
Chers collègues,
Cette année, l’inconduite sexuelle par les médecins était le thème de l’Assemblée générale annuelle de la Fédération des ordres des médecins du Canada. Au cours de l’événement, un grand nombre d’excellentes présentations ont permis de mettre en lumière les défis auxquels sont confrontés les ordres des médecins dans leur tâche d’assurer la sécurité publique.
L’inconduite sexuelle, c’est...
une situation dans laquelle un individu transgresse les limites professionnelles en permettant à des actes et des sentiments de nature sexuelle de s’insinuer dans une relation qui est censée exister dans l’intérêt de la patiente ou du patient, et qui, en raison de la vulnérabilité de celui ou celle-ci, est en soi inégale1.
Il est difficile de mener des recherches sur les médecins qui commettent des inconduites (confidentialité, sous-signalement, etc.). Selon une étude canadienne, l’inconduite sexuelle est l’infraction pour laquelle les ordres des médecins ont le plus souvent imposé des mesures disciplinaires entre 2000 et 2009 (20 %)2. La plupart des coupables sont des hommes âgés de plus de 39 ans, non certifiés et qui exercent dans un milieu non universitaire, où les patients sont examinés seuls2–4. Différents médecins peuvent commettre des inconduites sexuelles pour différentes raisons. Les médecins pour qui le traitement est le plus simple sont ceux qui se croient tout permis ou qui se pensent irremplaçables, ainsi que ceux qui se sentent possiblement isolés sur le plan professionnel ou personnel. Le pronostic pourrait être plus réservé dans le cas de médecins ayant de graves problèmes de santé mentale, tels que la psychose, la dépression grave ou un trouble de la personnalité.
Durant sa présentation, Dr Hartley Stern, directeur général de l’Association canadienne de protection médicale (ACPM), a expliqué qu’entre 2009 et 2018, 3 % des 37 000 dossiers conclus de l’ACPM se rapportaient à l’inconduite sexuelle (en moyenne, 111 cas par année). Ceci comprend des comportements ou remarques inappropriés (22 %), des attouchements sexuels inappropriés (57 %) et des infractions mettant en cause des relations sexuelles entre médecin et patient (21 %). Diverses mesures disciplinaires ont été prises, notamment des conseils sur les comportements et les remarques (69 %), la suspension du permis d’exercices pour cause d’attouchements inappropriés (34 %), et la suspension, voire la révocation, du permis dans les cas d’acte sexuel (68 %)5. Dr Stern a parlé en détail des effets de telles situations sur les plaignants (p. ex., fardeau émotionnel) ainsi que sur les médecins inculpés dans ces allégations (p. ex., dommages à la réputation). Il a tenu à souligner que l’ACPM ne tolère en aucun cas les abus sexuels ; qu’elle est en faveur d’une réglementation juste et adéquate ; et qu’elle est prête à participer aux efforts collectifs pour des mesures visant l’amélioration, la sensibilisation et le soutien dans cet enjeu important.
Pour veiller à ce que les résidents soient formés de façon adéquate, les normes d’agrément du CMFC exigent que les programmes de médecine de famille démontrent ce qu’ils font dans certains domaines d’évaluation (tels que définis par les objectifs d’évaluation — www.cfpc.ca/Objectifs_d_evaluation — et comprenant des comportements associés au professionnalisme) ainsi que leur bonne mise en œuvre du cursus (enseignement des rôles CanMEDS–Médecine familiale, y compris celui de professionnel : https://www.cfpc.ca/ProjectAssets/Templates/Resource.aspx?id=3031&terms=canmeds). Dr Bruce Fleming et Dre Janette McMillan, de l’Université de la Colombie-Britannique, ont décrit d’autres stratégies pour enseigner le respect des limites à la faculté de médecine, y compris prioriser le contenu pédagogique sur cet enjeu, veiller à ce que les enseignants donnent l’exemple en démontrant des comportements conformes aux pratiques exemplaires, intervenir tôt, et finalement, — étant donné notre position en tant que profession autoréglementée — collaborer étroitement avec les ordres des médecins6. Goulet et collab. ont découvert qu’il est possible d’enseigner le respect des limites et de sensibiliser les médecins aux problèmes d’inconduite dans un atelier de développement professionnel continu7.
Par sa nature même, l’exercice de la médecine familiale requiert des liens très étroits avec les patients. Afin de veiller au respect des limites convenables, il faut se poser les questions suivantes : Mes actes sont-ils conformes aux pratiques médicales acceptées ? Sont-ils uniquement dans l’intérêt du patient ou de la patiente ? Est-ce que j’en dis trop sur moi-même ou sur ma famille ? Mes actes sont-ils quelque chose que j’aurais besoin de cacher ? Est-ce que je pourrais en parler sans honte à ma conjointe/mon conjoint ou à mes collègues8 ? Il est important de maintenir un équilibre dans les relations personnelles et professionnelles. Le CMFC appuie la collaboration et les efforts liés à l’éducation, la résilience et à la création de milieux positifs.
Remerciements
Je remercie Dr Brent Kvern et Dre Nancy Fowler pour leur aide dans la rédaction de cet article.
- Copyright© the College of Family Physicians of Canada