
C’est avec un grand respect que nous reconnaissons que les terres sur lesquelles nous sommes invités font partie du territoire ancestral de la Première Nation des Mississaugas de Credit et nous les remercions. Le Collège des médecins de famille du Canada (CMFC) reconnaît que les nombreuses injustices historiques subies par les populations autochtones du Canada continuent d’avoir un impact sur leur santé et bien-être. Le CMFC respecte que les peuples autochtones au Canada aient des pratiques culturelles et traditionnelles riches qui sont connues pour avoir une incidence positive sur les résultats en santé. Nous nous engageons à acquérir des connaissances, à forger une nouvelle relation culturellement sécuritaire et à contribuer à la réconciliation.
Déclaration de reconnaissance des terres ancestrales du CMFC
Chers collègues,
Lors de nos récentes communications, les membres nous ont dit qu’ils voulaient que le CMFC s’implique adéquatement, en partenariat avec les communautés autochtones, afin d’améliorer leurs soins de santé.* Le Conseil d’administration du CMFC, guidé par les conseils du Groupe de travail sur la santé autochtone (le « Groupe de travail »), prend ces commentaires très au sérieux.
Le Groupe de travail a vu le jour il y a environ 9 ans pour aider le CMFC à aborder la question du racisme systémique et du colonialisme dans nos normes de formation et nos pratiques. Il avait aussi le mandat de commencer à nouer des liens de confiance entre les médecins de famille autochtones, leurs communautés et le Collège, lequel compte très peu d’Autochtones parmi ses membres médecins de famille malgré leur grande diversité. Un guide pratique a été publié en 2017 dans le but de commencer à s’attaquer aux problèmes de racisme systémique au sein des cliniques et des communautés1. Le Groupe de travail a collaboré très étroitement avec notre communauté universitaire en médecine de famille pour améliorer les normes d’agrément du CMFC (le Livre rouge2) et les rôles CanMEDS–Médecine familiale afin de définir les attentes envers les futurs médecins de famille pour les aider à comprendre notre histoire et son effet sur la perpétuation du racisme systémique ; à mieux comprendre la culture autochtone et le travail auprès de patients autochtones ; et à faire preuve d’humilité culturelle dans l’exercice de la médecine. Durant le Forum en médecine familiale 2019, nous avons eu le privilège d’assister à une déclaration d’engagement envers la sécurité et l’humilité sur le plan culturel organisée par le Collège des médecins de famille de la Colombie-Britannique. Le personnel du Collège a également pris part à un exercice des couvertures KAIROS pour se sensibiliser davantage aux injustices vécues par les peuples autochtones. À l’heure actuelle, nous envisageons diverses façons de mieux soutenir les médecins de famille praticiens dans ce parcours par des activités de développement professionnel continu.
J’aimerais vous faire part de quelques réflexions alors que nous nous engageons sur cette voie. Nous devons reconnaître et respecter le principe de l’autodétermination et poser un regard critique sur les structures en place, en laissant la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones3 nous guider. Les Autochtones savent ce dont ils ont besoin pour être en santé. Il faut demander à nos collègues autochtones comment les appuyer dans leurs efforts. Reste à savoir comment faire pour adhérer à ce principe de façon authentique.
Nous devons respecter la diversité des peuples et communautés autochtones, en tenir compte et apprendre d’elle. Certains Autochtones vivent en réserve, alors que d’autres habitent hors réserve, un grand nombre d’entre eux dans les villes. Chaque peuple possède sa propre culture, avec des traditions distinctes, et a vécu différemment les siècles d’oppression. Il n’est peut-être pas possible, dans l’immédiat, de comprendre parfaitement toutes les nuances, mais nous devons, à tout le moins, essayer. Compte tenu de ce passé d’oppression, par où pouvons-nous commencer à instaurer des liens de confiance ? Peut-on s’inspirer des initiatives régionales qui semblent prometteuses (p. ex., la Régie de la santé des Premières Nations en Colombie-Britannique)4 ?
Nous devons faire notre possible pour accroître le nombre de fournisseurs de soins de santé et d’apprenants autochtones, et pour mieux les appuyer dans leur parcours professionnel. En prenant exemple sur l’École de médecine du Nord de l’Ontario et d’autres facultés de médecine qui ont établi des critères d’admission stricts, mais inclusifs, nous pouvons accueillir un noyau d’étudiants d’origine autochtone. Les apprenants autochtones pourraient nécessiter un soutien différent de celui accordé aux autres, car — et il est important de le reconnaître — beaucoup d’entre eux intègrent des institutions coloniales et des milieux d’apprentissage où ils ne se sentent pas en sécurité. Nous devons donc étudier des possibilités de mentorat. L’Association des Médecins indigènes du Canada (AMIC) offre une telle occasion. J’ai très hâte de poursuivre la conversation et d’explorer les façons dont l’AMIC et le CMFC pourraient collaborer à cet égard. Après tout, les deux tiers des membres de l’AMIC ont l’intention de se spécialiser en médecine de famille. Nous devons aussi soutenir les médecins de famille autochtones déjà en exercice, qui éprouvent peut-être des difficultés à maintenir leur appartenance et leur engagement envers leur communauté, tout en poursuivant leurs études, leur carrière et leur vie dans d’autres communautés. De nombreuses attentes pèsent sur ces médecins, tant celles de leur communauté que les nôtres. Il faut en prendre acte et les soutenir convenablement dans leurs décisions personnelles et professionnelles.
À l’échelle de l’organisation, nous devons examiner la notion d’agir en allié. Par quels moyens pouvons-nous, en tant qu’organisation, contribuer positivement au cheminement nécessaire ? Dans son récent article portant sur « les principes pour agir en allié contestataire », Stephanie Nixon décrit le fait de devenir un allié comme « un processus actif, constant et ardu de désapprentissage et de réévaluation par lequel une personne privilégiée cherche à se solidariser avec un groupe marginalisé5. » Pour adopter ce principe, il est essentiel de reconnaître d’abord l’existence de positions non méritées de privilège et de désavantage qui sont souvent perpétuées par un système d’inégalité. Être un allié est une façon d’agir, et non une identité. Pour améliorer la relation avec les peuples autochtones, il faudra que tous les fournisseurs de soins de santé prennent conscience de leur position de privilège et soient prêts à réorienter véritablement leur approche, ne cherchant plus à « sauver les malheureux » (imposer des mesures aux personnes vulnérables), mais plutôt à « s’engager solidairement dans des efforts concertés pour lutter contre les systèmes d’inégalité » (collaborer avec les personnes marginalisées pour construire un avenir meilleur)5.
Même si un chemin éprouvant et des erreurs de parcours nous attendent, ce serait bien pire de ne pas s’engager sur cette voie. En partenariat avec d’autres intervenants et par solidarité avec la population et les fournisseurs de soins de santé autochtones, notre organisation a hâte de travailler ensemble, dans le respect, pour lutter convenablement contre les inégalités auxquelles les communautés autochtones font face.
Remerciement
Je remercie les Dres Sarah Funnell et Darlene Kitty du Groupe de travail sur la santé autochtone d’avoir relu cet article et de m’avoir fait part de leurs commentaires éclairés.
Footnotes
↵* Autochtone est un terme constitutionnel créé par le gouvernement canadien qui désigne collectivement trois groupes : les Amérindiens (que l’on appelle communément, de nos jours, les Premières nations), les Inuits et les Métis. Dans cet article, j’emploie le terme autochtone de façon inclusive pour décrire les premiers peuples, ou les peuples dont les ancêtres ont vécu pendant des millénaires avant la colonisation européenne sur les terres maintenant connues sous le nom de Canada. Notre utilisation de ce terme permet aux individus et aux collectivités d’exercer leur droit à l’autodétermination de leur identité en fonction de leurs expériences, de leurs liens d’affinité et de leurs liens à la terre.
This article is also in English on page 224.
Références à la page 223.
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