
Chers collègues,
Récemment, je discutais avec un ami médecin de famille qui a passé ses cinq premières années de pratique en milieu rural avant de s’installer dans une grande ville. Il offre des soins en groupe et, avec ses collègues, il s’occupe d’une population diversifiée de patients de tous les âges (clientèle immigrante et multiethnique). La clinique assure une couverture après les heures normales de bureau et la fin de semaine (ouverture tous les soirs et de 10 h à 22 h le samedi). Les médecins de famille font des visites à domicile pour soigner les malades en phase terminale et les patients âgés fragiles. Ils n’offrent pas de soins de maternité ou hospitaliers. Même s’il a travaillé aux urgences en début de pratique, il n’en fait plus depuis son arrivée en ville. Souvent, la géographie est plus importante que les facteurs liés au médecin1 pour prédire le champ de pratique. Cela dit, que signifie dispenser des soins continus dans une grande ville en 2018 ?
Pour étoffer mon point de vue, j’ai dû recourir à la plus ancienne des techniques de développement professionnel : parler à mes collègues en milieu urbain. Voici un résumé de leurs observations, de mes lectures et de mon expérience personnelle.
Ce qui est formidable quand on exerce dans une grande ville, c’est le nombre et la variété des ressources disponibles ; ce qui est difficile, c’est le nombre et la variété des ressources disponibles. Apprendre quelles sont les ressources disponibles et comment y accéder pose souvent problème ; c’est une réalité à laquelle sont confrontés les prestataires de soins et les patients. Dans certains domaines, comme le traitement du cancer par exemple, la disponibilité de collègues spécialistes influe parfois sur la relation de continuité. Même si ce ne sont pas des aspects propres à la pratique en milieu urbain, la clarté des rôles, la communication et la coordination des soins sont particulièrement importantes pour la continuité2,3.
De nombreux omnipraticiens en milieu urbain offrent des soins continus « d’une manière ciblée ». Ils accueillent des patients vulnérables et développent des compétences spécialisées dans ce créneau. Souvent, par l’effet du bouche-à-oreille, ils viennent à dispenser des soins complets et continus surtout à ces populations.
Bon nombre de patients urbains travaillent en ville et habitent en banlieue (agglomérations souvent urbaines elles aussi). Certains choisiront une clinique sans rendez-vous ou de soins d’urgence pour obtenir rapidement des soins et consulteront celui qu’ils considèrent comme leur médecin de famille pour les problèmes de santé plus sérieux. L’avancement des communications virtuelles, asynchrones, entre les patients et les professionnels de la santé pourraient aider à corriger ce cloisonnement. Il n’en reste pas moins que cet état de fait influence les interactions entre les médecins de famille en milieu urbain et leurs patients.
Le même phénomène a une incidence sur le processus d’orientation et de consultation. Un médecin de famille en milieu urbain pourra établir de bonnes relations avec un certain nombre de collègues spécialistes vers qui il orientera ses patients. Ces relations se développent généralement au fil du temps (plus long que dans les petites villes ou en région rurale, selon mon expérience) et sont influencées par de nombreux facteurs (facilité de prise de contact par téléphone ou par courriel, interactions face à face, si elles existent, rapidité d’obtention des rapports de consultation, etc.). Ce sera toutefois inutile pour ces patients qui préféreront des consultants prêts de chez eux, mais avec qui leur médecin de famille n’entretient peut-être pas de relations.
À tout cela s’ajoutent les multiples formulaires d’orientation pour des services, les distances à parcourir (et la circulation) pour les visites à domicile et, souvent, les coûts indirects plus élevés liés au maintien d’un bureau. La situation est effectivement complexe.
Une forte proportion (70,8 %) de médecins de famille travaillent dans les grandes villes (+ de 100 000 habitants)4 ; 45 % des médecins de famille en milieu urbain sont rémunérés à l’acte et 39 % selon un mode de rémunération mixte, comparativement à 36 % et 44 % respectivement en milieu rural 5. La réalité du médecin de famille urbain est différente de celle de son confrère en milieu rural. Pourtant, ils ont tous les deux une vocation et la volonté de dispenser les meilleurs soins complets et continus possible. Le Collège estime que le concept de Centre de médecine de famille permet de reconnaître la variété des contextes de pratique des médecins de famille et d’adapter les modèles de pratique et de financement de manière à soutenir les médecins de famille et leurs bureaux en répondant aux besoins de leurs patients de la meilleure façon possible. À la lumière des nombreux commentaires reçus, nous mettons à jour le document sur le Centre de médecine de famille. La refonte sera publiée à l’automne. Restez à l’affût.
Remerciements
Je remercie Dr David Gass, Dr David White, Mme Cheri Nickel et M. Artem Safarov pour leur contribution à cet article.
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