Selon un rapport publié par l’Institut canadien d’information sur la santé, environ 30 p. cent des examens, traitements et interventions effectués au Canada ne sont pas nécessaires — autrement dit, ils ne présentent aucun avantage sur le plan clinique pour les patients et peuvent causer des préjudices1. Ces données correspondent aux estimations établies dans de nombreux autres pays2.
La surutilisation dans les soins de santé représente un fardeau pour les patients et pour le système de soins de santé. Chez les patients, elle est associée à des préjudices, tels que les faux positifs, les surdiagnostics, les effets secondaires liés à des traitements qui auraient pu être évités et les interactions médicamenteuses. Les ressources disponibles étant toujours limitées, il est nécessaire de les répartir judicieusement. D’ailleurs, la version révisée du référentiel de compétences CanMEDS–Médecine familiale indique que l’une des compétences clés associées au rôle de leader est de « participer à la gestion des ressources allouées aux soins de santé »3.
Enseigner le concept d’adéquation
Selon des données publiées antérieurement, les résidents en médecine de famille prescrivent de façon appropriée le dépistage en santé préventive, mais ils ont tendance à prescrire des examens additionnels qui ne sont pas nécessaires4. Les études ont démontré que le contexte dans lequel est dispensée la formation en résidence joue un rôle important dans l’établissement de la façon dont les médecins exerceront, la médecine. Par exemple, une étude américaine a démontré que la culture du site de formation influence la tendance des internes à choisir une approche conservatrice, le cas échéant, sans que le recours à des approches plus audacieuses, si elles s’avéraient nécessaires, en soit affecté5. Il est difficile pour un médecin de modifier une pratique bien établie; voilà pourquoi notre façon d’enseigner le concept d’« adéquation des soins » est de la plus haute importance6. Compte tenu de ces données, il est essentiel d’instaurer une culture axée sur l’adéquation des soins dans la formation médicale. Puisque la relation patient-médecin est au cœur du rôle du médecin de famille, nous sommes tout désignés pour engager le dialogue sur la surutilisation avec nos patients.
Même si les moyens pour atteindre ces objectifs peuvent varier, un examen des interventions pédagogiques visant les apprenants en médecine suggère que la combinaison du transfert des connaissances, de la pratique réflexive et d’un milieu favorable est primordiale pour créer une culture axée sur l’adéquation des soins7.
Le tableau 16,8 et l’encadré 19 sont des outils d’apprentissage qui peuvent faciliter l’enseignement des principes de l’adéquation des soins aux apprenants; ils peuvent être respectivement téléchargés à https://choosingwiselycanada.org/wp-content/uploads/2019/09/Table1_CWC_FR.pdf et https://choosingwiselycanada.org/wp-content/uploads/2019/09/Table2_CWC_FR.pdf. Nous vous suggérons d’imprimer ces ressources et de les afficher dans les salles de cours pour en faciliter la consultation. Ces deux outils pédagogiques sont basés sur l’affiche de Choisir avec soin Canada Quatre questions à poser à votre fournisseur de soins de santé, dans https://choisiravecsoin.org/wp-content/uploads/2017/06/Four-questions-FR.pdf. Les questions de cette affiche, qui a été distribuée au public et aux cliniciens partout au Canada, ont pour but d’amorcer le dialogue avec les cliniciens relativement à la surutilisation :
Ai-je vraiment besoin de cet examen, de ce traitement ou de cette intervention?
Quels sont les côtés négatifs?
Y a-t-il des options plus simples et plus sécuritaires?
Que se passe-t-il si je ne fais rien?
Exemples d’activités qui enseignent les principes de saine gestion des ressources*
Questions spécifiques à poser aux apprenants sur le bien-fondé des ordonnances*
Le patient a-t-il besoin de cet examen?
L’a-t-il déjà subi?
Si oui, quelle est l’indication de sa reprise?
Le résultat de la reprise risque-t-il d’être très différent du dernier résultat?
Si l’examen a été fait ailleurs, peut-on en obtenir le résultat plutôt que de le refaire?
A-t-on envisagé une option moins invasive?
Cet examen ou ce traitement risque-t-il de modifier la prise en charge du patient? L’aidera-t-il à atteindre ses objectifs de soins?
Quels sont les objectifs du traitement chez ce patient à l’heure actuelle?
Qu’est-ce qui compte pour le patient?
L’état actuel du patient peut-il être le résultat des effets indésirables d’un médicament prescrit? Le retrait de ce médicament ne serait-il pas plus approprié que d’autres examens ou traitements?
Le patient accepte-t-il le plan proposé? A-t-on vraiment tenu compte de son point de vue?
Quels sont les inconvénients potentiels? Les avantages en surclassent-ils les risques?
Le patient comprend-il le rapport risques:avantages potentiel? Considère-t-il que les avantages surclassent les risques?
Si on lui appose l’étiquette de « malade », cette personne en subira-t-elle un impact?
Faites-vous cette suggestion principalement pour satisfaire une demande du patient, pour des raisons d’ordre académique ou pour répondre aux attentes de votre superviseur?
Le patient court-il un risque (dans l’immédiat) si vous n’effectuez pas cet examen ou ne commencez pas ce traitement? Une attente vigilante pourrait-elle être une solution de rechange appropriée?
Quelle est la solidité des données qui appuient cet examen ou ce traitement? Les données en question s’appliquent-elles à ce patient?
Cette intervention pourrait-elle représenter un fardeau significatif pour le patient? Concrètement, quel en sera l’impact sur sa vie?
* Cet outil de Choisir avec soin Canada « Enseigner aux stagiaires et aux médecins résidents la façon de “Choisir avec soin” » peut être téléchargé à https://choosingwiselycanada.org/wp-content/uploads/2019/09/Table2_CWC_FR.pdf.
Adapté de la liste de Choisir avec soin Canada des Six principes pour les externes et étudiants en médecine, https://choisiravecsoin.org/wp-content/uploads/2017/06/Externes-et-etudiants-en-medecine.pdf, et Laine9.
Conclusion
En tant qu’enseignants, nous pouvons aider à faire mieux comprendre l’utilité et les limites des examens, traitements et interventions. Pour être intégrés aux soins cliniques quotidiens, des concepts abstraits comme le risque et le surdiagnostic doivent être bien compris et faire l’objet d’un apprentissage délibéré. Outre les compétences en gestion des ressources, CanMEDS–Médecine familiale exige des compétences dans de multiples domaines directement liés aux principes de Choisir avec soin Canada. Des stratégies simples peuvent aider les apprenants en sciences de la santé à réaliser que parfois, moins c’est mieux.
Notes
Conseils pour les enseignants
▸ La surutilisation dans les soins de santé représente un fardeau à la fois pour les patients et pour le système de soins de santé; c’est pourquoi il est primordial d’axer l’enseignement dispensé aux résidents en médecine de famille sur « l’adéquation » des soins.
▸ En tant qu’enseignants, nous pouvons aider les résidents à mieux comprendre l’utilité et les limites des examens, traitements et interventions.. Pour être intégrés aux soins cliniques quotidiens, des concepts abstraits comme le risque et le surdiagnostic doivent être bien compris et faire l’objet d’un apprentissage délibéré.
▸ Cet article présente des outils qui proposent des activités qui faciliteront l’enseignement des principes de la gestion des ressources et offre une liste de questions à poser aux apprenants relativement à l’adéquation des soins; les outils peuvent être respectivement téléchargés à https://choosingwiselycanada.org/wp-content/uploads/2019/09/Table1_CWC_FR.pdf et https://choosingwiselycanada.org/wp-content/uploads/2019/09/Table2_CWC_FR.pdf. Nous vous suggérons d’imprimer ces ressources et de les afficher dans les salles de cours pour en faciliter la consultation.
Occasion d’enseignement est une série trimestrielle publiée dans Le Médecin de famille canadien, coordonnée par la Section des enseignants du Collège des médecins de famille du Canada (CMFC). La série porte sur des sujets pratiques et s’adresse à tous les enseignants en médecine familiale, en mettant l’accent sur les données probantes et les pratiques exemplaires. Veuillez faire parvenir vos idées, vos demandes ou vos présentations à Dre Viola Antao, coordonnatrice d’Occasion d’enseignement, à viola.antao{at}utoronto.ca
Footnotes
Inrérêts concurrents
Dr Wittmer est membre du Comité de planification scientifique et animateur de cours pour la formation Pour une pratique éclairée au Québec. Dre Thériault est coresponsable des soins primaires de Choisir avec soin Canada. Dre Wintemute est membre du Comité de planification scientifique et animatrice de cours pour la formation Pour une pratique éclairée en Ontario et coresponsable des soins primaires de Choisir avec soin Canada.
The English version of this article is available at www.cfp.ca on the table of contents for the October 2019 issue on page 754.
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