
Chers collègues,
Le CMFC et le Collège des médecins de famille de l’Alberta ont récemment collaboré à la tenue d’un sommet sur invitation pour faire le point sur le défi de société que pose le trouble de consommation d’opioïdes (TCO).
Les statistiques sont bouleversantes. Plus de 9000 personnes ont succombé à une surdose d’opioïdes au Canada entre janvier 2016 et juin 20181. Ce fléau sévit dans les communautés de toutes tailles : en 2017, il y a eu 2,5 fois plus d’hospitalisations liées à la consommation d’opioïdes dans les communautés de 50 000 à 99 000 habitants que dans les grands centres urbains1. En Alberta, près de la moitié des surdoses mortelles surviennent chez des personnes de plus de 39 ans2. De plus, 47 % des victimes avaient eu des interactions avec le système de santé en lien avec leur TCO dans l’année précédant leur décès2. Durant ce sommet, des personnes vivant avec un TCO ont avoué ouvertement leur frustration envers leurs fournisseurs de soins — bon nombre étant des médecins de famille — en raison du manque d’accessibilité, de la honte qu’on leur a fait subir vis-à-vis de leur dépendance et du sentiment d’impuissance et de désespoir dans lequel ces interactions les ont plongés. En revanche, d’autres ont parlé de l’incroyable influence positive qu’un médecin de famille, armé de son savoir et de sa compassion, avait eue lors de leur parcours de rémission. J’aimerais partager avec vous ce que j’ai retenu par-dessus tout de ce sommet.
La meilleure façon de changer les choses, c’est en intervenant au niveau communautaire.
La prise en charge du TCO par des fournisseurs de soins de première ligne a généré de meilleurs résultats que les soins spécialisés en ce qui concerne la rétention en traitement (86 % c. 67 %), l’abstinence des opioïdes de rue (53 % c. 35 %) et la satisfaction des patients (77 % c. 38 % se sont dits très satisfaits)2,3.
Les médecins de famille peuvent et devraient jouer un rôle plus important dans le traitement par agoniste des récepteurs opioïdes.
Des données probantes robustes soutiennent les bienfaits du traitement par agoniste des récepteurs opioïdes pour la désintoxication3. Guider nos patients dans le processus de désintoxication ; ce n’est pas si sorcier, et on peut même en tirer une grande satisfaction personnelle. C’est là un autre exemple de la capacité de s’adapter aux besoins de la communauté, décrite dans le Profil professionnel en médecine de famille4.
Ne le faites pas seul.
Une masse critique de médecins de famille, aidée si possible par d’autres professionnels, favorise la prestation de soins de qualité et diminue le risque d’épuisement. Nous devons travailler ensemble afin d’influencer favorablement les soins offerts à ces patients complexes. Certaines provinces et plusieurs sections provinciales mettent en place des réseaux de mentorat pour les fournisseurs de soins. Le Centre de médecine de famille5 présente également des façons de mettre en œuvre de soins proactifs dispensés en équipe.
Nous devons exploiter le pouvoir de l’influence et du plaidoyer.
Plusieurs participants au sommet ont mentionné que le cycle électoral de quatre ans risquait de nuire au financement accordé à ce domaine de soins ; d’autres ont rappelé l’importance d’une bonne stratégie de marketing lorsqu’il s’agit d’influencer l’opinion publique (p. ex., une campagne « Je suis un toxicomane en rémission et je vote » pour influencer les possibles leviers en politiques de santé).
Il est important que la rémunération reconnaisse adéquatement la complexité des soins de ces patients.
La rémunération des médecins comptait parmi les obstacles mentionnés. Le CMFC a reconnu que le modèle de rémunération à l’acte limite notre capacité de répondre aux besoins des patients qui souffrent de problèmes de santé complexes. Nous espérons qu’à tout le moins, les associations médicales provinciales appuieront en priorité des modèles alternatifs qui permettent de mieux satisfaire les besoins de ces patients. Sinon, l’adoption d’un code de facturation pour soins complexes serait un bon début.
Le CMFC participe à la création et la diffusion d’outils éducatifs sur les traitements opioïdes (p. ex., numéro spécial d’Autoapprentissage sur les opioïdes)6. De plus, nous avons publié des lignes directrices sur le TCO dans le Médecin de famille canadien en mai 20193. La plupart des sections provinciales offrent des programmes de développement professionnel continu de qualité sur les opioïdes. Les membres qui ont un intérêt dans ce domaine peuvent aussi obtenir le Certificat de compétence additionnelle en médecine des toxicomanies du CMFC. Pour qu’il y ait un changement significatif et durable, il faudra que de nombreux partenaires mettent en commun leurs efforts afin d’affronter cette crise sanitaire urgente. Nous pouvons faire mieux, et nous y arriverons.
Footnotes
This article is also in English on page 448.
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