Cinquante ans se sont écoulés depuis le premier examen du CMFC et la première attribution de la désignation spéciale CCMF. D’une certaine façon, il s’agit un peu de nos noces d’or. En réfléchissant à ceci, je me demande si nous entamons « l’âge d’or » de la médecine de famille. Pour les médecins de famille, à quoi cela ressemblerait-il ?
Si nous pouvions concrétiser les quatre principes de la médecine familiale1 tout en préservant nos valeurs de base — compassion, apprentissage, collaboration et réactivité — ce serait bel et bien l’âge d’or. Nous avons créé des outils et amorcé des projets susceptibles de nous aider à réaliser cette vision.
Le premier principe de la médecine de famille précise que nous sommes des cliniciens compétents. Les apprenants en médecine de famille reçoivent en moyenne plus de formation qu’auparavant. Plus souvent que jamais, ils ont un diplôme de premier cycle avant même de commencer un programme de médecine de 3 ou 4 ans. À l’heure actuelle, chaque résident en médecine de famille reçoit une formation d’au moins 24 mois, et a accès à plus de possibilités de formation postdoctorale qu’auparavant. Cependant, la situation actuelle, aussi favorable soit-elle, fait l’objet d’une réévaluation en fonction du Profil professionnel en médecine de famille (PPMF). Ce profil « présente les contributions, les compétences et les engagements collectifs des médecins de famille envers la population canadienne » 2. Il articule notre engagement envers la « prestation de soins médicaux pour toute la population, à tous les âges, à toutes les étapes du cycle de vie et dans tous les contextes… notamment en soins primaires, en soins d’urgence, en soins à domicile et de longue durée, en soins hospitaliers, et en soins maternels et néonatals. » 2. Le PPMF met aussi l’accent sur le leadership, le plaidoyer et l’érudition.
Le CMFC entame maintenant un projet sur les finalités d’apprentissage. Ce projet a pour but d’assurer que nous atteignons nos objectifs et que nous préparons les résidents de façon optimale afin qu’ils puissent répondre aux besoins de leurs communautés, conformément à la vision du PPMF. Je m’attends à ce que le projet donne lieu à des recommandations sur la durée et la structure de la formation en médecine de famille au Canada, ce qui ouvrirait encore plus de possibilités de formation dans un avenir rapproché. Avec les investissements que nous faisons aujourd’hui, il est possible, voire probable, que les diplômés en médecine de famille des années 2020 soient les cliniciens les mieux qualifiés de notre histoire. Ceci ferait certainement partie de notre âge d’or.
Nos deuxième et troisième principes s’articulent autour de la communauté et de notre rôle en tant que ressource pour une population définie de patients1. Toutefois, l’un des plus importants défis pour notre discipline demeure le suivant : bien que nous sachions que, pour maintes raisons, une personne qui a accès à un médecin de famille est en meilleure santé et vit plus longtemps. 3 tous les Canadiens et Canadiennes n’ont pas le même accès à des médecins de famille. Ceci a toujours été vrai, mais certaines raisons nous portent à croire que l’avenir sera meilleur que le passé.
D’abord, notre vision quant à la responsabilité sociale et la capacité de s’adapter aux besoins de la communauté est bien formulée dans le Centre de médecine de famille 20194. Le fait d’avoir une orientation ne nous mène pas nécessairement à destination, mais cela nous aide à y parvenir.
Ensuite, nous formons plus de résidents en médecine de famille que jamais : il y avait 1 532 postes de résidence en médecine familiale en 2018, comparativement à 1 049 en 2008 et à 454 en 19985.
Troisièmement, plus que jamais, nous travaillons plus souvent et de façon plus efficace au sein d’équipes interprofessionnelles. La médecine de famille est devenue un sport d’équipe qui nous permet potentiellement d’élargir notre portée et rejoindre plus de patients.
Quatrièmement, il nous reste à exploiter plus efficacement le pouvoir des soins virtuels et de l’intelligence artificielle. Pour le moment, l’utilisation de ces innovations par certains mène à une plus grande fragmentation des soins et creuse les inégalités en santé6. Cela dit, il n’est pas difficile de voir que ces mêmes innovations pourraient permettre à une équipe de médecins de famille d’améliorer l’accès à des soins continus, complets et globaux pour la population qu’elle dessert.
Enfin, nous commençons à voir des médecins de famille activement engagés dans le leadership du système. La mise en place d’un système plus efficace remplacerait le modèle actuel où les médecins de famille s’adaptent simplement aux structures imposées par le gouvernement et imposerait une certaine collaboration entre les médecins de famille et les administrateurs. Kaiser Permanente a mis en place une version efficace d’un modèle d’engagement des médecins depuis des décennies. Nous voyons des innovations, comme en Saskatchewan par exemple, qui utilise un modèle dyadique de leadership qui sollicite l’engagement des médecins dans des rôles de leadership7.
La relation avec nos patients est au cœur de tout ce que nous faisons et constitue sans doute notre principe le plus important. C’est dans les interactions individuelles que nous brillons et ces interactions représentent la partie la plus gratifiante de notre travail. Au cours de la prochaine décennie, est-il possible que plus de médecins, possédant plus de formation, puissent rejoindre un plus grand nombre de patients, grâce à leurs collègues des équipes interprofessionnelles, à l’intelligence artificielle et à l’avancement des soins virtuels, afin de fournir des soins de meilleure qualité que jamais auparavant ? Grâce à tous nos efforts concertés, je crois que ceci n’est pas seulement possible, mais très probable. Et ce serait vraiment l’âge d’or.
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