Scénario
Une femme de 53 ans, qui a émigré du Pakistan il y a quelques années, vous consulte, se plaignant de fatigue. Elle a de nombreuses raisons d’être épuisée. Elle est mariée et mère de 2 adolescents, travaille à plein temps, mais vit près du seuil de la pauvreté. Les constatations à l’examen physique sont normales. Vous lui montrez de la compassion, vous lui rappelez les bonnes pratiques d’hygiène du sommeil et vous l’encouragez à faire de l’activité physique. Vous prescrivez un hémogramme pour exclure une possibilité d’anémie, vous envisagez un test de la glande thyroïde, puis vous pensez : « Et s’il s’agissait de l’hépatite C? »
Données probantes
L’infection par le virus de l’hépatite C (VHC) est un problème à l’échelle mondiale. Elle se présente sous forme aiguë ou chronique, et est souvent asymptomatique jusqu’à ce que les dommages hépatiques soient considérables. Au Canada, environ 1 % de la population a été exposée au VHC (Figure 1)1,2. Dans environ 30 % de ces cas, l’infection se résorbe spontanément; pour les autres, divers degrés de progression peuvent se produire. Selon les estimations au Canada, 44 % des personnes porteuses du VHC ne savent pas qu’elles sont infectées1 et pourraient par inadvertance transmettre le virus.
Infographique sur l’infection au virus de l’hépatite C au Canada
Source : Agence de la santé publique du Canada. Document infographique de l’hépatite C au Canada. Can Commun Dis Rep 2018;44(7–8):213.
Le Groupe d’étude canadien sur les soins de santé préventifs a recommandé de ne pas dépister le VHC chez les adultes qui ne sont pas à risque élevé3. Ces lignes directrices sont conformes à celles de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS)4, du Collège des médecins de famille du Canada et de l’Agence de la santé publique du Canada5,6, de même qu’à celles de l’Association canadienne pour l’étude du foie de 20187. Toutes préconisent le dépistage chez les personnes à risque accru d’une infection par le VHC (Encadré 1)4. Les recommandations canadiennes prônent le dépistage des personnes qui sont nées, ont voyagé ou ont vécu dans les pays où le VHC est endémique, et ce, en plus des groupes à risque identifiés par l’OMS5–7. Les Centers for Disease Control and Prevention des États-Unis et les lignes directrices de 2018 incluent aussi les personnes nées entre 1945 et 1965 (les baby-boomers) dans les groupes à risque élevé7,8.
Populations à risque accru d’une infection au VHC
Les populations suivantes sont à risque accru :
les personnes qui s’injectent des drogues;
les personnes qui utilisent des drogues par voie nasale;
les récipiendaires de produits sanguins infectés ou qui subissent des interventions invasives en l’absence de pratiques adéquates de contrôle des infections;
les enfants nés de mères infectées par le VHC;
les personnes dont les partenaires sexuels sont infectés par le VHC;
les personnes infectées par le VIH;
les détenus ou les personnes incarcérées antérieurement;
les personnes qui portent des tatous ou des perçages.
VHC—virus de l’hépatite C, VIH — virus de l’immunodéficience humaine. D’après l’Organisation mondiale de la Santé4.
Il est maintenant possible de traiter les infections par le VHC au moyen d’antiviraux à action directe de deuxième génération, qui sont bien tolérés et très efficaces. Ces progrès ont incité l’OMS à instaurer une ambitieuse stratégie pour éradiquer le VHC en tant que menace à la santé publique. Des données scientifiques démontrent que le dépistage, la détection précoce et les traitements améliorent les choses. Une récente étude canadienne a fait valoir une réduction des hospitalisations dues aux VHC et aux complications liées au foie depuis l’avènement des nouveaux médicaments antiviraux, en 20149.
En définitive
Le Pakistan compte parmi les pays du monde où les taux d’infection par le VHC sont les plus élevés. C’est pourquoi vous prescrivez un test de dépistage des anticorps anti-VHC. Les résultats s’étant révélés positifs, vous demandez un test d’amplification des acides nucléiques du VHC aux fins de confirmation (ARN-VHC). Ces résultats sont aussi positifs. Vous donnez rendez-vous à la patiente pour discuter des résultats et l’informez qu’il existe un traitement très efficace. Vous la préparez ensuite pour une évaluation préalable au traitement, qui comporte des analyses sanguines et des tests non invasifs pour évaluer le foie8. Vous invitez son mari et les autres membres de sa famille qui courent les mêmes risques dus à leur pays d’origine à subir des tests. Au départ de votre patiente, vous ressentez la satisfaction d’avoir non seulement aidé cette femme, mais d’avoir aussi contribué à freiner la transmission du VHC au Canada, dans un effort mondial pour éliminer cette maladie.
Notes
Les faits saillants du RMTC font la synthèse des dernières données probantes sur les maladies transmissibles tirées de récents articles publiés dans le Relevé des maladies transmissibles au Canada, une revue révisée par des pairs publiée en ligne par l’Agence de la santé publique du Canada. Ces faits saillants ont été rédigés par la Dre Patricia Huston, médecin de famille spécialisée en santé publique et rédactrice en chef du Relevé des maladies transmissibles au Canada.
Footnotes
The English version of this article is available at www.cfp.ca on the table of contents for the March 2019 issue on page 195.
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