontré que la plupart des médecins tentent effectivement de discuter d’alimentation et d’exercice avec leurs patients, mais que la discussion dure en moyenne seulement environ 90 secondes8. Il semble que bien que nous connaissions généralement les lignes directrices relatives à l’exercice et que nous tentions d’en informer nos patients, la plupart d’entre nous ne semblons pas être suffisamment formés pour aider nos patients à transformer nos recommandations en action.
Le cheminement de cette patiente met en évidence cette lacune. Tôt dans l’évolution de sa maladie, son médecin de famille et son chirurgien orthopédique lui ont recommandé de perdre du poids, et l’ont informée qu’une activité physique régulière et un entraînement de musculation pourraient atténuer sa douleur et améliorer sa qualité de vie. Elle s’est abonnée à un gymnase local et a essayé de s’entraîner seule. Par contre, elle n’est jamais allée dans la salle de musculation, parce qu’elle se sentait « intimidée ». Elle allait plutôt faire un bref jogging sur le tapis roulant. Elle a expliqué ce qui suit : « Qu’importe ce que je faisais; j’avais l’impression de regarder l’horloge et d’attendre que le temps passe. » Ne voyant aucun résultat positif, elle a perdu sa motivation et a laissé tomber son abonnement. En réalité, ses médecins lui avaient communiqué la destination sans lui fournir d’itinéraire.
Miser sur nos connaissances
Nous sommes généralement assez à l’aise pour faire appel à nos équipes de soins de santé pour nos patients; nous consultons volontiers des diététiciens pour des conseils complets en nutrition, des physiothérapeutes pour la prise en charge de blessures musculosquelettiques ou des pharmaciens pour le dosage ou les interactions médicamenteuses. Il est temps que nous élargissions nos équipes de soins de santé afin d’y inclure les personnes qui peuvent aider nos patients à faire de l’exercice efficacement et en toute sécurité. Le fait d’envoyer dans un gymnase un patient qui n’a jamais fait d’exercice, armé seulement des connaissances acquises au cours d’une visite à la clinique, mène droit à l’échec. Si, dans nos communautés, nous recourons aux professionnels expérimentés dans l’aide aux personnes à atteindre leurs objectifs en matière d’activité physique, nous pouvons accroître les chances que nos patients s’engagent à long terme à faire de l’exercice.
Il importe de prendre en compte les ressources dont disposent les médecins de famille motivés à recommander l’exercice. L’exercice : un médicament® Canada est un précieux chef de file pancanadien dans la promotion de l’activité physique pour la prévention et la prise en charge des maladies chroniques. Cette équipe a conçu un outil de prescription de l’exercice à l’intention des médecins, qui aide également ces derniers à demander des consultations auprès de professionnels de l’exercice qualifiés, comme des kinésiologues et des entraîneurs privés agéés9. L’initiative prévoit aussi l’identification des professionnels à qui nous pouvons confier nos patients en toute confiance. De plus, il est possible de suivre une formation plus approfondie dans le cadre du Certificat de compétence additionnelle en médecine du sport et de l’exercice (CCMF[MSE]) du Collège des médecins de famille du Canada. Quelque 288 médecins de famille détiennent cette certification, et les demandes de consultation auprès de ces spécialistes, là où ils sont accessibles, sont généralement couvertes par les régimes provinciaux d’assurance maladie10.
La patiente que nous vous avons présentée a décidé de s’inscrire à des cours avec des entraîneurs, dont plusieurs détenaient un diplôme en kinésiologie ou en physiothérapie et une certification en entraînement privé. Au début, il était intimidant pour elle de voir des hommes et des femmes athlétiques qui levaient des haltères et couraient à une vitesse de pointe. Toutefois, grâce aux conseils des professionnels, elle a vite appris à modifier ses exercices et à s’entraîner de manière sécuritaire. Elle a poursuivi ses cours régulièrement pendant 6 mois avant d’enlever elle-même son nom de la liste d’attente. Durant ce temps, elle avait perdu 20 livres et avait commencé à dormir et à enseigner sans éprouver de douleurs.
L’obstacle évident à l’accès à de tels services réside dans les coûts. S’ils ne font pas l’objet d’une orientation en médecine du sport, de nombreux services ne sont actuellement pas couverts par les régimes provinciaux d’assurance maladie; peut-être devrions-nous préconiser d’élargir cette couverture à l’avenir. Une arthroplastie simple du genou coûte actuellement 900 $, sans compter les frais d’hospitalisation, et nous effectuons plus de 67 000 remplacements du genou par année, un nombre qui augmente sans cesse11,12. Des programmes de consultation en matière d’exercice sont administrés et financés par le gouvernement au Royaume-Uni et en Nouvelle-Zélande, dans le but d’accroître l’activité physique chez les patients atteints de maladies chroniques13,14. Le programme de consultation permet aux médecins de famille d’attester médicalement de la capacité des patients à faire de l’exercice en toute sécurité avant de les orienter vers des spécialistes en exercice au sein de leurs communautés. En attendant, il existe des options abordables dans nombreuses grandes collectivités canadiennes. Par exemple, le YMCA offre des abonnements subventionnés en fonction du revenu, qui permettent aux membres de participer à des cours en groupe supervisés15.
Faire appel à nos communautés
La médecine familiale est en définitive une discipline communautaire, et cette notion fait partie des principes fondamentaux établis par le Collège des médecins de famille du Canada16. Nous sommes membres de nos communautés respectives et nous devrions mobiliser les ressources disponibles pour mieux servir nos patients. Par conséquent, nous devrions commencer à chercher et à inclure des spécialistes de l’exercice de nos collectivités comme parties intégrantes de nos équipes de professionnels de la santé, sur qui nous pouvons compter pour appuyer nos patients. Dans le cas qui nous occupe, la patiente a trouvé une ressource qui l’a aidée à faire de l’exercice de manière sécuritaire et efficace, ce qui a ultimement amélioré le pronostic de sa maladie et sa qualité de vie. Nous devrions être prêts à orienter nos propres patients vers ces ressources dans nos propres collectivités.
Footnotes
Intérêts concurrents
Aucun déclaré
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Cet article a fait l’objet d’une révision par des pairs.
This article is also in English on page 879.
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