
J’ai récemment eu l’occasion de participer au cours sur la médecine en milieu rural et éloigné de la Société de la médecine rurale du Canada, à Halifax (Nouvelle-Écosse). Ce fut une conférence fort intéressante que je recommanderais à tous les médecins de famille tant pour son contenu que pour l’esprit de camaraderie qui régnait.
Pour moi, deux points forts sont ressortis de la conférence. D’abord, la plénière livrée par la très éloquente Dre Nadine Caron sur la Commission de vérité et réconciliation du Canada. Chirurgienne généraliste à Prince George, en C.-B., la Dre Caron est membre de la nation Ojibwé. Elle nous a donné sa perspective de l’histoire du Canada en ce qui concerne les peuples autochtones et les défis que nous devons relever collectivement afin de bâtir un avenir meilleur.
Un de nos nombreux défis en tant que pays est la prestation de soins plus accessibles, de grande qualité, complets et globaux, aux communautés qui vivent dans les milieux ruraux et éloignés. Bon nombre des habitants de ces régions sont autochtones et ont un lien sacré avec leur territoire.
Ceci m’amène au deuxième point fort : ma conversation avec le Dr Stuart Iglesias, un omnipraticien qui exerce la chirurgie et l’anesthésie à Bella Bella, (C.-B.), où il a habité et travaillé de manière intermittente depuis 1980. Le Dr Iglesias, qui vient tout juste de prendre sa retraite, est un exemple extraordinaire d’un médecin qui a pris une grande charge de travail tout en soutenant activement ses collègues en milieux ruraux à l’échelle nationale.
Comme plusieurs médecins en régions rurales, le Dr Iglesias a adapté ses compétences aux besoins de sa communauté. Bella Bella, le territoire de la nation Heiltsuk, est une île située au large de la côte centrale de la C.-B., au nord de l’Île de Vancouver. Il n’y a pas de phares de nuit sur la piste d’atterrissage. Pour plusieurs raisons, les femmes de l’île préfèrent accoucher dans leur communauté si possible. Afin de répondre aux besoins de la communauté, il est important d’avoir des médecins qui possèdent des compétences en chirurgie et en anesthésie. Le Dr Iglesias détenait les deux. Il n’a pas passé sa carrière entière dans sa communauté. Pour des raisons qu’il a lui-même de la difficulté à articuler, il a travaillé pendant des décennies pour aider les médecins d’autres communautés à acquérir ces mêmes compétences. Quand je lui ai demandé pourquoi il avait déployé autant d’énergie à appuyer ses collègues, il a simplement répliqué : « Parce que je trouvais que c’était important. C’était la bonne chose à faire. Quand on sépare la médecine en soins primaires, secondaires et tertiaires, l’infrastructure des milieux ruraux est décimée. » Plus de services étaient centralisés dans les villes et donc plusieurs communautés rurales écopaient. « Ça me semblait injuste. »
Alors, qu’a-t-il fait? D’abord, il s’est joint à la Société de la médecine rurale du Canada, au début des années 1990. En tant que membre de cette organisation, il a fait du lobbying auprès des décideurs politiques à l’échelle nationale. Il a mené des recherches, publié des articles, et prononcé d’innombrables conférences — une impressionnante contribution, surtout si l’on se souvient qu’il travaillait principalement dans l’une des communautés les plus isolées au pays.
Pour répondre aux besoins en développement professionnel continu des omnipraticiens-chirurgiens, il a organisé une conférence annuelle à Banff (Alberta), où ces médecins se rassemblaient pour de la formation, pour parler de leurs défis et pour s’offrir le soutien professionnel dont les médecins ont besoin, et dont certains tiennent peut-être pour acquis.
Après des décennies de plaidoyer, le rôle des médecins de famille dans la prestation de services de chirurgie et d’anesthésie pour appuyer les soins de maternité et en chirurgie à proximité a reçu l’appui de tous les intervenants professionnels1. En 2015, le CMFC s’est engagé à mettre en place les Certificats de compétence additionnelle en chirurgie et en chirurgie obstétrique. Les médecins de famille qui suivent des formations supplémentaires dans des programmes agréés peuvent recevoir un CCMF(CAC) ou CCMF(CCO). Cette reconnaissance leur donne un titre de compétences reconnu à l’échelle nationale afin qu’ils obtiennent les privilèges requis pour aider les patients en milieux ruraux et éloignés.
Le CMFC valorise la responsabilité sociale et la capacité de s’adapter aux besoins de la communauté. Les étudiants me demandent parfois de leur expliquer comment les médecins, qui passent la majeure partie de leur temps dans des interactions un à un, peuvent être socialement responsables à tous les échelons — micro, méso et macro. Je regarde ces deux exemples éloquents, la Dre Caron et le Dr Iglesias qui, non seulement fournissent des services cliniques forts nécessaires en milieux ruraux et éloignés, mais qui ont aussi remis en question le statu quo et changé le Canada. La Dre Caron nous a indiqué une direction à suivre. Le Dr Iglesias nous a aidés à prendre des mesures concrètes pour y parvenir. Ils sont tous les deux des perles pour notre pays, et nous avons de la chance de les avoir.
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