Depuis des années, nous tentons d’intéresser les étudiants à la médecine de famille en les informant, entre autres, que notre spécialité offre la carrière avec le plus de flexibilité pour s’adapter aux différentes phases de notre vie et une multitude de possibilités. En lisant le document sur le Profil professionnel en médecine familiale produit par notre Collège1, plusieurs d’entre nous pourraient se demander si c’est toujours le cas?
En 2003, la médecine de famille était en crise avec seulement 24,9 % des étudiants en médecine qui en avaient fait leur choix de carrière2. Le CMFC et d’autres organisations se sont mobilisés pour augmenter l’intérêt des étudiants en médecine pour notre spécialité. Nos efforts de marketing ont été récompensés : de 2013 à 2016, entre 35 et 40 % des étudiants en médecine ont choisi la médecine de famille3.
Pour répondre aux besoins de la population, il faut qu’environ 50 % des étudiants choisissent de faire leur résidence dans notre spécialité. Le Collège royal reconnaît 67 spécialités en plus de la nôtre4. Alors, connaissez-vous un restaurant qui offre 68 types de repas et qui réalise 50 % de ses ventes avec seulement l’un d’entre eux?
Pour être aussi populaire, il faut être attrayant. Nous sommes tous différents et nous avons chacun développé notre argumentaire personnel pour vendre notre spécialité. D’après moi, il y a 4 éléments clés pour attirer les meilleurs étudiants en médecine de famille et pour attirer la proportion nécessaire des étudiants. Il faut :
Expliquer le rôle et la valeur des médecins de famille
Promouvoir les avantages de la médecine de famille (flexibilité, diversité, soins centrés sur le patient, le plaisir de la relation à long terme…)
Revendiquer que notre travail soit bien soutenu (accès aux examens, aux autres professionnels, aux autres spécialistes…)
S’assurer d’avoir une rémunération compétitive par rapport aux autres spécialités
En élaborant le Profil professionnel en médecine familiale, le CMFC voulait promouvoir les soins complets et globaux, continus et centrés sur le patient. Suite aux consultations, il a été établi que cela incluait les soins primaires communautaires, les soins d’urgence, les soins à domicile et en établissement de longue durée, les soins hospitaliers et les soins maternels et néonatals.
Est-ce que cela veut dire que tous les médecins de famille doivent faire cela? Est-ce que cela veut dire que les médecins de famille qui ne prodiguent pas ces soins n’offrent pas un service important à leur communauté? Est-ce la fin de la flexibilité et de l’éventail de possibilités qu’offre une carrière en médecine de famille.
Certainement pas. Individuellement, le médecin de famille n’a pas à faire toutes ces tâches et les compétences additionnelles peuvent répondre à des besoins particuliers des communautés. Les possibilités restent très vastes pour le travail du médecin de famille au niveau individuel. Par contre, au niveau collectif, cela doit s’arrimer avec notre mandat social.
L’exemple récent du Québec est éloquent. Si nous faisons tous ce que nous voulons et que 29 % de la population n’a pas de médecin de famille5, nous avons un problème. Le cas du Québec est particulier et il ne faudrait pas culpabiliser les médecins pour cette situation. Le travail en cabinet et en centre local de services communautaires y a été dévalorisé pendant des années et les activités médicales particulières ont amené une proportion importante du travail des médecins de famille dans les hôpitaux. Cela a laissé un vide en première ligne.
Néanmoins, ce douloureux épisode nous rappelle que si nous ne livrons pas la marchandise au niveau de notre mandat social, nous risquons de perdre une partie de notre autonomie. De plus, nous risquons de laisser un vide qui pourrait être comblé par d’autres professionnels. Nous devons continuer à développer nos compétences additionnelles, mais celles-ci doivent venir renforcer la valeur des soins globaux et continus.
Le Profil professionnel de la médecine de famille ne vient pas nous enlever un des meilleurs arguments pour intéresser les étudiants à la médecine de famille. Il nous permet de mieux définir ce que nous faisons et de mieux l’expliquer aux futurs membres de notre spécialité. Il nous donne un outil pour faire valoir la plus-value de la médecine de famille et pour influencer les politiques de santé afin de mieux soutenir notre pratique et d’appuyer notre revendication d’avoir une rémunération compétitive par rapport aux autres spécialités.
En médecine de famille, individuellement, nous avons encore une multitude de possibilités pour avoir une carrière stimulante, mais collectivement, nous devons livrer les promesses de la médecine de famille à la population canadienne.
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