
L’un des privilèges d’être présidente du Collège des médecins de famille du Canada est de voyager à travers le pays pour rencontrer d’autres médecins de famille. En mars, j’ai assisté à la réunion du Conseil d’administration de la section provinciale de l’Alberta ainsi qu’à son assemblée annuelle des membres et à son sommet de formation pour les médecins de famille. Comme je viens de l’Alberta, cela fait des années que je participe à ce congrès. J’ai trouvé l’expérience totalement différente cette année. Les médecins de famille en Alberta sont très frustrés par les décisions unilatérales de leur gouvernement, qui nuisent à la médecine de famille dans leur province. Tristes et en colère, ils s’inquiétaient pour leurs patients, surtout les plus vulnérables qui sont atteints de problèmes de santé complexes. Nous avons le métier le plus exigeant qui soit, et nul ne peut offrir ces soins mieux que nous et nos équipes.
La situation en Alberta s’apparente aux autres conflits à l’échelle nationale que connaissent les médecins de famille ailleurs au Canada. Malgré l’excellent modèle de soins que nous souhaitons instaurer — le Centre de médecine de famille1 —, il y a parfois une rupture entre ce que proposent (ou imposent) nos gouvernements, ce qui est important pour nos patients et ce que l’on sait de la valeur de la médecine de famille.
Les médecins de famille soignent des maladies de toutes sortes et travaillent en équipe pour offrir un éventail de services adaptés aux besoins collectifs. Notre spécialité s’étend du berceau jusqu’au tombeau (« tout sauf les soins dentaires », m’a-t-on déjà dit) et, spécialistes de la complexité, notre prise en charge d’affections biomédicales dans divers contextes sociaux va de la gestion de maladies potentiellement mortelles à la médecine préventive.
Un plus grand nombre de médecins de famille se traduit par de meilleurs résultats de santé pour les Canadiens et Canadiennes, particulièrement les patients âgés de plus de 40 ans et ceux atteints de maladies chroniques2. Lorsque l’on ajoute un médecin de famille de plus par 10 000 habitants, cette communauté voit sa mortalité diminuer de 6 % 3. Outre la cardiologie, notre spécialité est celle qui contribue le plus à réduire le taux de mortalité au sein de la population4. Souffrez-vous de maladie cardiaque, de cancer, d’AVC, de diabète? Nous sommes les spécialistes pour vous! Nos soins sont associés à plusieurs bienfaits, notamment une réduction de la mortalité postnéonatale chez les bébés de faible poids à la naissance, une diminution des hospitalisations en soins de courte durée, de meilleurs soins préventifs, une détection plus précoce du cancer et une réduction des coûts pour le système5. En outre, nous jouons un rôle de plus en plus grand dans le dépistage, grâce à quoi le taux de participation aux dépistages du cancer et la qualité des soins aux survivants ont augmenté. Dans ma province, en 2018, moins de patients ayant un médecin de famille au sein de leur équipe de soins se seraient rendus aux urgences, auraient été admis à l’hôpital et auraient pris rendez-vous avec d’autres spécialistes6. En matière de soins de santé, nous sommes ceux qui vous en donnent le plus pour votre argent.
Je me souviens que, au début de ma carrière, mes patients étaient surpris d’apprendre que j’avais fait 10 ans d’études (postsecondaires) pour devenir médecin de famille et que je devais encore tenir mes connaissances à jour avec de la formation professionnelle continue. Pour la plupart d’entre nous, les études sont longues et la formation rigoureuse. En général, nous possédons un diplôme de premier cycle (3 à 4 ans), un doctorat en médecine (3 à 4 ans), puis au moins 2 ans de formation postdoctorale ; en majorité, nous accumulons entre 15 000 et 20 000 heures d’expérience clinique7–9.
De toute évidence, l’accès aux soins est une préoccupation importante. Les patients n’ont pas tous un médecin de famille, et nous pouvons contribuer à améliorer cet accès. Si l’on réfléchit d’abord au type de personnes que nous attirons et que nous acceptons à la faculté de médecine, nous devons adopter des priorités institutionnelles et des critères d’admission liés à la responsabilité sociale pour garantir que les étudiants admis dans les programmes de formation correspondent bien aux besoins de la communauté. Nous avons beaucoup à faire pour que davantage de médecins de famille exercent dans les communautés rurales et éloignées et auprès des populations mal desservies.
Je suis fière des soins qu’offrent les médecins de famille. Le Collège des médecins de famille de la Colombie-Britannique a bien su exprimer la valeur de notre discipline10, et le titre du présent article est tiré d’une campagne du Collège des médecins de famille de l’Alberta — je n’aurais pu mieux le dire. Nos collègues des autres professions de la santé ne peuvent pas nous remplacer ; nous ne sommes pas interchangeables. Par ailleurs, notre travail est plus efficace lorsque nous faisons équipe dans un partenariat qui nous confère un champ d’action pleinement complémentaire. Nous sommes une ressource incroyablement précieuse pour le système de santé. Nous devons nous exprimer haut et fort pour faire reconnaître nos compétences, notre expertise et notre valeur.
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