Le diabète de type 2 est l’un des problèmes chroniques les plus courants à être pris en charge en soins primaires. Cependant, la façon dont les équipes de soins primaires soignent et soutiennent les personnes atteintes de diabète doit changer en raison des nouveaux risques posés par la pandémie d’infection au coronavirus 2019 (COVID-19).
Avant la pandémie de la COVID-19, la pratique habituelle était de voir les patients diabétiques en clinique aux 3 à 6 mois pour passer en revue les résultats des analyses sanguines, effectuer un examen physique ciblé, et fournir un traitement et des conseils sur l’autogestion. Les cliniciens de soins primaires encourageaient les patients à réduire leurs risques de complications par le contrôle de la glycémie et de la tension artérielle, la gestion des lipides, l’arrêt du tabagisme, la saine alimentation, l’exercice, et un dépistage en temps opportun des complications rénales, aux pieds et de la rétinopathie, qui sont des interventions fondées sur des données probantes recommandées dans les lignes directrices de pratique clinique de Diabète Canada1.
Par contre, il faut désormais établir un juste équilibre entre les bienfaits d’une visite en personne et les risques pour les patients de contracter le syndrome respiratoire aigu sévère du coronavirus 2 (SRAS-CoV-2) lorsqu’ils se rendent à la clinique et pendant qu’ils y sont. Ce risque est particulièrement important étant donné que certaines études font valoir que les personnes atteintes de diabète courent un risque plus élevé d’être touchées par les complications et la mortalité associées à la COVID-192.
Les cliniciens de soins primaires ont besoin d’une nouvelle approche à l’égard de la prestation des soins pour le diabète, une approche qui permette de pour-suivre les interventions fondées sur des données probantes, tout en équilibrant les risques et les avantages des visites en personne et virtuelles. Pour répondre à ce besoin, nous avons élaboré des recommandations qui privilégient les soins virtuels en premier lieu pour aider les médecins de famille et d’autres professionnels des soins primaires dans la prise en charge de leurs patients atteints de diabète de type 2 durant la pandémie de la COVID-19 (la page 1 se trouve à la Figure 1; l’outil complet est accessible en anglais dans CFPlus ou à https://cep.health/tool/download/109)*.
Ces conseils ont été produits par un groupe de médecins de famille et d’endocrinologues en pratique active, en collaboration avec le Centre for Effective Practice, et ce, en se fondant sur les lignes directrices de pratique clinique 2018 de Diabète Canada. Nous avons utilisé et cité les données factuelles accessibles dans la mesure du possible, mais compte tenu des circonstances, nous avons été contraints de fournir des recommandations consensuelles lorsque les données probantes n’étaient pas suffisantes. Nous suggérons de continuer à utiliser la stratégie ACTIONSS (cible d’hémoglobine A1c, cible de cholestérol, cible de tension artérielle, interventions sur le mode de vie [exercice et alimentation], ordonnances, non-fumeur, soutenir le dépistage et soutenir l’autogestion) pour orienter les consultations, et nous avons ajouté 2 S additionnels, pour se faire vacciner et sécurité. (Des détails sur la sécurité se trouvent à la page 3 de l’outil en anglais.) Nous résumons les aspects courants des soins aux diabétiques qui devraient rester les mêmes, ceux qui devraient être modifiés, et ceux qui peuvent être reportés après la pandémie de la COVID-19.
La majorité des soins peuvent être fournis virtuellement
Dans une approche d’abord virtuelle à l’endroit des soins du diabète durant la COVID-19, des évaluations virtuelles (par téléphone ou vidéo) devraient être faites aux 3 à 6 mois; elles peuvent couvrir la majorité des aspects thérapeutiques. Des contacts virtuels plus fréquents pourraient être nécessaires pour les problèmes complexes ou lorsqu’il faut guider le patient en période de changements. Des visites en personne devraient encore se produire au moins annuellement. Les évaluations en personne devraient être plus fréquentes si le contrôle des facteurs de risque du patient est sous-optimal ou si sa capacité de participer à des soins virtuels est limitée.
Soutenir l’autoévaluation
Si possible, les patients devraient être encouragés à mesurer leur tension artérielle et leur poids, et à examiner leurs pieds à la maison. Le soutien à l’autoévaluation par le patient rend les visites virtuelles plus efficaces, et les visites en personne plus efficientes et, par conséquent, plus sécuritaires. Hypertension Canada propose une liste d’appareils de mesure de la tension artérielle à domicile reconnus (https://hypertension.ca/fr/measuring-blood-pressure/blood-pressure-devices/), et offre des conseils pratiques aux patients sur la façon de les utiliser à la maison (https://hypertension.ca/fr/measuring-blood-pressure/). Il faut rajuster les seuils de tension artérielle ciblés lors de la mesure à domicile (p. ex. une cible en clinique de < 130/80 mm Hg équivaut à une cible à la maison de < 125/75 mm Hg)3. Les patients, avec un aidant, peuvent effectuer un dépistage des neuropathies au moyen du test Touch the Toes, une méthode préconisée par Diabetes UK (https://www.diabetes.org.uk/guide-to-diabetes/complications/feet/touch-the-toes)4. De plus, les cliniciens peuvent évaluer visuellement les pieds par vidéo ou à l’aide de photos, et donner virtuellement des conseils sur les soins aux pieds.
Certaines investigations peuvent être reportées à plus tard
Durant la pandémie de la COVID-19, certaines investigations peuvent être remises à plus tard en fonction des caractéristiques et des risques de chaque patient. Par exemple, les patients peuvent faire mesurer leur taux de cholestérol aux 3 ans plutôt que chaque année s’ils prennent une dose de statines stable, si leurs niveaux de lipoprotéines de basse densité concordent avec les seuils ciblés et s’ils se conforment bien à la médication5. Si les derniers taux d’hémoglobine A1c mesurés il y a moins de 3 mois se situaient à moins de 8 %, les prochaines mesures peuvent probablement être espacées à 6 à 9 mois d’intervalle et, entre-temps, la mesure de la glycémie par le patient peut être utilisée comme substitut. Le dépistage de la rétinopathie peut se faire aux 3 ans chez les patients qui n’ont pas de maladies ophtalmologiques antérieures et dont le taux d’hémoglobine A1c est inférieur à 8 % 6. Le dépistage cardiaque par électrocardiographie chez les personnes asymptomatiques peut être reporté à plus tard. Dans la mesure du possible, les tests de laboratoire devraient être regroupés pour éviter les visites en personne répétées.
Les soins en personne devraient être ciblés et efficients
Les soins en personne devraient insister sur la mesure de la tension artérielle (et le calibrage des appareils utilisés à domicile), l’évaluation des pieds, les immunisations et l’examen du registre des glycémies, le cas échéant. Même pour les visites en personne, les renseignements pertinents peuvent être recueillis virtuellement avant le rendez-vous, pour raccourcir le temps passé à la clinique. Par exemple, les patients peuvent répondre à un questionnaire électronique, et les réponses sont automatiquement inscrites dans leur dossier médical électronique (https://ocean.cognisantmd.com/questionnaires/preview/QuestionnairePreview.html?ref=diabetes en est un exemple).
L’autogestion importe plus que jamais
Le soutien à l’autogestion a toujours été un principe fondamental des bons soins aux diabétiques, et il revêt encore plus d’importance durant la pandémie de la COVID-19. Les patients peuvent avoir une consultation gratuite avec un éducateur virtuel sur le diabète par l’entremise de Diabète Canada en composant le 800 BANTING (800 226-8464). Les professionnels peuvent jauger la conformité à la médication en demandant : « Combien de doses avez-vous omises la semaine dernière? » L’évaluation de la conformité importe tout particulièrement en raison de la baisse possible de la fréquence des mesures « objectives » (p. ex. taux d’hémoglobine A1c, tension artérielle, niveau de cholestérol).
Des applications numériques liées à la santé peuvent être utiles pour certains patients, quoiqu’au Canada, la plupart d’entre elles se concentrent seulement sur le contrôle glycémique et exigent des mises à niveau facturées pour le partage de données avec un professionnel des soins primaires. De nombreux glucomètres ont des applications spécifiques; parmi d’autres applications populaires pour aider au contrôle de la glycémie figurent Health2Sync et mySugr. De plus, des applications populaires de suivi de l’exercice (p. ex. MyFitnessPal) pourraient encourager les patients à maintenir un mode de vie sain durant la pandémie.
Enfin, il est important de reconnaître que les personnes souffrant de diabète pourraient faire face à des défis socioéconomiques accrus, ainsi qu’à l’aggravation de problèmes de santé mentale et de dépendance en raison de la COVID-19. Nous encourageons un dépistage proactif et les demandes de consultation auprès des services de soutien appropriés. Par exemple, Espace mieuxêtre Canada (https://ca.portal.gs) est une plateforme nationale relativement nouvelle qui offre gratuitement aux patients de l’aide en santé mentale et en dépendance. L’outil récemment élaboré, intitulé COVID-19 Social Care Guidance7, donne des conseils sur le dépistage des problèmes sociaux et suggère des ressources pratiques pour aider les patients.
Conclusion
La pandémie de la COVID-19 a forcé les équipes de soins primaires à envisager une nouvelle normalité dans la prestation des soins de santé, y compris la prise en charge de maladies chroniques comme le diabète de type 2. Notre document d’orientation fondé sur un consensus présente des recommandations pratiques à l’intention des professionnels des soins primaires pour les aider à réduire le risque pour les patients de contracter la COVID-19 tout en prodiguant des soins fondés sur des données probantes pour prévenir les complications du diabète.
Footnotes
↵* L’outil intitulé Managing type 2 diabetes during COVID-19 est accessible en anglais à www.cfp.ca. Rendez-vous au texte intégral de l’article en ligne et cliquez sur l’onglet CFPlus.
Intérêts concurrents
Le Dr Bajaj a reçu des honoraires et des subventions de recherche d’Amgen, AstraZeneca, Boehringer Ingelheim, Eli Lilly, Janssen, Merck, Novo Nordisk et Sanofi. Le Dr Kim a reçu du soutien financier, des honoraires ou des frais d’expert-conseil d’Abbott, AstraZeneca, Eli Lilly, Boehringer Ingelheim, Janssen, Merck, Novo Nordisk et Sanofi. Le Dr Ivers est membre du comité consultatif de Novo Nordisk, a effectué des travaux à titre de consultant en évaluation pour le Centre for Effective Practice et Merck, et est ancien coprésident du Comité de diffusion et de mise en œuvre des lignes directrices de Diabète Canada.
Cet article donne droit à des crédits d’autoapprentissage certifiés Mainpro+. Pour obtenir des crédits, rendez-vous à www.cfp.ca et cliquez sur le lien Mainpro+.
The English version of this article is available at www.cfp.ca on the table of contents for the October 2020 issue on page 745.
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