Je pratique la médecine familiale en milieu rural depuis 19 ans. J’ai commencé ma carrière en 1994, à Bella Bella, en C.-B., le territoire de la nation Heiltsuk. J’ai desservi cette communauté pendant près de 6 ans et ce fut une expérience personnelle et professionnelle incroyable.
Parfois, le large champ d’activités d’un médecin en milieu rural peut sembler intimidant. Notre petit hôpital hébergeait le seul service d’urgence à des kilomètres à la ronde, avec de petits volumes d’une large gamme de présentations. Pour moi, la plus belle partie de mon travail en médecine familiale rurale était de connaître mes patients et de leur permettre de me connaître. Nous connaissions les réalités de l’autre, sa famille, sa situation de vie. Je connaissais mes patients au-delà de leur rôle de « patients »; ils étaient des fils, des filles, des parents, des grands-parents, des enseignants ou des pêcheurs. Je pouvais mieux comprendre comment leurs problèmes médicaux influençaient leurs vies, sans les dominer. J’ai rapidement appris en début de carrière que mes patients étaient bien plus que leurs diagnostics.
Les récompenses et les défis personnels et professionnels de la médecine familiale rurale sont bien connus, mais nous souffrons encore de la distribution inégale des ressources : 18 % des Canadiens vivent en milieu rural au Canada, mais seulement 14 % des médecins de famille y pratiquent1. Pour souligner davantage l’ampleur de l’inégalité, moins de 3 % des spécialistes qui ne sont pas des médecins de famille travaillent en milieu rural au Canada2. Pratiquer la médecine en milieu rural et éloigné est une des tâches les plus exigeantes dans notre système de soins de santé, mais c’est celle qui reçoit le moins de soutien de la part du système et les ressources humaines sont limitées. Y a-t-il quelque chose que nous pouvons faire pour améliorer cette situation?
J’ai récemment eu l’occasion de discuter de ce problème avec le Dr Scott Kish, Médecin de famille de l’année en 2018 au Manitoba et directeur de l’unité du programme de résidence en médecine familiale Parklands de l’Université du Manitoba à Dauphin. La situation du recrutement et du maintien en poste de la ville de Dauphin est enviable; elle ne peut plus accueillir tous les diplômés de médecine familiale intéressés dans son secteur, et donc ces diplômés sont une source de main-d’œuvre pour d’autres communautés rurales. Le Dr Kish a mentionné qu’un ingrédient important de la recette gagnante du programme Parklands était d’être un site de formation des résidents en médecine familiale.
Le bassin de médecins est un élément essentiel des soins de santé en milieu rural et il s’agit d’un aspect complexe. Le fait de simplement noyer le problème sous l’argent et d’augmenter les incitatifs financiers n’est pas aussi efficace que l’on pourrait croire. Le CMFC et la Société de la médecine rurale du Canada ont créé le Plan d’action pour la médecine rurale, qui présente 20 actions pour améliorer l’accès aux soins de santé et l’équité dans les communautés rurales au Canada3.
Le succès du programme Parklands indique que la septième action pourrait bien être la plus prometteuse : « mieux dispenser la formation médicale dans les communautés rurales3 ». Le développement de programmes de formation médicale est un long processus, mais heureusement, il y a plusieurs initiatives en cours au Canada outre le programme Parklands (p. ex., le programme Annapolis Valley de l’Université Dalhousie en Nouvelle-Écosse, le programme NunaFam de l’Université Memorial au Nunavut et le programme de résidence en médecine familiale de l’École de médecine du Nord de l’Ontario, basé à Sudbury et à Thunder Bay). Selon les résultats du Sondage longitudinal en médecine familiale de 2016, 2017 et 2018, environ la moitié de tous les résidents finissants en médecine familiale au Canada qui ont participé au sondage ont rapporté qu’ils étaient susceptibles de fournir des soins aux populations rurales au cours de leurs 3 premières années de pratique4–6.
Lors d’une rencontre récente du Comité de mise en œuvre du Plan d’action pour la médecine rurale, co-présidé par les Drs Ruth Wilson et James Rourke, Dre Wilson a parlé de la 10e action : « Instituer un service canadien de médecine de dépannage rural pour fournir une main-d’œuvre qualifiée de médecins de famille et de spécialistes généralistes ruraux prêts et capables de travailler dans les milieux ruraux des provinces et territoires, par la délivrance d’une autorisation spéciale de pratique au niveau national3. » Dre Wilson, qui offre actuellement un service de remplacement à Yellowknife, aux T.N.-O., croit qu’un tel service pourrait être intéressant, inspirant et aidant pour les médecins en début de carrière, en milieu ou en fin de carrière. Grâce à son expérience, elle est bien placée pour le savoir.
Le temps est-il venu pour le Canada de mettre en place son propre service médical national afin de soutenir ses communautés rurales et éloignées? Peut-être. Je l’espère.
Remerciement
Je remercie la Dre Ivy Oandasan pour la révision de cet article.
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