La dermoscopie (aussi appelée dermatoscopie, microscopie par épiluminescence ou épiscopie) est une méthode non invasive servant à examiner les lésions de la peau à l’aide d’un instrument portatif, muni d’une lentille grossissante (un dermoscope) et d’une source lumineuse1. La dermoscopie permet de visualiser adéquatement les structures de la peau, non seulement en les voyant sous une loupe, mais aussi en éliminant la réflexion et la diffraction de la lumière à la surface qui obscurcissent leurs caractéristiques plus profondes2,3. Cet article présente des renseignements sur les caractéristiques dermoscopiques particulières aux mélanomes malins et aux autres lésions pigmentées qui ressemblent souvent à un mélanome malin lorsqu’elles sont vues à l’œil nu (p. ex. nævus mélanocytaire bénin [NMB], kératose séborrhéique et dermatofibrome).
Technique
Avant d’évaluer la lésion en cause à l’aide de la dermoscopie, le clinicien doit procéder à une anamnèse appropriée et observer à l’œil nu la morphologie et la répartition de la lésion1. La dermoscopie est ensuite exécutée en appliquant le dermoscope sur la lésion en question et en regardant par la lentille pour visualiser les caractéristiques morphologiques de la lésion derm atologique (Figure 1). La dermoscopie ne doit jamais être utilisée seule, et les résultats dermoscopiques devraient être corrélés avec ceux de l’examen à l’œil nu.
Image montrant la technique dermoscopique appropriée. Il s’agit d’un dermoscope à lumière polarisée qui ne nécessite pas de contact direct avec la peau ni l’application d’huile.
Le prix d’un dermoscope varie de quelques centaines à quelques milliers de dollars. Il existe des dermoscopes avec lumière polarisée et non polarisée. Les instruments sans lumière polarisée exigent d’appliquer de l’eau ou de l’huile sur la lésion, et doivent être placés directement sur la lésion de la peau pour permettre une bonne visualisation1. Les plus nouvelles générations de dermoscopes utilisent une source de lumière polarisée qui élimine la nécessité d’appliquer un liquide et permet une visualisation sans contact (Figure 1)1.
Approche
Il est possible de poser un diagnostic de kératose séborrhéique et de dermatofibrome en se fondant sur leurs caractéristiques dermoscopiques particulières (Figure 2 et discutées plus en détail plus loin). Dans la plupart des cas, ces lésions sont faciles à diagnostiquer et sont rarement méprises pour un nævus ou un mélanome. Lorsque la possibilité d’une kératose séborrhéique ou d’un dermatofibrome est exclue, le diagnostic d’une lésion mélanocytaire (mélanome malin ou NMB) devrait être envisagé. Il faut se servir de la liste de vérification désignée sous le nom de la règle des 3 points pour faire la distinction entre un nævus mélanocytaire et un mélanome, et décider s’il faut procéder ou non à une biopsie4. Cette liste de vérification comporte les caractéristiques dermoscopiques suivantes : symétrie structurelle, présence de réseaux pigmentaires atypiques et structures de teintes bleues ou blanches (Figure 3 et expliquées plus en détail plus loin). La présence de 2 ou 3 de ces caractéristiques évoque une lésion suspecte qui devrait faire l’objet d’une biopsie ou d’une demande de consultation pour une évaluation plus approfondie du patient4.
Images cliniques et dermoscopiques montrant les caractéristiques A) de la kératose séborrhéique et B) d’un dermatofibrome
Illustrations cliniques et dermoscopiques montrant les caractéristiques A) d’un nævus mélanocytaire bénin et B) d’un mélanome malin
Conditions
Kératose séborrhéique.
À l’œil nu, la kératose séborrhéique (Figure 2A) apparaît comme une plaque ou papule verruqueuse, bien définie, d’un brun terne. Elle présente les caractéristiques dermoscopiques suivantes : pigmentation diffuse, crêtes et sillons, trous, kystes blancs semblables à un grain de milium et bordures « mitées »2,3. Les kystes blancs de l’apparence d’un grain de milium sont nombreux, avec des structures de blanches à jaunâtres, éparpillées dans la lésion. Les trous sont des pores ovales qui ressemblent à des follicules pileux élargis. La kératose séborrhéique présente souvent des crêtes et des sillons (sulci et gyri) semblables à ceux à la surface du cerveau et, par conséquent, ils sont appelés les structures cérébriformes. Une bordure « mitée » est une indentation nettement marquée qui a l’apparence d’une morsure2. Toutes les caractéristiques ne sont pas présentes simultanément dans la lésion, mais la présence d’au moins 3 caractéristiques permet de reconnaître avec confiance la kératose séborrhéique.
Dermatofibrome.
Les dermatofibromes sont des nodules fibreux et bénins communs, causés par la prolifération des fibroblastes (Figure 2B). Ils sont de couleur rose à brun clair et peuvent se retrouver sur de nombreuses parties du corps, mais ils apparaissent le plus souvent sur les jambes et les bras. Leur caractéristique clinique distinctive est le « signe de la fossette », c’est-à-dire que la lésion semble s’enfoncer sous la surface de la peau lorsqu’elle est légèrement pincée entre les doigts à l’examen2. Parmi leurs caractéristiques dermoscopiques particulières figure une surface centrale blanche qui ressemble à des tissus cicatriciels (Figure 2B). Les pigments peuvent être diffus, mais ils sont parfois disposés en un vague pseudo réseau de pigments, qu’il ne faut pas confondre avec le net réseau pigmentaire d’une lésion mélanocytaire2.
Nævus mélanocytaire bénin.
Le nævus mélanocytaire bénin est une prolifération mélanocytaire bénigne qui peut, à l’examen clinique, ressembler étroitement à un mélanome malin (Figure 3A)3. Les nævi mélanocytaires ont globalement une structure symétrique sur tous les axes. La pigmentation d’un NMB peut être répartie en réseaux ou en structures globulaires ayant l’apparence d’un pavé2. Le modèle globulaire est principalement observé chez les enfants ou les très jeunes adultes, et ne sera pas expliqué plus en détail ici. Le réseau pigmentaire typique du NMB est aussi symétrique, et présente une décoloration et un amincissement graduels vers les bords extérieurs de la lésion2,3.La coloration du NMB varie du brun clair au brun très foncé, et la lésion ne présente pas de zones bleues ou blanches semblables à des tissus cicatriciels.
Mélanome malin.
Le mélanome malin est un cancer dermatologique mortel des mélanocytes. Les critères ABCDE du mélanome (c’est-à-dire forme Asymétrique, irrégularité des Bordures, variation des Couleurs [blanc, rouge, brun, bleu gris et noir], Diamètre de plus de 6 mm, et Évolution apparente) sont communément utilisés pour observer une lésion suspecte dans l’examen à l’œil nu3,5. La façon la plus facile de dépister un mélanome malin au moyen de la dermoscopie est de se servir de la règle en 3 points, et d’évaluer les caractéristiques suivantes : asymétrie (asymétrie globale due à des variations dans l’épaisseur et la structure du réseau pigmentaire, présence de zones blanches [d’apparence cicatricielle] de régression de la tumeur, ou globules pigmentaires répartis de façon asymétrique); réseau pigmentaire atypique (lignes épaissies et absence d’amincissement ou de décoloration vers la périphérie); et zones de couleur bleue (Figure 3B)2,4. La présence de 2 ou 3 de ces caractéristiques dans une lésion évoque la possibilité d’un mélanome malin, et la lésion devrait faire l’objet d’une biopsie ou d’une demande de consultation en dermatologie pour le patient4.
Discussion
La dermoscopie améliore la sensibilité pour détecter le cancer de la peau par rapport à un examen à l’œil nu seulement, et c’est un outil diagnostique supplémentaire utile en soins primaires2,3. Le présent article donne un aperçu des caractéristiques dermoscopiques d’un mélanome malin et d’autres lésions pigmentaires semblables, dont le NMB, la kératose séborrhéique et le dermatofibrome. La règle des 3 points dont il est question dans cet article se fonde principalement sur un processus de reconnaissance simplifiée des paramètres habituels, et elle a pour but de servir de technique de dépistage aux dermoscopistes novices afin de faire la distinction entre un mélanome malin et un NMB. La dermoscopie a pour limitation qu’elle exige une formation adéquate et le maintien des compétences pour être efficace. La dermoscopie ne devrait pas se substituer à l’examen clinique, mais plutôt servir d’auxiliaire à l’anamnèse et à l’examen à l’œil nu. Les lésions pigmentées qui ont changé ou ont grossi récemment devraient être évaluées très attentivement, parce que des changements dans la forme ou la couleur se produisent souvent dans le cas d’un mélanome malin1,5. Nous encourageons les personnes intéressées à utiliser la dermoscopie à suivre une formation avant de s’en servir en pratique clinique, car le manque de formation réduit la précision du diagnostic.
Notes
Nous encourageons les lecteurs à nous faire connaître certaines de leurs expériences vécues dans la pratique : ces trucs simples qui permettent de résoudre des situations cliniques difficiles. Vous pouvez proposer en ligne des articles dans Praxis à http://mc.manuscriptcentral.com/cfp ou par l’intermédiaire du site web du MFC à www.cfp.ca sous « Authors and Reviewers ».
Footnotes
Intérêts concurrents
Aucun déclaré
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Cet article a fait l’objet d’une révision par des pairs.
The English version of this article is available at www.cfp.ca on the table of contents for the June 2019 issue on page 412.
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