
Ce qui fut, ce qui est, ce qui est à venir.
William Butler Yeats, “Sailing to Byzantium”
En 3 décennies, aucun autre médecin auteur que le Dr David Loxterkamp n’a décrit aussi bien et aussi éloquemment l’importance, le sens et l’impact de notre travail comme médecin de famille. Il fait partie d’une génération de médecins de famille américains que l’auteur John McPhee a qualifiée d’héritiers de la pratique générale1.
Au fil des ans, les essais du Dr Loxterkamp ont présenté les points saillants de son cheminement personnel en tant que médecin de famille dans la petite ville de Belfast (Maine), de même que du cheminement de la médecine familiale comme discipline.
Dans « Hearing voices —how should doctors respond to their calling? »2, rédigé durant l’époque trouble des organisations de gestion des soins aux États-Unis durant les années 1990, le Dr Loxterkamp contextualise comme suit les réflexions présentées dans ces essais :
Fichue journée typique. Je prends du retard, j’avale des gorgées d’un café tiède et je dépouille la montagne de dossiers et de messages qu’a empilés l’infirmière sur mon bureau. Je jette un coup d’œil dans la salle d’attente bondée, et je reconnais tous les noms et les problèmes incontournables des rendez-vous de la matinée2.
Vers la fin de sa journée de travail, il se demande : « Qu’attendent-ils de moi ? Qui croient-ils que je suis? »2. Ce sont là des journées de travail et des questions que reconnaissent la plupart des médecines de famille. Mais il réalise que si nous sommes souvent consultés pour des motifs qui semblent déraisonnables à des moments inappropriés, ce sont des moments que nous jugeons souvent plus tard comme les heures les plus précieuses de nos journées. C’est l’essence de notre « vocation », de notre appel, comme l’avance si bien le Dr Loxterkamp2.
Dans son essai « Doctor’s work: eulogy for my vocation »3, il décrit avec une franchise et une candeur inhabituelles son sentiment d’avoir perdu son ardeur à répondre à cet appel personnel qu’il avait évoqué brillamment dans son essai précédent. Comment continuer face à cette perte de ferveur ?
Comme il arrive souvent, c’est l’un de mes patients qui a mis ce problème en évidence et m’a montré le potentiel qu’offre chaque rencontre. Nous recherchons une connexion, autant le médecin que le patient, de même que la compassion et la capacité nécessaires pour l’exprimer sans jugement ni déni de soi. Il n’y a pas d’appel plus noble3.
Dans « No country for old men: on mentoring in medicine », le Dr Loxterkamp raconte, d’une manière tout aussi indéfectible, ses derniers jours de pratique clinique et sa transition vers la retraite4.
Lorsque j’ai commencé à exercer la médecine familiale, durant les années 1980, ma façon de concevoir « le travail du médecin » ressemblait exactement à la notion qu’en avait mon père. La science de la médecine avait progressé bien au-delà des sulfamides, de la pénicilline et du vaccin Salk, mais moi aussi, je travaillais généralement en solo, par intuition et dans les vapeurs de l’épuisement, et pour la gratitude de mes patients et le respect de la communauté. Nous avions l’impression de pouvoir faire face à presque tous les problèmes qui se présentaient à nous, et nous les acceptions comme s’ils étaient nôtres.
Puis vinrent les dossiers médicaux électroniques, les soins centrés sur le patient, la santé populationnelle, la fusion des hôpitaux, les postes de médecin, l’élargissement des rôles des infirmières, des adjoints au médecin et des pharmaciens, les déterminants de la santé, la chirurgie par robotique et la médecine génétique. Notre travail s’était amélioré, était devenu plus facile, mais serait complètement méconnaissable pour la génération de mon père. Et il échappe rapidement à ma portée.
La médecine n’est pas faite pour les vieux4.
Plus tard, il présente des arguments convaincants concernant l’importance pour les médecins plus âgés de servir de mentors auprès de ceux qui débutent leur carrière afin que la médecine préserve ses fondements éthiques et son dévouement4.
Le Dr Loxterkamp a prononcé la conférence Dr Ian McWhinney 2019, le 18 septembre dernier, à l’Université Western à London (Ontario); le texte en est publié dans le numéro de ce mois du Médecin de famille canadien (page 879)5. Les lecteurs y retrouveront le même genre de profondesréflexion, candeur, compassion et sagesse que le Dr Loxterkamp lorsqu’il envisage l’avenir du médecin de famille5.
Footnotes
This article is also in English on page 854.
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