Nous savons gré à Dre Dubin et à ses collègues1 d’avoir attiré l’attention sur l’obstacle aux soins aux patients que constitue la stigmatisation et d’avoir expliqué certains de ses moteurs dans le système de soins de santé canadien. La complexité du processus de stigmatisation est largement reconnue, et des efforts considérables ont été déployés pour en comprendre les différentes formes et les facteurs qui y contribuent2. Comme Dubin et collègues l’indiquent dans leur commentaire, la stigmatisation est souvent abordée en termes de stéréotypes ou d’actes de discrimination manifestes (la stigmatisation effective); il est important de noter toutefois que la stigmatisation peut être vécue de plusieurs façons, souvent interdépendantes. Par exemple, la simple conscience des attitudes sociétales négatives ou l’anticipation de subir une stigmatisation de la part des dispensateurs de services (la stigmatisation perçue) peut entraver l’accès aux soins3. La stigmatisation peut aussi être intériorisée : les personnes atteintes d’une maladie stigmatisée acceptent pour elles-mêmes les points de vue, les convictions et les sentiments négatifs fondés sur le ou les groupes stigmatisés auxquels elles appartiennent, ce qui a des conséquences lorsqu’elles consultent un médecin et qu’elles essaient de se plier à un traitement4,5. De plus, la stigmatisation peut être effective à l’échelle d’une organisation : la stigmatisation structurelle survient lorsque des politiques et des procédures stigmatisantes sont mises en œuvre, ce qui peut empêcher l’accès ou la participation de certaines personnes aux soins de santé6. Remédier à la stigmatisation dans les soins de santé signifie la comprendre et la combattre à tous les niveaux, et tenir compte de ses recoupements avec d’autres formes d’inégalités sociales (p. ex. le racisme, le classisme, l’hétéronormativité) qui accentuent les obstacles rencontrés par certaines personnes.
Il existe un groupe de patients qui fait souvent l’objet de stigmatisation dans le système de soins de santé et qui n’est pas spécifiquement mentionné dans l’article : les personnes vivant avec des infections transmissibles sexuellement et par le sang (ITSS) ou vulnérables aux ITSS. Au cours des 3 dernières années, l’Association canadienne de santé publique (ACSP), en partenariat avec divers spécialistes et organismes, a mis au point de nombreuses ressources pour aider les dispensateurs de services à renforcer leur capacité de réduire la stigmatisation liée aux ITSS dans leurs propres pratiques et au sein de leurs établissements. Ces outils abordent spécifiquement la stigmatisation liée aux ITSS, à la santé sexuelle et à la consommation de substances, mais le cadre de stigmatisation utilisé dans les documents de l’ACSP, et les approches relationnelles promulguées, peuvent être des points de départ pour remédier à la stigmatisation fondée sur d’autres affections (p. ex. la santé mentale, l’obésité ou les troubles pulmonaires). Ces ressources de réduction de la stigmatisation sont disponibles gratuitement sur le site web de l’ACSP; elles incluent un guide de discussion permettant aux dispensateurs de services d’avoir un dialogue plus sûr, plus inclusif et plus respectueux avec les patients; des lignes directrices pour réduire la stigmatisation par la protection de la vie privée et de la confidentialité des patients; des ressources pour 3 ateliers axés sur les incidences et les causes de la stigmatisation dans les milieux de la santé et des services sociaux et sur les stratégies à employer par les dispensateurs et les établissements pour la réduire; un outil d’autoévaluation à l’intention des praticiens pour les amener à réfléchir à leurs attitudes et à leurs valeurs en lien avec la santé sexuelle, la consommation de substances et les ITSS; et un outil d’évaluation organisationnelle qui permet de trouver des moyens de réduire la stigmatisation rencontrée par les patients et les usagers7.
Comme l’écrivent Dubin et collègues,
En encourageant une plus grande compassion et une acceptation sans porter de jugement sur nos patients en tant que personnes vivant avec des maladies chroniques et ayant besoin de notre aide, nous pourrons en arriver à une moins grande stigmatisation dans les milieux cliniques et de formation1.
Il faudra pour cela désapprendre un bon nombre d’attitudes, de valeurs et de convictions très répandues dans la société et apprendre à reconnaître les déterminants sociaux de la santé qui influent sur la vulnérabilité aux problèmes stigmatisés—2 choses que l’ACSP espère appuyer par ses efforts de réduction de la stigmatisation liée aux ITSS. L’article mentionne l’importance de remédier à la stigmatisation dans le curriculum officiel et le curriculum caché de l’enseignement de la médecine, en raison du décalage parfois apparent entre les valeurs éducatives officielles et les comportements affichés par les enseignants. L’ACSP veut offrir aux dispensateurs de soins de santé des occasions d’apprentissage transformationnelles, les encourager à réfléchir à leurs attitudes, à leurs valeurs et à leurs pratiques personnelles et les aider à découvrir les possibilités de réduire la stigmatisation dans les politiques et les procédures de leurs établissements. Les résultats de l’évaluation des initiatives de perfectionnement professionnel de l’ACSP montrent une prise de conscience, chez les participants, des attitudes, des valeurs et des comportements qui perpétuent la stigmatisation, ainsi qu’un accroissement de leur connaissance des moyens de réduire la stigmatisation. La formation des professionnels de la santé, y compris des étudiants qui se préparent à travailler dans ce domaine, représente une étape prometteuse vers l’amélioration de l’expérience et, en définitive, de la santé des patients.
Footnotes
Intérêts concurrents
Aucun déclaré
- Copyright© the College of Family Physicians of Canada