Chers collègues,
Nous entendons souvent dire que l´avenir est déjà là. Selon une étude Gallup, 76 % des Américains croient que l´intelligence artificielle (IA) va radicalement transformer les modes de vie et de travail au cours de la prochaine decennie1. Les mégadonnées et l´innovation numérique transforment les soins de santé, et les dirigeants du CMFC se tournent de plus en plus vers 2030. Quel sera le portrait de la médecine de famille ? Aura-t-on besoin de plus ou de moins de médecins de famille ? Qúest-ce qui nous rendra indispensables ?
En mai 2019, le Forum annuel des dirigeants du CMFC a porté sur les répercussions des soins virtuels et de l´intelligence artificielle sur la prestation des soins et la compassion en médecine de famille. Plusieurs présentations et ateliers nous ont rappelé les promesses et les pièges potentiels associés à ces technologies. Nous avons eu la chance d’entendre les propos de personnes qui en ont fait l´expérience. Voici quelques-uns des apprentissages tirés de nos délibérations.
Les soins virtuels, qui gagnent rapidement en sophistication, peuvent être intégrés dans la pratique pour améliorer l´accès. Les principes directeurs sur lesquels est basée cette intégration incluent le maintien de la qualité, la protection de la vie privée et l´augmentation de la commodité. Dans les cliniques où les soins virtuels sont bien intégrés, la satisfaction des fournisseurs de soins et des patients est élevée, l´accès est amélioré et la commodité est renforcée (p. ex. moins de déplacements ou de pertes de temps de travail). C’est une question de choix pour accéder aux soins. La fragmentation des soins est une préoccupation légitime, mais s´ils sont adéquatement déployés et intégrés dans la pratique, les soins virtuels peuvent améliorer l´accès et assurer la continuité des soins.
L´intelligence artificielle, dont l´intégration est également en cours, peut améliorer l´exactitude des diagnostics et renforcer la sécurité des patients. En interprétant les données réelles sur chaque personne, elle nous rapproche de la médecine personnalisée. La médecine traditionnelle, fondée sur les données probantes, sera remplacée ou améliorée par la médecine basée sur l´intelligence. En interprétant des masses de données réelles sur les individus, cette médecine nous permettra d´entreprendre une démarche d´analyse prédictive avec les patients et d´envisager des options de prévention et de traitement personnalisées.
Ces données présentent à la fois des promesses et des dangers. Les participants se sont dits préoccupés par deux choses : la confidentialité et la sécurité des données et le rôle de l´industrie et de la profession, y compris le besoin d’impliquer le public à cette conversation. Il est concevable qúavant longtemps, des analystes de données soient intégrés aux équipes de soins, transformant les données brutes en information dont les patients et les fournisseurs de soins se serviront pour soutenir la prise de décision partagée et améliorer notre rôle en tant que guérisseurs.
Il est important de créer un programme de recherche centré sur la gouvernance et l’intendance des données liées à l´éthique des soins de santé dans un environnement numérique.
Des participants ont dit craindre une plus grande iniquité dans l´accès aux soins. D´autres se demandaient s´il n´y aurait pas une hausse du taux d´épuisement professionnel en raison des attentes accrues du public relativement à la disponibilité et à la responsabilité.
Dans ce climat d´enthousiasme et d´appréhension généré par ces discussions, les membres du comité de planification ont rappelé qúessentiellement, l´objectif est d´offrir des soins de grande qualité et de trouver une manière d´utiliser judicieusement la technologie pour soutenir et améliorer ces soins. La médecine est une aventure humaine profonde qui consiste essentiellement à « aider les gens en soulageant leur souffrance »2. Il s´agit moins du « quoi » que du « comment ». Nous disposons de cadres de référence (les quatre principes de la médecine familiale, CanMEDS–Médecine familiale, le Profil professionnel en médecine de famille, le Centre de médecine de famille) pour nous guider. Mais nous ne pouvons ignorer les changements qui s´opèrent dans notre société. Il nous faudra maintenant déterminer la meilleure façon de préparer les médecins de famille de demain et d´aider ceux qui exercent déjà à composer avec ces changements. Dr Brian Hodges a proposé l´idée que nous devons développer des « compétences métacognitives » et des capacités accrues à l´autoréflexion et à l´adaptation2. Selon Brigette Hyacinth :
Les machines ne remplaceront jamais les humains parce qúelles sont… dépourvues de compassion, de sentiments, d´empathie et de vie… La communication, l´intelligence émotionnelle et sociale, la créativité, la pensée novatrice, l´empathie, la pensée critique, la collaboration et la souplesse cognitive vont devenir les compétences les plus recherchées3.
Celles et ceux qui y parviendront non seulement s´adapteront à un environnement qui change rapidement, mais contribueront également à modeler cet environnement. Au cours des prochains mois, nous espérons partager idées et présentations se rapportant à notre travail dans Le Médecin de famille canadien, des webinaires et d´autres outils de communication. Pour ce travail, nous sollicitons la contribution de quelques-uns de nos principaux comités. Le CMFC est ravi de collaborer avec l´Association médicale canadienne et le Collège royal à un groupe de travail sur les soins virtuels. J’ai bien hâte de prendre connaissance des innovations en cours à cet égard dans diverses régions du pays et de travailler avec vous à améliorer la médecine de famille en tant qúaventure humaine.
- Copyright© the College of Family Physicians of Canada