La planification préalable des soins (PPS) est un sujet de plus en plus important en soins primaires étant donné que plus de patients présentant de multiples comorbidités et des maladies chroniques vivent plus longtemps grâce à l’avancement des traitements médicaux. Les médecins de famille sont bien placés pour guider les discussions sur la PPS, puisqu’ils offrent des soins longitudinaux. Toutefois, plusieurs médecins, dont des résidents, ne se sentent pas à l’aise d’aborder ces conversations. Dans cet article, nous décrirons en quoi consiste la PPS et pourquoi elle est importante. Nous présenterons également un outil d’encadrement que nous avons créé dans le but de guider ce processus.
Qu’est-ce que la PPS ?
La planification préalable des soins (PPS) est un processus de réflexion et de communication des valeurs, des croyances, des objectifs et des volontés d’une personne dans le but de mieux préparer ses soins médicaux futurs. La désignation d’un mandataire est un élément clé de la PPS1.
Pourquoi la PPS est-elle importante ?
Jusqu’à 76 % des patients seront incapables de participer à la prise de certaines ou de toutes les décisions relatives à leurs soins de santé en fin de vie2, et 47 % des Canadiens et Canadiennes n’ont pas eu de discussion avec un membre de leur famille ou un proche sur ce qu’ils voudraient ou ne voudraient pas s’ils étaient malades et incapables de communiquer3. Sans les directives consignées dans la PPS, les familles doivent porter le fardeau de la prise de décisions médicales en situation de crise ; elles pourraient se sentir mal préparées à prendre de telles décisions, car elles ne comprennent pas bien les valeurs et les volontés de la personne. Quand aucune directive préalable n’a été documentée, les médecins ont souvent recours aux mesures de réanimation et aux soins médicaux complets. Ceci peut donner lieu à des traitements plus intensifs que le patient n’aurait peut-être pas voulu recevoir, et peut entraîner une souffrance inutile pour le patient et sa famille.
La recherche a démontré que la PPS comporte de nombreux avantages, notamment : l’amélioration de la qualité des soins en fin de vie4 ; une plus grande satisfaction du patient et de sa famille quant aux soins en fin de vie5 ; une réduction du stress et de l’anxiété pour les familles5 ; une diminution des hospitalisations et de la durée des séjours6 à l’hôpital ; une augmentation des soins palliatifs6 ; et une diminution de la durée des séjours passés aux unités de soins intensifs7.
Pourquoi la PPS est-elle importante en médecine familiale ?
Les médecins de famille ont des relations à long terme avec leurs patients. Ils sont les professionnels de la santé qui connaissent le mieux leur état de santé, leurs priorités et leur situation sociale. Ils ont l’avantage de pouvoir répartir le processus de PPS sur plusieurs visites. Pour ces raisons, les médecins de famille sont les mieux placés pour entamer ces conversations délicates avec leurs patients4.
Malgré l’importance de la PPS en médecine familiale, beaucoup de résidents manquent d’assurance lorsqu’ils doivent en parler avec leurs patients. Selon les résultats d’un sondage réalisé dans les universités canadiennes, seuls 40 % des résidents en médecine familiale s’estiment prêts à conseiller leurs patients en ce qui touche la PPS à la fin de leur résidence (K.D., D.J., R.T., Y.Y., données non publiées, décembre 2016). Il semble que cet inconfort se poursuive aussi dans la pratique. Selon les résultats d’un sondage national, 24 % seulement des médecins prodiguant des soins primaires se sentent prêts à discuter de la PPS avec leurs patients, et 67 % croient avoir besoin de plus de ressources pour le faire8.
Une démarche pour les conversations sur la PPS
La plupart des résidents en médecine familiale (80 %) ont affirmé qu’un soutien clinique ou un guide pratique sur la façon de discuter efficacement de la PPS leur serait très utile (K.D., D.J., R.T., Y.Y., données non publiées, décembre 2016). Dans l’espoir de répondre à ce besoin, nous avons procédé à une revue approfondie de la littérature et des ressources existantes portant sur la PPS, et nous avons consulté des experts en éducation et en PPS. Tout cela nous a ensuite permis de mettre au point un modèle simple pour encadrer les discussions sur la PPS : le Cadre Introduire, Discuter, Décider, Documenter (ID3) (Tableau 1)9. Ce cadre a été conçu afin d’aider à articuler les discussions sur la PPS, et non pas pour remplacer la formation et les directives formelles.
Comment effectuer la PPS ?
Voici quelques conseils qu’il est bon d’observer pour parler de la PPS avec les patients :
Choisissez la discussion en fonction de l’état de santé du patient (Tableau 2).
Voyez s’il y a déjà eu des conversations sur la PPS avec le patient et examinez-les, le cas échéant.
Planifiez une discussion sérieuse dans un contexte approprié. (Pour les patients en santé, cette discussion pourrait prendre quelques minutes à peine ; pour les patients atteints de maladies plus graves, elle prendra sans doute un certain temps.)
Encouragez le mandataire du patient à être présent pendant les discussions sur la PPS.
Utilisez le cadre ID3 durant les conversations sur la PPS (Tableau 1)9.
Reparlez de la PPS dans le cadre des visites ultérieures, au besoin, en fonction de l’état de santé du patient.
Le Cadre ID3 pour les discussions sur la PPS
Le Cadre ID3 fournit aux cliniciens une approche pour entamer des discussions sur la PPS. Il pourrait ne pas être possible ou approprié de couvrir tous les aspects du Cadre ID3 en une seule visite. Entre les rendez-vous, invitez les patients à examiner les ressources à leur intention sur le site Web de la campagne Parlons-en ! (www.planificationprealable.ca). Conseillez-leur aussi de discuter de leurs valeurs et de leurs volontés avec les membres de leur famille et leur mandataire.
Conclusion
La PPS permet aux patients d’articuler leurs valeurs et leurs priorités en matière de soins tout au long de leur maladie et de leur vie. Si des situations inattendues surviennent et qu’ils sont incapables de prendre eux-mêmes les décisions relatives aux traitements, les médecins et les membres de la famille sont alors en mesure de diriger les soins en respectant les volontés des patients. Ainsi, la PPS améliore non seulement la qualité des soins aux patients, mais peut aussi permettre d’attribuer les ressources de soins de santé limitées là où les besoins sont les plus criants, améliorant ainsi l’efficacité du système de santé. Les discussions à ce sujet posent parfois un défi de taille pour certains résidents. C’est pourquoi nous les encourageons à s’inspirer de la structure que propose le Cadre ID3 lorsqu’ils parlent de la PPS avec leurs patients.
Remerciements
Cet article a été rédigé avec le soutien du Conseil de la Section des résidents du Collège des médecins de famille du Canada.
Footnotes
Intérêts concurrents
Aucun déclaré
The English version of this article is available at www.cfp.ca on the table of contents for the May 2018 issue on page 394.
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