Question clinique
Quels outils de dépistage peut-on utiliser pour l’évaluation virtuelle de la cognition?
Résultats
La pratique médicale a dramatiquement changé durant la pandémie de la maladie au coronavirus 2019 (COVID-19), notamment par une utilisation plus généralisée de la vidéo et des appels téléphoniques pour les soins cliniques. Un récent article dans le Canadian Geriatrics Society Journal of CME fait la synthèse des options pour évaluer virtuellement la cognition, et il est accessible gratuitement à https://canadiangeriatrics.ca/2020/05/virtual-approaches-to-cognitive-screening-during-pandemics1. Même quand nous reviendrons aux rendez-vous en personne, il pourrait y avoir des personnes qui auraient besoin d’une évaluation par visite virtuelle, comme celles qui vivent en région éloignée ou celles qui ont des capacités limitées de se présenter en personne.
Données probantes
Les lignes directrices canadiennes laissent entendre que les problèmes d’ordre cognitif devraient être évalués au moyen d’un bilan portant sur leur apparition, leur nature et la progression de la déficience, de même que d’un examen de la médication et des problèmes de santé. L’évaluation devrait se concentrer sur la fonction cognitive, idéalement avec la corroboration de la famille et des autres intervenants. Un examen physique est nécessaire pour trouver des signes neurologiques et exclure des maladies graves susceptibles de nuire à la cognition2. Plusieurs de ces démarches peuvent se faire, dans une certaine mesure, par vidéo ou par téléconférence, mais une évaluation en personne sera probablement nécessaire à un moment donné durant l’évaluation initiale.
Une recherche documentaire effectuée en 2020 a fait valoir que les soins virtuels pourraient aider à un diagnostic plus précoce, à la surveillance des patients (surtout ceux qui vivent dans des endroits éloignés) et au soutien à la fois des personnes atteintes de démence et de leurs aidants. Les médecins doivent porter attention aux effets émotionnels de la télésanté, et les aidants et les patients ne tirent pas tous les mêmes bienfaits de ce mode de soins en comparaison des soins en personne3.
Certains outils ont été validés pour les évaluations téléphoniques. Toutefois, aucun n’a été reconnu aussi valide que les rencontres en personne équivalentes. Parmi les outils pour l’évaluation téléphonique figurent les suivants :
- Entrevue téléphonique sur l’état cognitif (Telephone Interview of Cognitive Status) : cet outil est un dérivé du mini-examen de l’état mental (MEEM) que nous connaissons bien (à tout le moins, les médecins plus âgés), et il faut de 5 à 10 minutes pour l’administrer. Il évalue l’orientation, l’attention, la mémoire à court terme, la répétition des phrases, le rappel immédiat, la description verbale d’un objet, le contraire des mots et la praxis. Cependant, cet outil est protégé par un droit d’auteur détenu par PAR, Inc., qui impose des frais pour les formulaires et les manuels d’instructions4.
- Instruments du MEEM par téléphone : il y a au moins 3 autres instruments dérivés du MEEM, notamment l’entrevue sur le mode de vie et le fonctionnement chez l’adulte (Adult Lifestyles and Function Interview)5, le MEEM téléphonique (Telephone MMSE)6 et l’état mental évalué par téléphone (Telephone-Assessed Mental State)7. Les scores au MEEM administré par téléphone sont corrélés avec ceux de l’évaluation par le MEEM en personne6.
- Évaluation cognitive de Montréal par téléphone (MoCA): Il existe 2 versions téléphoniques du MoCA; les 2 sont semblables au MoCA pour aveugles, qui ne contient pas les éléments du MoCA original exigeant des capacités visuelles. Elles semblent permettre de détecter une déficience cognitive et une démence légères8. Même s’il est protégé par un droit d’auteur, le MoCA peut être utilisé sans autorisation par des professionnels de la santé9.
Il existe des outils qui n’ont pas été validés pour une évaluation téléphonique; ces outils sont entièrement administrés verbalement et pourraient se prêter à une évaluation par téléphone lorsque le recours aux autres outils mentionnés plus haut n’est pas possible. L’Ottawa 3DY est un bref outil de dépistage cognitif dont se sert le Programme gériatrique régional de l’Est de l’Ontario pour les évaluations cognitives virtuelles10. Il comporte 4 questions qui n’exigent pas d’équipement, de papier ou de crayon : le jour de la semaine, la date, DLROW (WORLD épelé à l’envers) et l’année. Des revues comparant le rendement de l’Ottawa 3DY avec celui d’autres outils de dépistage d’une dysfonction cognitive ont été effectuées11.
Approche
L’environnement des soins virtuels doit être calme et privé. Le patient devrait participer sans aide, à moins que l’évaluateur en fasse la demande. Les membres de la famille essaient souvent d’aider leurs proches durant les évaluations à la clinique, et il peut être difficile de gérer une telle situation à distance.
Comme lors d’un test conventionnel, les médecins doivent interpréter les constatations dans le contexte de la vision, de l’ouïe, du degré d’éducation et du fonctionnement au quotidien (activités de la vie quotidienne et activités instrumentales de la vie quotidienne) du patient. Lorsqu’un diagnostic de démence est posé, il est essentiel de surveiller la perte fonctionnelle et l’apparition de comportements difficiles ou de problèmes de sécurité. Si les aidants peuvent être présents, l’évaluation virtuelle peut mesurer d’autres pertes fonctionnelles et le développement de symptômes inquiétants.
Lorsque du matériel vidéo est accessible et de bonne qualité, il est possible d’administrer des versions complètes de tests comme le MoCA et le MEEM12, tout en observant les réponses du patient. Les auteurs du MoCA ont élaboré des instructions sur la façon de l’administrer virtuellement, qu’on trouvera à : https://mailchi.mp/mocatest/remote-moca-testing?e=bbeb81559c. Il faut donc que le patient ait accès au test en l’imprimant à la maison ou en recevant un exemplaire par la poste.
Mise en pratique
Il y a des obstacles à une évaluation à distance, que les médecins de famille ont connus durant la pandémie. Au téléphone, la qualité sonore peut s’avérer médiocre, et il se peut que les patients évalués aient des problèmes auditifs. Toutes les familles ne sont pas en mesure de soutenir une évaluation audiovisuelle; les évaluations téléphoniques demeurent les plus courantes. Dans les évaluations cognitives, certains patients pourraient écrire les mots à retenir et ainsi invalider les aspects relatifs à l’évaluation de la mémoire. L’absence de signes visuels durant l’évaluation par téléphone peut aussi être problématique. Il est difficile, dans un environnement virtuel, d’évaluer les capacités visuospatiales et d’administrer les tests portant sur l’aptitude à conduire, comme les parties A et B du Trail Making Test13.
Les évaluations en personne et virtuelles devraient se compléter réciproquement, notamment par des évaluations initiales faites d’abord à la clinique (ou en partie virtuelles et en partie en personne) et par un certain suivi effectué de façon virtuelle lorsqu’approprié et faisable. Il y a lieu d’envisager un juste équilibre entre les visites en personne et virtuelles pour les personnes qui vivent en milieu rural ou éloigné. Le CMFC et d’autres organisations fournissent des renseignements utiles sur l’organisation et l’optimisation des approches en télésanté : https://www.cfp.ca/sites/default/files/pubfiles/PDF%20Documents/Blog/telemedecine_outil_fr.pdf14.
Pour en savoir plus sur le dépistage virtuel de la déficience cognitive, veuillez consulter https://canadiangeriatrics.ca/2020/05/virtual-approaches-to-cognitive-screening-during-pandemics1.
Notes
Les Perles gériatriques sont produites de concert avec le Canadian Geriatrics Society Journal of CME, une revue révisée par des pairs publiée par la Société canadienne de gériatrie (www.geriatricsjournal.ca). Les articles font la synthèse des données probantes tirées des articles publiés dans la revue Canadian Geriatrics Society Journal of CME et présentent des approches pratiques à l’intention des médecins de famille qui soignent des patients âgés.
Footnotes
Intérêts concurrents
Aucun déclaré
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The English version of this article is available at www.cfp.ca on the table of contents for the July 2020 issue on page 502.
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