Question clinique
Comment faut-il évaluer et prendre en charge l’incontinence fécale (IF) chez les aînés?
Résultats
Il est essentiel de dépister les cas actifs, car souvent, les patients ne signalent pas leur IF parce qu’ils sont mal à l’aise ou croient à tort qu’il s’agit d’un phénomène normal avec l’âge. Les causes et les facteurs contributifs varieront selon le contexte clinique et le degré de fragilité. Les premières étapes à suivre sont l’anamnèse, notamment une revue des médicaments et une évaluation fonctionnelle, de même qu’un examen physique, y compris des examens abdominaux, périnéaux et un toucher rectal. Les investigations et le traitement dépendent de la cause (Encadré 1).
Causes de l’incontinence fécale
Anus
Traumatiques : blessure d’origine chirurgicale ou obstétrique
Non traumatiques : radiothérapie, fibrose, neuropathie (p. ex. diabète)
Plancher pelvien
Traumatiques : blessure d’origine chirurgicale ou obstétrique, tension chronique
Non traumatiques : obésité, sarcopénie, mauvaise coordination musculaire
Rectum
Traumatiques : blessure d’origine chirurgicale
Inflammation : maladie intestinale inflammatoire, radiothérapie, infection3
Sensation réduite : neuropathie, constipation
Intestin
Diarrhée : infection, inflammation, médicaments (magnésium, antibiotiques, metformine, inhibiteurs de la pompe à protons, antifongiques, bloqueurs des canaux calciques)
Constipation avec diarrhée par regorgement
Système nerveux central
Cerveau : troubles neurodégénératifs, AVC, tumeur cérébrale, sclérose en plaques
Moelle épinière : lésion, sténose médullaire, myélopathie
Données probantes
Il est nécessaire d’adopter une approche rigoureuse pour l’IF1. Les taux d’IF augmentent avec l’âge et sont bien plus élevés dans les établissements de soins de longue durée2. L’incontinence fécale est souvent un marqueur d’une fragilité accrue et est associée à une mortalité plus grande à 1 an3. Le psyllium peut réduire de 50 % la fréquence de l’IF chez ceux qui ont des selles molles et pourrait être aussi efficace que les agents contre la motilité4.
Les patients et les soignants doivent être renseignés sur la bonne position à prendre pour déféquer (bon soutien, penché vers l’avant, les pieds soulevés d’environ 30 cm à l’aide d’un tabouret)5. Même s’il peut être utile de suivre une même routine pour aller à la selle, les données actuelles ne permettent pas de le corroborer.
Approche
Il faudrait poser systématiquement aux patients plus âgés des questions comme la suivante : « Avez-vous des fuites de selles ou de la difficulté à contrôler votre envie? » La compréhension des effets de l’IF sur la qualité de vie permettra de choisir parmi les traitements offerts. Une approche anatomique peut être utile, mais l’IF implique souvent des systèmes extérieurs au tractus gastro-intestinal (Encadré 1). L’incontinence fécale peut être catégorisée selon qu’elle est impérieuse (temps limité entre le besoin ressenti de déféquer et la défécation), passive (aucun besoin ressenti de déféquer; perte involontaire de selle) ou sous forme de fuites (écoulement involontaire après une défécation normale). La diarrhée peut contribuer à l’IF, mais n’est pas nécessairement présente. L’examen physique doit comporter une palpation abdominale pour détecter des masses, l’inspection du périnée pour trouver des lésions ou une infection, le test des voies nerveuses S2 à S4, le test du réflexe anal et un toucher rectal. Il faut envisager des limitations fonctionnelles et cognitives. Le choix des analyses doit se faire au cas par cas, mais elles peuvent inclure un hémogramme et le dosage du calcium, de la thyréostimuline et de l’hémoglobine A1c. Si l’IF est associée à un changement dans la fréquence ou la consistance des selles, il faut envisager une colonoscopie pour exclure un cancer.
Les traitements de première intention sont des stratégies non pharmacologiques, comme la réduction des obstacles fonctionnels, des changements au régime alimentaire, et de l’information au sujet du bon positionnement et des facteurs environnementaux. Parmi les thérapies médicales figure le psyllium pour les patients mobiles dont les selles sont molles. Des agents contre la motilité pourraient aider pour la diarrhée chronique et pour les personnes qui ont eu une intervention chirurgicale anorectale et ont une IF passive. Il y a lieu d’être prudent dans les cas d’arythmie ou de déficience cognitive. Les cas réfractaires de dysfonction ou de lésion du sphincter pourraient bénéficier d’interventions comme une neuromodulation sacrée, une réparation du sphincter ou une sphinctéroplastie.
Mise en pratique
L’idéal est d’adopter une approche multidisciplinaire, regroupant des professionnels comme des infirmières spécialisées en continence, des travailleurs sociaux, étant donné le stress causé par l’IF et ses effets sur l’autonomie, de même que des gastroentérologues, et des spécialistes en médecine gériatrique et en soins aux aînés. La physiothérapie du plancher pelvien est très efficace et recommandée comme thérapie de première intention. Il est essentiel d’obtenir l’acceptation des traitements fondés sur des données probantes par les patients et les soignants.
Notes
Les Perles gériatriques sont produites de concert avec le Canadian Geriatrics Society Journal of CME, une revue révisée par des pairs publiée par la Société canadienne de gériatrie (www.geriatricsjournal.ca). Les articles font la synthèse des données probantes tirées des articles publiés dans la revue Canadian Geriatrics Society Journal of CME et présentent des approches pratiques à l’intention des médecins de famille qui soignent des patients âgés.
Footnotes
Intérêts concurrents
Aucun déclaré
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The English version of this article is available at www.cfp.ca on the table of contents for the April 2020 issue on page 264.
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