
Nous sommes tous appelés par Dieu à faire non pas des choses extraordinaires, mais des choses très ordinaires, avec un amour extraordinaire.
Jean Vanier
L’une des expériences les plus difficiles durant ma résidence en pratique familiale fut de prendre soin de Marie et de son partenaire, Jacques. Les 2 avaient des déficiences intellectuelles considérables, étaient sourds et avaient des problèmes de mobilité au point d’avoir besoin d’un scooter pour se déplacer, y compris à leurs rendezvous chez le médecin. Je me suis souvent senti submergé par les nombreux défis que présente le fait d’être leur médecin de famille : aménager le bureau pour les accommoder sur le plan physique, communiquer avec eux et, la dernière chose mais non la moindre, répondre à leurs besoins de soins aigus et préventifs. Au début des années 1990, la formation des résidents en médecine familiale pour prendre en charge des personnes comme Marie et Jacques, tout de suite après la remise des diplômes et au début de la pratique, n’était sur le radar de personne.
Les personnes ayant des déficiences intellectuelles et développementales (DID) représentent de 1 à 3 % de la population canadienne; elles souffrent de problèmes physiques et de santé mentale évitables et traitables1, mais jusqu’à tout récemment, la recherche sur l’état de santé et les soins aux adultes ayant des DID était plutôt limitée. Il n’est pas surprenant que les données probantes cernent de nombreuses lacunes dans les soins aux adultes ayant des DID et que, pour les combler, il importe de mieux assister les professionnels des soins primaires, y compris les médecins de famille2.
À cette fin, Le Médecin de famille canadien publiait en 2006 les toutes premières « Lignes directrices consensuelles sur les soins primaires aux adultes ayant une déficience développementale »3 qui ont été mises à jour en 20114. Comme le mentionnent Sullivan et ses collaborateurs dans leur inspirant commentaire (page S12)1, ces lignes directrices ont attiré l’attention sur les disparités auxquelles les adultes ayant des DID sont confrontés et ont offert aux médecins de famille des conseils utiles et pratiques pour les aider à combler ces iniquités. Dans son numéro d’avril Le Médecin de famille canadien a le plaisir de publier une version mise à jour des lignes directrices5, de même qu’un précieux contenu clinique et issu de la recherche dans ce numéro spécial d’accompagnement, qui contribueront à améliorer davantage les soins aux personnes ayant des DID, au Canada et ailleurs6.
Ce numéro spécial présente un contenu important concernant ce que les personnes ayant des DID disent souhaiter et requérir dans leurs soins (page S8)7. Il contient aussi une révision clinique pratique (page S23)8 qui permettra aux médecins de famille de mieux comprendre que les comportements difficiles chez les personnes ayant des DID peuvent être la manifestation d’un changement dans l’état de santé ou même d’une maladie grave.
Comme c’est le cas avec tous nos patients, certaines des plus grandes vulnérabilités des personnes ayant des DID surviennent dans les périodes transitionnelles de la vie, notamment de l’enfance à l’adolescence, de l’adolescence à l’âge adulte, de l’âge adulte à la maturité et de la maturité à la fin de vie. Ally et ses collaborateurs proposent, dans leur révision clinique, de précieux conseils pour faciliter la transition vers l’âge adulte (page S37)9.
Parce que les généralistes sont habitués à gérer la complexité et l’incertitude, les médecins de famille sont bien placés pour fournir des soins aux personnes ayant des DID dans toutes leurs complexités (page S15)10, mais il nous faut des ressources et du soutien pour prodiguer des soins de grande qualité. Le Médecin de famille canadien est fier de publier la mise à jour 2018 des lignes directrices5, de même que le tout premier numéro spécial de la revue6 sur cet important domaine de la pratique, jusqu’à tout récemment négligé. Nous espérons que les lecteurs le trouveront d’une grande utilité.
Footnotes
This article is also in English on page S3.
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