
Dans ma pratique d’enseignement, il y a environ 10 ans, j’ai travaillé avec un diplômé international en médecine qui souhaitait obtenir sa Certification en médecine familiale.
Il avait déjà un permis d’exercice, mais il voulait recevoir la formation. J’ai trouvé ça incroyable. Il avait une famille — de jeunes enfants à la maison — et il était très fier d’avoir été accepté dans notre programme de médecine de famille. Nous avons des microphones et des caméras dans nos bureaux, qui font partie de nos outils d’évaluation. Au cours des premiers mois de formation, je demande aux patients si je peux écouter pendant que les résidents recueillent leurs antécédents et proposent un plan de traitement ou leur donne des conseils.
Comme ce résident avait déjà certaines compétences, il comprenait les patients rapidement. Une chose qui le distinguait des autres apprenants de ma pratique, c’est qu’il se concentrait sur les histoires des patients.
Il demandait souvent : « Racontez-moi votre histoire. Qu’est-ce qui fait de vous qui vous êtes ? Qu’est-ce qui vous empêche de dormir la nuit ? Que devrais-je savoir pour mieux vous soigner ? » J’arrêtais ce que je faisais et j’écoutais.
Et les patients se racontaient. Ce résident faisait preuve d’un intérêt et d’un respect sincères. Il posait des questions sur l’évolution de leur maladie, leur emploi, leur dynamique familiale et leur parcours médical. Il leur témoignait une grande compassion et soulignait leur résilience, leurs forces. Il a suivi ces patients de près et a surveillé l’évolution de leur état de santé. Il assumait une responsabilité et établissait une relation de confiance.
Il avait quelques lacunes dans ses connaissances, mais il n’hésitait pas à les identifier. Il ne craignait pas de le dire à ses patients s’il n’était pas sûr de ce qu’il devait faire — « Je ne suis pas certain. Vous êtes là pour m’aider à en apprendre plus ! ». Et chaque nouvelle information médicale le fascinait. Il ne prenait pas plus de temps que moi avec mes patients.
La médecine de famille est l’une des seules disciplines qui se concentrent sur la relation avec le patient plutôt que sur un système organique ou un processus pathologique. Les histoires que les patients nous racontent revêtent un sens particulier et peuvent avoir un effet puissant.
Bien que la littérature soit peu abondante, une revue systématique a révélé que l’utilisation d’une approche narrative de la médecine peut diminuer la douleur et améliorer le bien-être des patients atteints de cancer, aider les patients à comprendre leur état de santé et hausser leur confiance dans leurs connaissances, réduite le stress suscité par les hospitalisations et les traitements chez les enfants atteints de cancer, aider les patients ayant un trouble bipolaire à se sentir moins stigmatisés et améliorer la relation médecin-patient1.
Il est essentiel de connaître l’histoire du patient pour orienter les soins, prendre en charge la maladie, et bâtir une relation de confiance. Nous avons tous des histoires qui nous touchent en tant que médecins, qui ont changé notre façon de pratiquer et d’appliquer (ou non) les lignes directrices. Il est très important pour nous de permettre un dialogue interpersonnel. Une communication efficace a une incidence sur les soins prodigués aux patients. Améliorer la relation grâce à la communication est au cœur de ce que nous faisons. Les patients partagent avec nous des choses qu’ils ne disent à personne d’autre. Le contexte et la confiance qui permettent cela sont cruciaux et thérapeutiques2. Nous sommes privilégiés de faire partie de l’histoire et de la vie de nos patients.
Partager nos récits en tant que médecins peut aussi être bénéfique. Le récit qui a remporté le Prix Mimi Divinsky d’histoire et narration en médecine familiale de 2019, qui reconnaît le meilleur récit narratif d’expériences en médecine de famille, est publié dans ce numéro du Médecin de famille canadien (page e39)3. Comme dans le cas de mon résident, les récits peuvent s’avérer extrêmement utiles dans l’enseignement et l’apprentissage — pour la relation entre patient et apprenant, pour établir des liens et pour améliorer les compétences pédagogiques. Le Dr Bhayana en témoigne également dans ce récit gagnant.
Il y a 10 ans, mon résident a changé ma façon de pratiquer et d’enseigner. Je demande souvent aux nouveaux étudiants en médecine de se concentrer entièrement sur les histoires des patients au cours des premiers jours où ils travaillent avec moi. L’accent que mon résident a mis sur les histoires a changé mon histoire — et celle de nombreux patients et apprenants depuis.
Footnotes
This article is also in English on page 77.
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