Depuis quelques décennies, l’incidence du cancer de la thyroïde s’est emballée de manière alarmante; le cancer de la thyroïde est devenu un problème courant de diagnostic et de prise en charge en soins de première ligne. Le cancer papillaire de la thyroïde représente la plupart des cas détectés, soit 85 %1,2. Ce taux croissant de diagnostics est grandement dû aux avancées en matière d’imagerie qui permettent la détection précoce de tumeurs subcliniques. En effet, l’échographie à haute résolution détecte les nodules chez 19 à 68 % des personnes sélectionnées au hasard1. Malgré le taux élevé de dépistage, le taux de mortalité découlant de ces tumeurs endocrines est demeuré stable, avec un excellent pronostic, puisque 99 % des patients dont le nodule est de moins de 20 mm sont vivants à 20 ans2. Il importe donc d’établir un juste équilibre entre le dépistage et l’intervention afin de réduire au minimum la morbidité et la mortalité, sans soumettre le patient à un bilan et à une anxiété injustifiés. Pour bien stratifier le risque potentiel de malignité, les constatations échographiques doivent être corroborées aux observations pertinentes de l’anamnèse clinique et de l’examen physique afin de déterminer quels nodules doivent être soumis à la biopsie par aspiration à l’aiguille fine. Nous présentons ici un résumé concis des observations dont il faut tenir compte lors de la détermination des nodules qui exigent une investigation plus approfondie.
Quand une investigation plus approfondie est-elle nécessaire?
L’investigation des nodules thyroïdiens suspects repose sur l’échographie de la thyroïde et la biopsie par aspiration à l’aiguille fine fondée sur le tableau clinique (Tableau 1). Une grande probabilité de cancer de la thyroïde basée sur l’anamnèse clinique et l’examen physique devrait entraîner une échographie pour déterminer si le nodule est admissible à la biopsie par aspiration à l’aiguille fine en fonction de sa taille et de ses caractéristiques échographiques. Les observations découlant de l’anamnèse clinique qui augmentent la probabilité de malignité sont : la croissance rapide d’une masse dans le cou, la radiothérapie de la tête et du cou, la radiothérapie du corps entier aux fins de greffe de moelle osseuse, les antécédents familiaux de carcinome de la thyroïde ou les syndromes de cancer de la thyroïde (p. ex. néoplasies endocriniennes multiples de type 2, polypose adénomateuse familiale, maladie de Cowden)1. Les constatations pertinentes à l’examen physique évoquant la malignité sont : la dysphonie, la dysphagie, la dyspnée, la lymphadénopathie régionale et la fixation du nodule sur les tissus environnants1. Le bilan initial doit inclure la mesure du taux sérique de thyréostimuline (TSH) dans les cas d’un nodule de plus de 1 cm dans toute dimension, puisque les récentes lignes directrices de l’American Thyroid Association rapportent un lien positif entre le taux sérique de TSH et le risque accru de malignité du nodule et de stades avancés du cancer de la thyroïde1. En outre, des études antérieures ont estimé à 16 % les chances de malignité lorsque le taux de TSH est en deçà de 0,06 mUI/L; à 25 % lorsque le taux se situe entre 0,4 et 1,39 mUI/L; et à 52 % lorsque le taux est supérieur à 5,00 mUI/L3.
Catégorisation des nodules en fonction du degré de caractéristiques suspectes et probabilité de malignité
En ce qui a trait à l’échographie, certaines constatations sur les clichés peuvent aider à confirmer la décision quant aux nodules qui justifient une biopsie par aspiration à l’aiguille fine. Les microcalcifications, le caractère hypoéchogène, les bordures irrégulières, une forme plus haute que large, l’invasion des structures normales et la lymphadénopathie sont toutes des caractéristiques indépendantes évoquant la malignité1. Lorsqu’on envisage des caractéristiques suspectes, le diagnostic de travail doit aussi inclure la thyroïdite d’Hashimoto, puisqu’elle peut imiter une lésion maligne. Des signes d’infection récente des voies respiratoires supérieures, une douleur cervicale, des marqueurs d’inflammation élevés, la fièvre, l’enflure et des symptômes d’hypothyroïdie évoquent tous cette affection inflammatoire bénigne4. Par ailleurs, des rapports d’imagerie montrant un nodule en majeure partie kystique, des dépôts de cholestérol formant des foyers ponctués, échogènes avec artefacts en anneau ou en queue de comète, des débris solides avec cloisons donnant une apparence spongiforme, et une croissance lente sont liés aux nodules thyroïdiens bénins1. Une composition très kystique serait particulièrement rassurante, puisque les rapports ont cité que 88 % des cancers de la thyroïde sont uniformément solides ou présentent des modifications kystiques minimes de moins de 5 %; les modifications kystiques marquées de plus de 50 % sont survenues dans à peine 2,5 % des cancers, dont tous avaient de nombreuses autres constatations échographiques suspectes5. Le Tableau 1 présente un résumé de ces recommandations, y compris la catégorisation des nodules en fonction du degré de caractéristiques suspectes et la probabilité de malignité. Si les résultats de cytologie d’une biopsie par aspiration à l’aiguille fine sont non diagnostiques, la biopsie doit être répétée avec guidage échographique et évaluation cytologique sur place.
Conclusion
Vu l’incidence croissante des cas de cancer de la thyroïde, mais un taux inchangé de mortalité, la prise en charge conservatrice mettant l’accent sur la surveillance est le consensus pratique dans la prise en charge des nodules thyroïdiens. Cela nécessite de corroborer les constatations cliniques et d’imagerie afin de déterminer s’il est nécessaire de procéder à une biopsie par aspiration à l’aiguille fine. Au bout du compte, puisque la plupart des cas sont bénins et que la malignité évolue souvent de manière indolente, le recours judicieux à l’investigation cytologique et la prise en charge conservatrice sont essentiels dans la pratique clinique optimale.
Notes
Nous encourageons les lecteurs à nous faire connaître certaines de leurs expériences vécues dans la pratique : ces trucs simples qui permettent de résoudre des situations cliniques difficiles. Vous pouvez proposer en ligne des articles dans Praxis à http://mc.manuscriptcentral.com/cfp ou par l’intermédiaire du site web du MFC à www.cfp.ca sous « Authors and Reviewers ».
Footnotes
Intérêts concurrents
Aucun déclaré
Cet article donne droit à des crédits d’autoapprentissage certifiés Mainpro+. Pour obtenir des crédits, rendez-vous sur www.cfp.ca et cliquez sur le lien Mainpro+.
Cet article a fait l’objet d’une révision par des pairs.
The English version of this article is available at www.cfp.ca on the table of contents for the February 2018 issue on page 127.
- Copyright© the College of Family Physicians of Canada