
La vie et les récits des médecins de famille canadiens ne cessent de m’étonner. Adashnee Pather, médecin de famille, vit et travaille à Winkler, au Manitoba. Je l’ai rencontré il y a quelques mois à l’Assemblée scientifique annuelle du Collège des médecins de famille du Manitoba. Ce que j’ai appris lors de cette première rencontre m’a incité à me rendre à Winkler en voiture pour en savoir plus à son sujet.
Les arrière-arrière-grands-parents de Dre Pather ont été amenés de l’Inde en Afrique du Sud en 1860 en tant que travailleurs sous contrat. Elle a fait ses études à la faculté de médecine Nelson R. Mandela à Durban, pendant la lutte contre l’apartheid.
En 1998, elle et son mari, Ganesan Abbu, lui aussi médecin, ont pris la difficile décision de venir au Canada avec leurs deux jeunes enfants. J’ai du mal à imaginer l’extraordinaire changement culturel qui s’est opéré en passant de Durban, une ville multiraciale de 4 millions d’habitants où ils vivaient avec une famille élargie, à Winkler, une petite ville rurale, majoritairement mennonite où ils ne connaissaient personne.
Dre Pather remercie ses collègues et la communauté de Winkler de les avoir chaudement accueillis. Elle et son mari racontent comment ils étaient pris par leur carrière et leur jeune famille, et comment les membres de la communauté les soutenaient en leur rendant de petits services qui comptaient beaucoup, comme préparer des repas ou aider au jardinage. Leur voisine Dianne Heinrichs était une perle : « Elle a été la personne la plus importante dans notre transition vers le Canada », dit Dre Pather. « Elle m’a appris à être canadienne. Des choses toutes simples comme coudre des sacs de gym et des costumes d’Halloween et comprendre le patinage artistique et le hockey. C’est ma grande sœur canadienne et la deuxième maman de mes enfants. »
J’ai demandé à Dre Pather comment elle a réussi à tout jongler avec deux jeunes enfants, puis un troisième, un mari occupé, et sa propre carrière. Elle a dit qu’elle devait adapter son profil de pratique à ses responsabilités à la maison. Elle est reconnaissante à ses collègues, qui l’ont beaucoup aidée en lui permettant de modifier son horaire. Elle travaillait de 10 h à 15 h 30 et elle a choisi la médecine obstétrique plutôt que la médecine d’urgence parce que les heures étaient plus flexibles. Pendant environ 20 ans, elle était de garde, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, pour ses propres patientes en obstétrique. Elle a accouché plus de cent bébés par année. Aujourd’hui, l’un de ses plus grands bonheurs professionnels est de voir les bébés qu’elle a mis au monde devenir des adultes à part entière.
Parmi ses nombreux collègues, Dre Pather rend un hommage au Dr V.C. Jacob, généraliste-spécialiste à Winkler depuis 1968. Sa pratique comprenait la chirurgie générale, orthopédique, plastique et vasculaire, ainsi que l’obstétrique et la gynécologie. Dr Jacob est un excellent modèle de rôle pour tous ses collègues. « Quand on l’appelait, il venait. C’était tellement important pour la pratique des soins d’urgence et obstétriques. »
Aujourd’hui, Dre Pather aide la relève. Elle travaille pour accueillir la prochaine vague de nouveaux arrivants dans sa communauté en organisant des événements qui facilitent l’intégration culturelle. Elle a organisé un défilé de mode pour présenter les vêtements traditionnels indiens et une collecte de fonds Diwali pour soutenir un refuge pour femmes à Winkler. Elle profite de ces événements pour encourager le partage culturel entre les nouveaux arrivants et les membres plus établis de la communauté.
Le témoignage de Dre Pather est remarquable en soi, mais ce récit concerne aussi Winkler. Quand Dre Pather est arrivée avec son mari en 1998, Winkler comptait cinq médecins. Aujourd’hui, il y en a 42 ! La communauté a recruté des douzaines de diplômés en médecine canadiens et internationaux et les a incités à s’établir à Winkler. Comme pour beaucoup de ces témoignages, la clé du succès est multifactorielle. En fait, il y a plus de 20 ans, le conseil local des soins de santé a acheté la clinique et l’a bien équipée, y compris avec des dossiers médicaux électroniques. Chaque médecin reçoit les mêmes opportunités lorsqu’il se joint au cabinet. Aujourd’hui, la clinique est un site de formation, offrant à de plus en plus de résidents en médecine de famille et d’étudiants en médecine un avant-goût de la belle vie à Winkler. Enfin, la clinique dispose d’une combinaison de modèles de rémunération, avec des possibilités de contrats et de rémunération à l’acte. Winkler est une véritable étude de cas d’un modèle réussi pour les régions rurales du Canada. Elle incarne bon nombre des mesures énoncées dans le Plan d’action pour la médecine rurale1 : volonté, médecins compétents, soutien universitaire solide, importance de la médecine généraliste, même parmi d’autres spécialistes, modèle d’affaires attrayant, programme éducatif florissant et communauté accueillante et active. Winkler démontre qu’il y a toute une gamme de composantes, mais quand elles sont toutes réunies—c’est la clé du succès.
Je remercie Dre Pather de m’avoir raconté son expérience. Elle est un exemple des nombreux médecins de famille courageux et discrets, fermement engagés envers leur famille, leur communauté et leur profession, qui contribuent à améliorer notre pays.
Footnotes
This article is also in English on page 589.
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