La diarrhée du voyageur (DV) désigne l’apparition soudaine de selles molles ou liquides lors d’un voyage1. Dans 12 à 46 % des cas, les patients doivent changer leurs projets de voyage2. La diarrhée du voyageur est causée par l’ingestion d’un aliment ou d’un liquide contaminé par un pathogène bactérien, comme l’Escherichia coli entérotoxigène, l’E. coli entéroagrégatif et la Campylobacter3. Les symptômes peuvent durer de 2 à 4 jours, sous forme de crampes, de douleurs à l’estomac, de selles impératives, de vomissements et de diarrhée sanglante1.
En 2017, l’International Society of Travel Medicine a publié de nouvelles lignes directrices pour aider les cliniciens dans la prévention et le traitement de la DV. Les professionnels des soins primaires devraient être au fait de 2 principales mises à jour des lignes directrices précédentes. Premièrement, les lignes directrices précédentes classaient la gravité de la DV en fonction du nombre de selles molles qu’avait eues le voyageur durant les 24 heures précédentes. Dans les nouvelles recommandations, le langage est simplifié et on insiste maintenant sur l’incapacité fonctionnelle pour définir la sévérité de la maladie afin qu’il soit plus facile pour les voyageurs de prendre les mesures appropriées. Le deuxième changement important réside dans le recours au lopéramide. Les lignes directrices précédentes déconseillaient l’utilisation du lopéramide; cependant, dans les nouvelles, son usage n’est déconseillé que dans le cas d’une diarrhée sévère avec dysenterie1.
Pour appuyer les cliniciens lorsqu’ils conseillent leurs patients avant un voyage, nous avons produit un outil infographique de 2 pages (Figure 1), aussi accessible dans CFPlus*, qui peut être utilisé à la clinique et distribué aux patients. Cet outil infographique s’inspire des lignes directrices de l’International Society of Travel Medicine de 2017 sur la DV1, d’une déclaration du Comité consultatif de la médecine tropicale et de la médecine des voyages4, de même que de renseignements tirés du Yellow Book 20185 des Centers fo Disease Control and Prevention. L’outil infographique porte sur 4 principaux sujets : l’évaluation des patients avant le départ, l’éducation des patients à propos des mesures préventives durant le voyage, la prescription et la recommandation de médicaments à prendre durant le voyage, et l’identification des patients qui pourraient avoir besoin d’un suivi additionnel au retour.
Avant le voyage
Pour les voyageurs canadiens, les destinations suivantes posent le plus de risques de DV : l’Asie, le Moyen-Orient, l’Afrique, l’Amérique centrale et l’Amérique du Sud2. Les Canadiens qui se rendent en Europe de l’Est, en Afrique du Sud, au Mexique et dans les îles Caraïbes courent aussi un risque plus élevé de DV2. Les patients qui projettent de voyager vers ces destinations devraient prévoir apporter une solution de réhydratation orale, du lopéramide et un antibiotique comme l’azithromycine.
La prévention durant le voyage
Les voyageurs qui se rendent dans des pays à risque plus élevé devraient prendre des précautions particulières pour minimiser leur exposition4. Par exemple, ils ne devraient manger que des fruits qu’ils peuvent peler euxmêmes, et ne consommer que des aliments bien cuits pendant qu’ils sont encore chauds. De même, ils devraient prendre soin d’éviter les cubes de glace, les salades et les légumes crus, car ces derniers ont probablement été en contact ou faits avec de l’eau du robinet. Les patients pourraient souhaiter prendre 2 comprimés de sous-salicylate de bismuth 4 fois par jour, car il a été démontré que cet agent réduit de 60 % la DV1. Par ailleurs, ses effets secondaires, comme la langue noire, les selles noires, l’acouphène et la constipation, de même que la nécessité d’une administration fréquente, pourraient en limiter l’utilisation.
Le traitement pendant le voyage
Durant leur séjour à l’étranger, les patients ont habituellement à prendre des décisions thérapeutiques sans l’aide de leur médecin ou de leur pharmacien. Les nouvelles lignes directrices facilitent cette prise de décisions en les associant à l’incapacité fonctionnelle. Dans tous les cas de DV, il faut boire une solution de réhydratation. Le lopéramide peut être utilisé pour une diarrhée légère, modérée ou grave, mais devrait être évité en cas de dysenterie. Veillez à informer les patients que la dysenterie se reconnaît par du sang mêlé aux selles, et non seulement par du sang sur le papier hygiénique (qui s’explique plus probablement par des hémorroïdes). Des antibiotiques devraient être utilisés pour la DV sévère, y compris la dysenterie, et l’antibiotique à privilégier est l’azithromycine. Les patients qui ne se sentent pas mieux après 24 à 48 heures devraient consulter un médecin. Les fluoroquinolones sont une option, mais la résistance mondiale à la hausse à leur égard et leurs effets indésirables font en sorte que l’azithromycine est l’option préférable autant pour la DV modérée que grave.
Le suivi après le voyage
Au retour, les patients qui ont une diarrhée grave ou persistante devraient faire l’objet d’une analyse des selles. Environ 5 % des patients qui souffrent de DV développeront un syndrome du côlon irritable postinfectieux2. Parmi les complications rares mais sérieuses à connaître figurent l’arthrite réactionnelle et le syndrome de Guillain-Barré.
Conclusion
Les voyageurs les plus à risque de DV sont ceux qui habitent des pays à faible risque, comme le Canada, et se rendent dans des pays à risque plus élevé. La diarrhée du voyageur se produit habituellement vers le début du voyage; par contre, les patients devraient prendre des précautions entourant l’eau et les aliments durant tout leur séjour. La DV peut aussi causer beaucoup de stress et de dépenses lorsqu’elle force le voyageur à annuler ou à changer ses plans. Les professionnels des soins primaires ont un rôle clé à jouer pour aider leurs patients à se préparer à leurs voyages et à en tirer le maximum.
Remerciements
Nous remercions Adrian Poon, qui a conçu le document infographique. Ces travaux ont été appuyés en partie par l’Ontario College of Pharmacists grâce à des fonds versés au programme Pharmacy5in5.
Notes
Nous encourageons les lecteurs à nous faire connaître certaines de leurs expériences vécues dans la pratique : ces trucs simples qui permettent de résoudre des situations cliniques difficiles. Vous pouvez proposer en ligne des articles dans Praxis à http://mc.manuscriptcentral.com/cfp ou par l’intermédiaire du site web du MFC à www.cfp.ca sous « Authors and Reviewers ».
Footnotes
↵* Le document infographique (Figure 1) est accessible à www.cfp.ca. Rendez-vous au texte intégral (full text) de l’article en ligne et cliquez sur l’onglet CFPlus.
Intérêts concurrents
Aucun déclaré
Cet article donne droit à des crédits d’autoapprentissage certifiés Mainpro+. Pour obtenir des crédits, rendez-vous sur www.cfp.ca et cliquez sur le lien Mainpro+.
This article is also in English on page 483.
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