La fiabilité des lignes directrices repose sur la transparence, la précision et la rigueur dans la méthodologie, de même que sur l’évaluation des données probantes. L’élaboration des lignes directrices devrait être libre de toute influence issue de conflits d’intérêts qu’auraient des membres du groupe d’experts, des rédacteurs ou des bailleurs de fonds, y compris les organismes spécialisés qui ont un intérêt direct dans les recommandations. Ces recommandations doivent tenir compte des valeurs et des préférences des patientes, être claires et réalisables1–3. Il existe une multitude de lignes directrices canadiennes et internationales sur la plupart des services de prévention. Celles-ci se différencient parfois par la façon dont elles sont élaborées, leur respect d’une méthodologie optimale et leurs recommandations2–6. Le Groupe d’étude canadien sur les soins de santé préventifs a établi un cadre explicite, qu’il continue de peaufiner, dans le but de fournir les conseils les plus fiables et utiles possible, et de répondre aux besoins des professionnels de la santé, des parties concernées et du public canadiens.
Le groupe d’étude est financé et appuyé par l’Agence de la santé publique du Canada. Nous sommes une entité formée de 12 à 15 professionnels des soins primaires et experts en prévention et en méthodologie. Nous sommes indépendants du gouvernement et nous préservons notre autonomie contre les intérêts spéciaux en respectant une politique rigoureuse en matière de conflits d’intérêts. Aucun membre actuel n’a de conflit d’intérêts avec l’industrie. Le groupe d’étude rend publiquement accessibles sa méthodologie et ses analyses des données probantes sur lesquelles se fondent ses lignes directrices7. Pour veiller à ce que ses lignes directrices tiennent compte des valeurs et des préférences des patientes, le groupe d’étude intègre des données probantes à cet égard, produites par le Programme d’application des connaissances de l’Hôpital St Michael’s à Toronto (Ontario) ou une revue systématique des données probantes publiées, ou encore les deux7.
Force des recommandations
Dans leurs résumés des recommandations du groupe d’étude, les médias et d’autres commentateurs se concentrent souvent sur l’orientation « pour » ou « contre » une intervention, plutôt que sur la certitude des données probantes et sur les personnes qui devraient spécifiquement suivre la recommandation. Le groupe de travail utilise le système GRADE (Grading of Recommendations Assessment, Development and Evaluation) dans l’élaboration de ses recommandations. Selon cette méthode, les recommandations « faibles » ou « conditionnelles » sont habituellement avancées lorsqu’il règne de l’incertitude sur les conséquences souhaitables et indésirables d’une intervention, lorsque, pour la plupart des patientes, les effets désirables d’une intervention surpassent probablement les conséquences indésirables (recommandations en faveur d’un service), ou lorsque les effets indésirables sont probablement plus importants que les effets désirables (recommandations contre un service). Ces recommandations supposent que la même marche à suivre ne s’applique pas à toutes les personnes et dans toutes les circonstances. Auparavant, le groupe d’étude qualifiait de telles recommandations de faibles. Pour mettre en évidence le manque de certitude entourant la meilleure marche à suivre ou le fait que différentes personnes préféreront des options différentes, le groupe d’étude ne catégorisera plus ces recommandations par le qualificatif faibles, mais plutôt comme étant conditionnelles; nous préciserons ensuite les conditions dans lesquelles le service devrait être fourni et celles où il vaudrait mieux ne pas l’offrir. Dans bien des cas, ces circonstances seront liées aux priorités des patientes quant à l’importance relative des bénéfices et des préjudices potentiels et, habituellement, l’importance de la prise de décision partagée sera mise en évidence8. Par exemple, les récentes lignes directrices du groupe d’étude recommandent conditionnellement le dépistage du cancer du sein chez les femmes de 50 à 69 ans, parce que la décision de subir ou non le dépistage dépend de la valeur relative qu’une femme accorde à la survie possible au cancer du sein par rapport aux préjudices potentiels, y compris les conséquences liées au surdiagnostic du cancer9. Le groupe d’étude propose, sur son site web, des outils d’application des connaissances pour aider à mieux faire comprendre les recommandations et pour faciliter la prise de décision conjointe, le cas échéant (https://canadiantaskforce.ca/?lang=fr).
Recommandations fortes fondées sur des données de faible certitude
Selon le GRADE Handbook,
Une recommandation est forte si les experts du groupe de travail sont convaincus que les effets désirables d’une intervention l’emportent sur ses effets indésirables (recommandation forte en faveur d’une intervention) ou que les effets indésirables prévalent sur les effets désirables (recommandation forte contre une intervention)6.
Même dans le contexte de données de faible certitude, il est possible de qualifier une recommandation de forte lorsque, par exemple, les données étayant les bénéfices sont incertaines et que celles dégageant les préjudices sont convaincantes ou encore, il y a des répercussions importantes sur le plan des ressources. Le groupe d’étude connaît bien les contraintes de notre système de soins de première ligne en matière de ressources, de même que le fardeau économique découlant d’activités qui consomment des ressources financières limitées ou entravent l’accès aux professionnels des soins primaires. Par conséquent, lorsqu’il est certain que les implications sur le plan des ressources sont importantes et que les bénéfices n’ont pas été démontrés, ou encore lorsqu’il spéculer considérablement sur la suite d’événements susceptibles d’apporter des bénéfices, le groupe d’étude présentera une forte recommandation à l’encontre d’un nouveau service dans le contexte d’une faible certitude des données et suggérera de ne pas l’offrir. Dans la récente ligne directrice sur le dépistage du cancer du sein9, le groupe d’étude recommande fortement de ne pas offrir d’autres options que la mammographie, comme l’échographie ou la tomosynthèse, comme stratégies de dépistage de première intention. Dans ce cas en particulier, nous n’avons pas cerné de bénéfices à tirer du service, mais nous sommes certains que de précieuses ressources additionnelles seraient utilisées si le service était offert.
Activités de rayonnement
Le groupe d’étude est une entité indépendante qui rend des comptes à la population canadienne plutôt qu’à des collectifs axés sur une maladie en particulier ou à des groupes d’intérêts spéciaux. Dans ce contexte, nous avons entrepris un certain nombre d’activités de rayonnement pour accroître la mobilisation d’autres parties concernées. Le groupe d’étude a récemment mis sur pied un programme de stages qui offre des possibilités de formation avec un mentor pour des stagiaires en soins de santé et des professionnels en début de carrière qui travaillent avec les membres du groupe d’étude à l’élaboration de lignes directrices. Le réseau des leaders en prévention clinique est un autre programme qui donne l’occasion aux cliniciens de suivre une formation sur les méthodes du groupe d’étude et l’élaboration de lignes directrices. L’initiative vise à promouvoir l’adoption des recommandations et à atténuer les obstacles dans leur mise en œuvre. Enfin, le groupe d’étude produit des modules de formation médicale continue en ligne, en partenariat avec le Collège des médecins de famille du Canada, pour mieux faire comprendre les recommandations des lignes directrices et faciliter leur adoption. Vous trouverez des renseignements concernant toutes ces possibilités sur le site web du groupe d’étude.
L’échange de renseignements au sujet des processus du groupe d’étude peut favoriser une plus grande transparence, mais la reddition de comptes exige des commentaires et une rétroaction de ceux qui donnent suite aux recommandations. Nous voulons que les professionnels de la santé nous disent quel sont les éléments qui nécessiteraient des conseils plus approfondis et la façon de les présenter. Nous invitons les lecteurs du Médecin de famille canadien à consulter la page « Proposez des thèmes à aborder » de notre site web (https://canadiantaskforce.ca/proposez-des-themes-a-aborder/?lang=fr), où vous pouvez proposer des sujets de lignes directrices. Nous espérons que nos travaux se distingueront par l’accent mis sur des sujets qui importent aux Canadiennes et aux Canadiens et par le fait qu’ils reposent sur les meilleures méthodes qui soient.
Remerciements
Le Groupe d’étude canadien sur les soins de santé préventifs est financé par l’Agence de la santé publique du Canada. Les opinions de l’organisme de financement n’ont pas influencé le contenu des lignes directrices. Les opinions exprimées dans cet article sont celles du groupe d’étude et ne représentent pas nécessairement celles de l’Agence de la santé publique du Canada. Le Dr Thombs est financé par un Prix de recherche du Fonds de recherche du Québec – Santé. La Dre Straus est financée à titre de titulaire de la Chaire de recherche de niveau 1 du Canada sur l’application des connaissances et la qualité des soins.
Footnotes
Contributeurs
Les Drs Thombs, Moore et Straus ont conçu le plan et rédigé l’ébauche du commentaire. Tous les auteurs, y compris tous les membres du Groupe d’étude canadien sur les soins de santé préventifs, ont apporté leur contribution à l’élaboration des idées et des initiatives décrites dans le commentaire, ont révisé le document et lui ont donné leur approbation finale.
Collaborateurs
Les membres collaborateurs du Groupe d’étude canadien sur les soins de santé préventifs étaient les suivants : Heather Colquhoun, Roland Grad, Stéphane Groulx, Michael Kidd, Scott Klarenbach, Eddy Lang, John Leblanc, Navindra Persaud, Donna L. Reynolds, John J. Riva, Guylène Thériault et Brenda J. Wilson. La liste complète de tous les membres actuels du Groupe d’étude canadien sur les soins de santé préventifs se trouve à https://canadiantaskforce.ca/a-propos-du-gecssp/membres/?lang=fr.
Intérêts concurrents
Tous les auteurs ont rempli les formulaires normalisés concernant les conflits d’intérêts de l’International Committee of Medical Journal Editors (accessibles sur demande auprès de l’auteur correspondant). Les auteurs déclarent qu’ils n’ont aucun intérêt concurrent. Pour plus de renseignements concernant les conflits d’intérêts et le Groupe d’étude canadien sur les soins de santé préventifs, veuillez consulter https://canadiantaskforce.ca/?lang=fr.
Les opinions exprimées dans les commentaires sont celles des auteurs. Leur publication ne signifie pas qu’elles soient sanctionnées par le Collège des médecins de famille du Canada.
The English version of this article is available at www.cfp.ca on the table of contents for the January 2019 issue on page 12.
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