Question clinique
L’hydrochlorothiazide (HCTZ) augmente-t-il le risque de carcinome épidermoïde (CE)?
Résultats
Des données observationnelles portent à croire à une association entre l’HCTZ et un risque de CE. Le risque semble augmenter constamment avec la dose et la durée d’utilisation (p. ex. le risque est triplé ou quadruplé avec un usage pendant 5 ans). L’incidence de base du CE est inférieure à 0,1 % annuellement. Un risque semblable n’a pas été établi avec les diurétiques de type thiazidique. Les avantages de remplacer l’HCTZ par un autre agent devraient être soupesés en fonction des risques liés au changement de médicament.
Données probantes
Les données probantes ont une valeur statistiquement significative, à moins de mention du contraire.
Dans une revue systématique1 portant sur 2 études de cohortes et 7 études cas-témoins (N = 395 789), le CE était lié à l’utilisation de diurétiques thiazidiques (rapport de cotes [RC] de 1,9).
– Une analyse de sous-groupes a fait valoir que l’HCTZ et des combinaisons avec de l’HCTZ augmentaient le risque de CE (RC = 2,0), et que l’usage à long terme de l’HCTZ (≥ 4.5 ans) était lié à un risque plus élevé (RC = 3,3).
– Limitations : des facteurs de confusion potentiels non mesurés; un biais de rappel et de dépistage; des comparaisons multiples.
Dans une étude cas-témoins d’envergure2, 80 162 cas de CE au Danemark ont été jumelés à 1 603 345 sujets témoins.
– Une dose cumulative d’HCTZ de 50 000 mg ou plus (utilisation pendant environ 6 ans) a été associée à un risque de CE (RC = 4,0).
– Une relation constante dose-réaction a été observée dans les cas de CE (RC = 7,4) avec une dose cumulative d’HCTZ de 200 000 mg ou plus (usage pendant environ 20 ans).
L’utilisation de l’HCTZ est liée à un risque de CE de la lèvre3;
– Un effet dose-réaction a été observé (RC = 7,7) avec une dose cumulative de 100 000 mg ou plus.
Une autre revue systématique4 n’a rapporté aucun effet avec les thiazidiques, mais n’incluait pas d’études sur l’HCTZ seulement.
Un risque accru de carcinome basocellulaire est très minime (RC = 1,2 à 1,3), s’il en existe vraiment1,2.
Contexte
Le risque de base d’un CE varie selon l’ethnicité, l’âge, le sexe et le lieu. Une récente étude de cohortes au R.-U. a signalé une incidence de 77 cas par 100 000 habitants (< 0,1 %) par année5. Un CE métastatique s’est développé chez 1,1 à 2,4 % des patients atteints d’un CE6.
Des études non randomisées sont susceptibles de surestimer les effets bénéfiques et nuisibles, et ne peuvent pas prouver de causalité.
Selon des ERC, les thiazidiques et les agents de ce type réduisent la morbidité et la mortalité, et sont recommandés comme thérapie de première intention pour l’hypertension7.
Une société de lutte contre l’hypertension recommande des diurétiques de type thiazidique comme choix initial à privilégier, quoiqu’elle suggère de continuer l’HCTZ chez les patients stables8.
Mise en pratique
Les médecins devraient renseigner les patients au sujet d’un éventuel risque minime accru d’un CE par rapport au risque de base en prenant de l’HCTZ. Les patients qui sont déjà à risque accru pourraient vouloir éviter l’HCTZ. Il y a lieu de conseiller aux patients qui prennent de l’HCTZ de surveiller l’apparition de grains de beauté ou de changements dans leur apparence, de même que de prendre des mesures de protection solaire. Les diurétiques de type thiazidique sont une option de rechange, et ils semblent au moins aussi efficaces sinon meilleurs que l’HCTZ en matière de pression artérielle et de résultats cliniques9. Il faut aussi prendre en considération les effets secondaires, comme les anomalies dans les électrolytes. Les calculateurs de risques cardiovasculaires en ligne pourraient être utiles dans l’évaluation des bienfaits du traitement de l’hypertension et contribuer à une prise de décision partagée bien éclairée10.
Notes
Les articles d’Outils pour la pratique dans Le Médecin de famille canadien (MFC) sont une adaptation d’articles publiés dans le site web du Collège des médecins de famille de l’Alberta (CMFA) qui résument les données médicales probantes en insistant sur des questions particulières et des renseignements susceptibles de modifier la pratique. Les résumés du CMFA et la série dans le MFC sont coordonnés par Dr G. Michael Allan, et les résumés sont rédigés conjointement par au moins 1 médecin de famille en pratique active et ils font l’objet d’une révision par des pairs. Vous êtes invités à faire part de vos commentaires à toolsforpractice{at}cfpc.ca. Les articles archivés sont accessibles sur le site web du CMFA: www.acfp.ca.
Footnotes
Intérêts concurrents
Aucun déclaré
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The English version of this article is available at www.cfp.ca on the table of contents for the February 2020 issue on page 116.
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