Chers collègues,
En faisant un retour sur 2019, il faut reconnaître que les temps sont mouvementés, pas seulement en médecine de famille, mais dans la société en général : changements climatiques et soulèvements, des élections fédérales qui ont pris une tournure personnelle et réactive, et des interactions négatives entre différents groupes, souvent amplifiés dans les médias, y compris sur les réseaux sociaux. C’est le contexte dans lequel nous soignons les gens, et nos patients ajoutent à cela leur vécu et leur espoir que nous les accompagnerons sur le chemin de la santé.
Le taux d’épuisement professionnel est très élevé dans la profession médicale, et la médecine de famille est parmi les disciplines les plus touchées (une étude américaine de 2012 indiquait que 38 % des médecins en souffrent, comparativement à 28 % des non-médecins1; le Sondage national sur la santé des médecins de 2018 estimait un taux d’épuisement professionnel à 30 %2. Une récente étude publiée dans Le Médecin de famille canadien indiquait que ce taux pourrait atteindre 73 %3 chez les résidents en médecine de famille. Le manque apparent d’autonomie et les rapports difficiles avec les superviseurs sont d’importants facteurs associés à l’épuisement dans tous les métiers. En médecine, la culture du perfectionnisme, la crainte des répercussions que peuvent avoir les erreurs médicales, les exigences liées à la tenue des dossiers médicaux électroniques, l’accumulation de la paperasse et de lourds processus administratifs archaïques contribuent à un sentiment de perte de contrôle et à la crainte de ne jamais en arriver à bout.
Nous devons prêter attention à la quatrième partie du quadruple objectif4 — le bien-être des fournisseurs de soins — si nous espérons avoir un effet favorable dans les soins aux patients. Je crois que l’entraide fait partie de la solution et qu’il faut envisager des stratégies pour les individus, les équipes et l’ensemble du système.
Se nourrir et dormir sont à la base de la pyramide des besoins de Maslow5 : ces besoins doivent être comblés pour faire preuve d’une plus grande créativité, résoudre des problèmes et apprendre. L’activité physique régulière, la conscience de soi et la réflexion ont toutes des bienfaits pour la santé mentale. Par exemple, avant chaque décollage d’avion, on nous rappelle que, pour prendre soin des autres, il faut commencer par prendre soin de soi : « Mettez d’abord votre propre masque à oxygène ». J’ajouterais : ayez votre propre médecin de famille.
Pensez à une initiative qu’il aurait été impossible sans une équipe. Pour réussir, il faut apprendre à connaître les membres de l’équipe, être conscient de l’ampleur de leur travail et communiquer régulièrement. Organisez périodiquement des réunions d’équipe, formelles (p. ex., tournées) ou informelles (p. ex., rencontres régulières du matin). Avoir une routine est important tout comme le fait de célébrer les jalons franchis et les réalisations.
Le CMFC revendique une amélioration du milieu de travail en santé, de notre propre chef à titre de porte-parole de la médecine de famille, et en collaboration avec d’autres organisations. Comme nous établissons les normes qui régissent les programmes de formation postdoctorale, nous avons travaillé activement pour améliorer les heures de travail des résidents. Par l’entremise de l’agrément, nous avons œuvré pour l’amélioration des politiques contre le harcèlement et la violence et pour que le milieu d’apprentissage soit plus accommodant. L’aspect « Fondements » de la vision du Centre de médecine de famille 2019 met en lumière le besoin de renforcer l’infrastructure, de faciliter la transformation de la pratique, d’intégrer les dossiers médicaux électroniques aux autres systèmes de données et de déployer à plus grande échelle les innovations cliniques comme eConsult afin de réduire les obstacles à l’information et aux soins des autres spécialistes. J’admets que réclamer de tels changements sur la scène régionale ou provinciale représente tout un défi. Pourtant, nous pouvons tous mettre la main à la pâte en appuyant ceux et celles qui travaillent fort pour améliorer la situation. J’espère que nous finirons tous par adopter une certaine modération dans notre façon de communiquer avec nos collègues, en délaissant la mentalité de « nous contre eux » et en nous engageant sur une meilleure voie. Je ne dis pas qu’il faut lever le nez sur la critique, les commentaires ou les suggestions ; ceux-ci doivent être accueillis favorablement. Ils sont preuve de notre engagement envers l’amélioration des milieux d’apprentissage et de travail et, fondamentalement, cela nous tient à cœur.
Enfin, un mot sur l’équilibre entre le travail et la vie personnelle. On aborde souvent ce sujet en supposant que ces deux réalités sont étanches et, par extension, que le plaisir n’a de place qu’en dehors du travail. J’espère qu’en 2020, nous en arrivions à un point où, au lieu d’être en compétition, le travail et la vie personnelle formeront une relation harmonieuse et seront simultanément source de satisfaction personnelle et professionnelle. Je vous suggère de lire les articles cités en référence, qui ont inspiré cette chronique7–11.
Au nom de chacun de nous au CMFC, je vous offre mes meilleurs vœux pour la saison des Fêtes et pour l’année 2020.
Remerciements
Je remercie M. Eric Mang et Dre Shirley Schipper pour leur révision de cet article.
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