Quand je suis devenue présidente en novembre 2019, je m’imaginais passer l’année à visiter des médecins de famille dans leurs communautés partout au Canada, à rencontrer des leaders et leurs équipes, à découvrir ce qui leur procure de la joie au travail et à voyager dans des régions canadiennes que je n’avais encore jamais vues. Je sais maintenant que lorsque je ferai un retour sur l’année 2020, j’aurai du mal à me rappeler quelque chose de plus marquant que le début de la pandémie de maladie à coronavirus 2019 (COVID-19), particulièrement le stress et les changements qui sont survenus à vitesse grand V dans les premières semaines, alors que nous commencions à comprendre que notre vie allait changer, probablement pour de bon.
Pendant que nous contemplons un retour à une nouvelle normalité après la crise, on peut se demander quels aspects de l’« ancien normal » méritent d’être gardés. Dans le domaine de la santé et de la médecine de famille, nous devons notamment empêcher qu’après notre prompte adoption des soins virtuels (SV) durant la pandémie, la situation ne revienne à la case départ.
Avant la pandémie, un sondage de 2019 indiquait que seuls 18 % des médecins de famille offraient à leurs patients des consultations par courriel ou message texte, et à peine 5 % des consultations par vidéoconférence1. Selon les résultats provisoires d’un sondage mené ce printemps par le CMFC, 90 % des répondants contactaient leurs patients à la maison par téléphone, courriel ou d’autres méthodes. Dans la semaine précédant le sondage, 4 consultations sur 5 avaient eu lieu virtuellement. En décortiquant un peu plus les données, on constate que 53 % des médecins de famille ont dit s’entretenir avec leurs patients par courriel, et 44 % par vidéoconférence. Dre Francine Lemire et Steve Slade, directeur de la recherche, présentent d’autres points saillants de ce sondage dans le Feuille Sommaire de ce numéro (à la page 467)2.
Ce revirement soudain laisse croire que les cabinets de médecine de famille étaient bien aptes à offrir des SV, mais qu’il a fallu la COVID-19 pour les pousser à réaliser pleinement ce potentiel.
En effet, selon un rapport du Groupe de travail sur les soins virtuels, le fruit d’une collaboration entre le CMFC, le Collège royal et l’Association médicale canadienne, les technologies employées pour les SV existent depuis des dizaines d’années3. Toutefois, l’absence d’une rémunération appropriée pour ces services a grandement nui à leur expansion3, et c’est encore aujourd’hui un important enjeu défendu par le CMFC4.
En mai 2020, nous nous sommes réjouis d’entendre le premier ministre Justin Trudeau annoncer que le gouvernement accorderait plus de fonds pour encourager la prestation de SV au Canada, avec la collaboration des provinces, des territoires et de divers autres intervenants5. Dans l’intervalle, les médecins de famille doivent, de leur côté, continuer d’aiguiser leurs compétences en matière de SV et d’accroître leur capacité technique d’offrir des soins continus à leurs patients. Ceci leur permettra non seulement de maintenir la qualité des soins qu’ils dispensent dans leur communauté, mais aussi de mieux surmonter les difficultés financières auxquelles ils sont confrontés parce que les patients ne se rendent pas à leur cabinet durant la pandémie.
Dans un webinaire clinique produit par le CMFC en mars 2020, les experts Dr Mark Dermer et Dr John Pawlovich ont donné quelques conseils techniques à garder en tête durant les consultations virtuelles, par exemple regarder directement la caméra pour mieux établir le contact avec vos patients. Ils en ont aussi profité pour assurer les participants que les SV reposent surtout sur les compétences qu’ils possèdent déjà en tant que médecins de famille, en particulier l’écoute attentive6. (L’enregistrement de ce webinaire a été visionné près de 8000 fois sur YouTube au moment où j’écris ce message ; je suis fière que le CMFC ait pu s’adapter aussi rapidement pour répondre aux besoins d’apprentissage des membres.) Si vous souhaitez obtenir des conseils rapides, je vous suggère de consulter le Guide sur les soins virtuels créé par les trois membres du groupe de travail afin d’aider les médecins de famille à intégrer les SV dans leur pratique quotidienne7.
À mesure que les SV deviennent plus répandus, le CMFC joue un rôle important du point de vue de la formation. L’adaptation de vos connaissances à un différent mode de communication constitue peut-être pour vous un changement relativement mineur, mais cela pourrait poser un plus grand défi pour les apprenants et les médecins en début de carrière. Ainsi, nous devons nous assurer que les enseignants et les superviseurs en médecine de famille ont les compétences qu’il faut pour superviser des apprenants à distance. C’est pourquoi le CMFC a publié une excellente nouvelle ressource dont les éducateurs peuvent se servir auprès des étudiants en médecine et des résidents en médecine de famille qui s’adonnent aux SV8.
Bien entendu, certaines consultations ne peuvent se faire virtuellement, par exemple les vaccins et les cas exigeant un examen physique. Avec l’expérience, nous découvrirons sans doute d’autres lacunes qui font que les SV ne répondent pas aux besoins de toutes les communautés et de tous les patients. La pandémie de COVID-19 a révélé au grand jour des failles dans notre système de santé, et nous n’avons pas fini d’en trouver concernant l’accès aux soins, et même les SV.
Cela dit, lorsque le nuage noir de la pandémie sera passé, nous devrons poursuivre les progrès réalisés en matière de SV durant la crise. Nous nous devons à nous-mêmes et à nos patients de tirer parti des avantages qu’offrent les SV pour améliorer la sécurité, l’efficacité et les coûts des soins dans le but ultime d’en assurer l’accès équitable pour tous au Canada.
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