
Je suis devenue obsédée par une idée qui a évolué à partir d’un intérêt pour le « bien-être du médecin » et qui s’est transformée en une vision des médecins qui travaillent et existent à leur plein potentiel : inspirés, disposant de ressources et capables de produire l’effet qu’ils souhaitent. Pouvez-vous imaginer ce que ce groupe extraordinaire de personnes pourrait accomplir? Les médecins apportent déjà de précieuses contributions, mais l’épuisement professionnel frappe au moins 30 % d’entre nous1. Si nous travaillions à notre plein rendement, nous serions irréductibles.
À quoi ressemblerait votre journée si vous et tous vos collègues arriviez constamment au travail contents d’y être?
Je soupçonne que vous aussi, vous vous intéressez au bien-être des médecins, un code pour désigner « appréciez votre vie et votre carrière ». Chaque personne aura une façon différente d’y arriver. Mon but est de partager avec vous certaines stratégies afin de vous aider à savoir ce dont vous avez besoin pour être véritablement satisfaits dans votre exercice de la médecine.
Dire oui et non
Le temps est une ressource épuisable; chaque fois que vous acquiescez à une chose, vous en refusez une autre. Le compromis est ce que les économistes appellent le coût de renonciation : la perte de gains potentiels que vous auriez pu recevoir si vous n’aviez pas renoncé à une opportunité pour en poursuivre une autre. La première stratégie concerne la prise de conscience des compromis que vous faites tout le temps. Aimer son travail (et sa vie) est simple : faire plus de choses que vous aimez et moins de choses qui vous drainent. L’une des raisons pour lesquelles nous ne réussissons pas à changer, c’est que nous acquiesçons à ce que nous voulons intégrer sans laisser de place à cette chose en en refusant une autre. En acceptant de terminer vos dossiers avant 17 h, vous pourriez devoir refuser de voir 35 patients par jour, ne pas accepter plus de 1 ou 2 sujets par visite, ou ne pas voir de patients après 16 h. Il n’en tient qu’à vous. Faites des compromis avec enthousiasme. Soyez créatifs.
Que souhaitez-vous vraiment? Qu’êtes-vous disposés à refuser pour réaliser vos souhaits? Quels compromis avez-vous faits aujourd’hui et qu’allez-vous faire différemment la prochaine fois?
S’engager envers les non-négociables
De quoi avez-vous vraiment besoin pour être contents de votre journée et faire un excellent travail? La stratégie est de vous concentrer sur ce que vous pouvez contrôler : vos non-négociables. Commencez par les éléments fondamentaux. De combien d’heures de sommeil avez-vous besoin? Quels sont les repas ou les collations qui vous maintiendront énergisés? Que dire de l’exercice : quels genres d’activités et quelle fréquence? Il vous importe d’avoir combien de temps d’activités sociales et combien de temps d’arrêt? Combien d’heures de travail pouvez-vous faire avec plaisir et de combien de pauses avez-vous besoin durant la journée? Puis, soyez difficiles! Quel genre de poste de travail voulez-vous? Devezvous faire la navette d’un endroit à l’autre? Soyez précis. Comment êtes-vous prêts à vous sentir relativement au travail? Par exemple, « je suis prêt à être frustré 1 ou 2 journées par semaine, mais pas tous les jours ». Les non-négociables sont les conditions que vous vous engagez à respecter pour vous mettre dans l’esprit de la réussite. Choisissez-les à l’avance et soyez intransigeants.
Si vous ne savez vraiment pas ce dont vous avez besoin, c’est le moment d’expérimenter et de le trouver. Essayez quelque chose de nouveau chaque semaine ou chaque mois, et évaluez ses effets. Ce qui importe, c’est de commencer l’exercice et de ne pas se préoccuper que ce soit parfait. Vous apprendrez et apporterez les correctifs en cours de route. Même de petits changements peuvent faire une grande différence.
Prendre de meilleures décisions
Nous avons beaucoup de formation quand il s’agit de la prise de décisions cliniques, mais lorsqu’il s’agit du travail que nous faisons et de sa place dans notre vie, nous sommes des novices. Les études de médecine et la résidence exigent de la conformité et nous conditionnent à répondre aux attentes d’autrui. Il arrive souvent que cette mentalité demeure avec nous lorsque nous amorçons nos propres pratiques. Il peut être difficile de reconnaître que nous avons le choix maintenant et des options presque sans limites.
Dans quelle mesure vos façons de faire imitent-elles celles de vos précepteurs ou encore le fonctionnement de vos collègues? Je ne parle évidemment pas de dévier de la médecine factuelle, mais bien de sa prestation et de la forme que prend votre journée dans l’ensemble. Nous avons souvent plus de choix à faire et d’options à notre disposition que nous le pensons au départ.
La prise de décisions nuit souvent à l’expérimentation de nouvelles approches. Lorsque vous vous sentez dans une impasse, il se pourrait bien que vous soupesiez 2 bonnes options ou 2 mauvaises. Sortez de l’impasse du A contre B, en vous trouvant une troisième meilleure option. Faites-en une option fabuleuse. Pourquoi pas? Une fois que cette possibilité est sur votre radar, vous aurez une meilleure chance de trouver comment la réaliser. Vous vous surprendrez vous-mêmes.
Par exemple, plutôt que de vous demander si vous devriez finir vos dossiers ou aller au gymnase ce soir, demandez-vous comment vous pourriez compléter vos dossiers et aller au gymnase ce soir (qu’est-ce que je refuserai?) Au lieu de poser la question suivante : « Devrais-je exercer la médecine rurale ou travailler en ville pour pouvoir rencontrer quelqu’un? ». Demandez-vous plutôt comment pratiquer la médecine rurale et rencontrer une personne qui vous plaît vraiment. Quelles sont les décisions où vous vous sentez dans une impasse? Y a-t-il une troisième meilleure option à envisager? Que souhaitez-vous vraiment?
Enfin, enlevez de la pression sur vos épaules; vous êtes libres de changer d’idée si quelque chose ne fonctionne pas. Vous pouvez prendre de nouvelles décisions quand bon vous semble. Vous pouvez prendre une excellente décision et quand même avoir des résultats décevants; il y a toujours un élément d’incertitude en jeu. La capacité de faire des choix sur la façon dont vous organisez votre vie est une habileté, et, comme en toutes choses, avec la pratique, vous vous améliorerez.
Planifier en vue des passages difficiles
Le fait de ne pas reconnaître notre propre insatisfaction et notre stress compte parmi les nombreux défis avec lesquels sont aux prises bon nombre de médecins. Nous avons trop de résilience, nous continuons et continuons sans arrêt. Présumez que vous êtes l’un de ces médecins. Quels sont les signes indicateurs que vous êtes stressés? Si vous savez reconnaître vos drapeaux rouges, vous pouvez élaborer une stratégie à mettre en pratique avant d’être épuisés. Lorsque vous vous sentez en forme, dressez un plan que vous pourrez aisément activer lorsque vous vous sentirez débordés ou fatigués. Sachez à qui vous ferez appel, de même que le genre d’engagements que vous annulerez en premier pour vous libérer.
S’arrimer pour faire des changements
Prenez le temps de passer en revue ce qui fonctionne et ce qui doit être amélioré. Envisagez l’exercice comme un projet d’amélioration de la qualité. Prenez un moment chaque jour, chaque semaine ou chaque mois (au moment qui vous convient le mieux!) pour examiner vos façons de faire les choses, ce qui va bien et ce qui cloche. Facilitez-vous la tâche : faites une liste durant la semaine pour vous aider à identifier ce qui pourrait être amélioré et les problèmes à régler. Stimulez ce processus en transformant ces éléments en une liste d’objectifs, de projets et de buts. Par exemple, écrivez « Je me limite au temps prévu pour les rendez-vous de consultation » au lieu de « Je fais toujours du temps supplémentaire durant les rendez-vous de consultation », ou encore « Je pars à 17 h chaque jour » au lieu de « Je finis toujours par partir tard de la clinique ». Puis, prenez en note la prochaine chose que vous devez faire pour que se réalisent ces améliorations.
Mettre les stratégies en pratique
Je vous invite à vous fixer comme objectif de vraiment apprécier votre travail et votre vie.
Le bien-être des médecins n’est pas un projet collectif; pour y arriver, chacun de nous doit établir ses propres priorités dans sa propre expérience. Qu’allez-vous retenir le plus de ces stratégies? Quelle est la première étape que vous aimeriez entreprendre?
Notes
Les Cinq premières années de pratique est une série trimestrielle publiée dans Le Médecin de famille canadien, sous la coordination du Comité sur les cinq premières années de pratique de la médecine familiale du Collège des médecins de famille du Canada (CMFC). Le but de cette série est d’explorer des sujets susceptibles d’intéresser les médecins en début de pratique ainsi que tous les lecteurs de la revue. Nous invitons tous ceux et celles dans leurs cinq premières années de pratique de soumettre un article au Dr Stephen Hawrylyshyn, coordonnateur, Cinq premières années de pratique, à l’adresse steve.hawrylyshyn{at}medportal.ca.
Footnotes
Intérêts concurrents
La Dre McCaskill a sa propre clinique de coaching, fait de l’encadrement auprès de résidents pour le Département de médecine familiale de l’Université de la Colombie-Britannique, et agit comme coach pour le programme Seth Godin’s altMBA.
The English version of this article is available at www.cfp.ca on the table of contents for the August 2020 issue on page 615.
- Copyright© the College of Family Physicians of Canada
Référence
- 1.↵