
Chers collègues,
Plusieurs médecins de famille ont parlé de la difficulté d’offrir aux patients les meilleurs soins possible dans le contexte actuel. Les frustrations liées aux dossiers médicaux électroniques (DMÉ), la paperasse à remplir après les heures de travail et les processus compliqués complexifient tous un système où il est déjà difficile de s’y retrouver. Les sections provinciales du CMFC et d’autres groupes se penchent actuellement sur l’organisation de la pratique en médecine de famille. Au Canada, certaines cliniques ont adopté le modèle du Centre de médecine de famille, ce qui a eu des effets positifs sur les soins et la santé. Cette rubrique a été inspirée par de récentes réunions provinciales et interactions avec des membres, de même que par des écrits émergents1,2.
L’accès aux soins demeure un enjeu important aux yeux de nombreux Canadiens — tant les patients que les fournisseurs de soins3,4. Comprendre sa pratique, connaître le délai avant le troisième prochain rendez-vous disponible et mettre en oeuvre les rendez-vous accélérés pourraient réduire les temps d’attente et améliorer la satisfaction. Beaucoup de cliniques innovantes ont eu du succès en employant des modes de communication au-delà des consultations en personne traditionnelles et en assurant un soutien continu (p. ex., par téléphone, par message texte, par courriel, par consultation virtuelle). Nous devons en tirer des leçons et déterminer comment intégrer ces modes de communication dans l’exercice de la médecine au quotidien. On parle de plus en plus de maximiser les fonctions d’autres membres de l’équipe, comme les assistants de bureau. Avec plus de formation, ces derniers peuvent optimiser le service en faisant un triage, en dirigeant des patients vers un fournisseur de soins plus approprié et en accomplissant certaines tâches typiquement échues à d’autres fournisseurs. Ceci permet de libérer du temps aux médecins de famille et autres professionnels de la santé.
Les DMÉ sont un autre facteur qui est un atout plutôt qu’un obstacle à la pratique (problèmes de coût, difficulté d’utilisation, etc.). Si grands soient les défauts de certains logiciels, les DMÉ sont ici pour de bon. Les gouvernements et les décideurs devront s’attaquer aux problèmes d’interopérabilité et veiller à ce que les cliniques puissent obtenir leurs données aisément et à faible coût afin d’en faire un suivi continu et pour appuyer les initiatives d’amélioration continue de la qualité.
Notre relation avec les autres spécialistes et fournisseurs de soins nécessite une meilleure communication et une plus grande attention au déroulement des tâches. Nous souhaitons que les initiatives comme Rapid Access to Consultation Expertise et eConsult deviendront un jour la norme, laissant plus de temps pour les consultations qui doivent se faire en personne. Pour qu’un lien de confiance mutuelle persiste, le médecin de famille doit fournir une demande de consultation valide en temps opportun; le bureau du consultant doit assumer la responsabilité d’aviser les patients de leur rendez-vous et faire parvenir une lettre de consultation adéquate en temps opportun; puis, le médecin de famille doit assurer le suivi. Les consultations multiples auprès d’un spécialiste pour un problème stable pouvant être pris en charge en soins primaires devraient constituer une exception. De la même façon surtout dans les milieux aux ressources limitées, il faut éviter de transférer à tort des soins spécialisés aux médecins de famille.
De plus, nous impliquons de plus en plus les patients et facilitons leur accès aux renseignements sur leur santé. Certaines provinces ont vu apparaître des portails où les patients peuvent prendre eux-mêmes leurs rendez-vous, voir leurs résultats de tests et accéder à des ressources.
Il est aussi important de réfléchir à l’aménagement de l’espace dans la pratique. L’accessibilité, le respect de l’intimité et la présence de salles multiusages, et l’adaptation aux interventions sont tous des facteurs qui affectent la fluidité, l’efficacité et, ultimement, la qualité des soins et le plaisir au travail.
Dernier point important : il faut s’engager à améliorer la qualité, notamment en tentant d’améliorer la fluidité des processus et l’organisation de la pratique. Ce geste, qui par lui-même peut avoir un effet profond, permet aussi de mieux soutenir les initiatives décrites plus haut.
Ces principes d’organisation de la pratique peuvent être intégrés dans le modèle de soins du Centre de médecine de famille 2019, lequel a été bien reçu dans tout le pays. Certes, ce que l’on propose ici est loin d’être facile : cela demande l’aide d’experts en facilitation, des ressources et un soutien continu au niveau de la pratique. Ces réformes sont réalisables indépendamment du modèle de rémunération, mais nous pensons qu’un modèle alternatif conviendrait mieux à une telle transformation de la pratique. Pour libérer du temps en médecine de famille, il faudra l’appui des décideurs et une collaboration entre les bailleurs de fonds et les organisations de médecine de famille. Pour chaque patient admis à l’hôpital, 46 sont traités par un médecin de famille5. Nous devons y consacrer l’attention nécessaire.
Remerciement
Je remercie Eric Mang pour sa révision de cet article.
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