Les survivants d’un cancer à faible risque sont de plus en plus souvent transférés en soins primaires après avoir terminé leur traitement actif en milieu de soins tertiaires (p. ex. centres de cancérologie), ce qui confie la responsabilité de la prise en charge des soins complexes de suivi aux professionnels des soins primaires1. Cet article a pour but de présenter des recommandations sur l’évaluation et la gestion de la peur d’une récidive du cancer (PRC), soit l’un les besoins non satisfaits le plus souvent signalés par des survivants du cancer2.
La PRC cliniquement significative
La peur de la récidive du cancer a été définie comme les craintes, les inquiétudes ou les préoccupations entourant la possibilité que le cancer revienne ou évolue3. Étant donné que la récidive est une possibilité bien réelle, la PRC est une réaction normative qui affecte, dans une certaine mesure, la plupart des survivants du cancer2. La sévérité de la PRC peut être conceptualisée sur un continuum, allant des craintes transitoires (coïncidant souvent avec des tests médicaux ou des résultats imminents, l’anniversaire du diagnostic, etc.) jusqu’à des niveaux de peur difficiles à contrôler qui pourraient nuire au fonctionnement quotidien et au bien-être général3. Une récente étude réalisée par des experts dans ce domaine a cerné les principales caractéristiques suivantes d’une PRC cliniquement significative : des niveaux élevés d’inquiétude ou de préoccupation, des préoccupations persistantes, et une vigilance excessive ou une hypersensibilité aux symptômes corporels, lorsque l’une ou l’autre de ces caractéristiques dure pendant au moins 3 mois4. Parmi les autres critères importants figurent la déficience fonctionnelle et des stratégies d’adaptation maladroites, comme trop chercher à être rassuré par des professionnels de la santé, trop examiner son corps ou éviter des rendez-vous chez le médecin5. En outre, la PRC cliniquement significative est liée à une utilisation accrue des soins de santé2; toutefois, un certain nombre d’interventions reposant sur des données empiriques ont été mises au point pour traiter la PRC6.
Dépister et évaluer la PRC
L’Inventaire de la peur de la récidive du cancer (IPRC) compte parmi les mesures de la PRC le plus couramment utilisées7. La version courte de cet inventaire (IPRC-VC), qui compte 9 éléments, a été utilisée comme outil de dépistage des niveaux cliniques de la PRC; on peut la télécharger en anglais dans CFPlus*. Chaque élément est noté sur une échelle de 0 (pas du tout ou jamais) à 4 (énormément ou plusieurs fois), et les scores plus élevés indiquent un plus haut degré de sévérité, allant jusqu’à un score maximal de 367. Dans le calcul des points, la codification de l’élément 5 est inversée. Le seuil recommandé pour établir les niveaux cliniques de la PRC est de 22 ou plus8. Cependant, un score de 16 ou plus indique une PRC élevée, et exige une évaluation et des discussions plus approfondies9. Les seuils limites différents dans la littérature scientifique sont largement attribuables à des différences dans la méthodologie. Il s’agit, entre autres, du nombre limité d’études, des petites tailles des échantillons et, jusqu’à récemment4, de l’absence de consensus sur ce qui constitue une PRC. La recherche dans ce domaine se poursuit8. En plus d’administrer l’IPRC, il y a lieu d’avoir une conversation pour évaluer la persistance des inquiétudes, des préoccupations, de la vigilance excessive ou de l’hypersensibilité à l’endroit des symptômes liés à la PRC (Tableau 1)4,10. Une demande de consultation pour obtenir un soutien psychosocial peut être présentée à la condition que la PRC du patient soit signalée comme étant problématique pour lui ou qu’elle nuise à sa capacité de mener sa vie au quotidien.
Évaluer les degrés cliniquement significatifs de la PRC
Gérer la PRC
Sévérité de faible à modérée (0 à 15 à l’IPRC-VC).
Parce que la PRC est une expérience commune chez les survivants du cancer, il est recommandé de la normaliser d’une manière encourageante et empathique. Pour ce faire, il y aurait lieu de discuter de la fréquence à laquelle les survivants signalent une PRC et les déclencheurs habituels de cette PRC (p. ex. apprendre qu’une personne a reçu un diagnostic de cancer, des malaises et des douleurs, des souvenirs du vécu avec le cancer en général)10. L’incertitude est inhérente à la PRC; par conséquent, il peut être utile de fournir aux survivants d’un cancer et à leurs aidants des renseignements sur les signes et les symptômes d’une récidive du cancer, sur la fréquence des tests de surveillance, et sur ce à quoi s’attendre comme soins de suivi liés au cancer5.
Si le patient a adopté des stratégies d’adaptation maladroites, la suggestion de façons mieux adaptées de composer avec la PRC, comme la participation à des activités agréables, le yoga, l’activité physique, la rédaction d’un journal sur la PRC, et les conversations à propos de ses craintes avec des amis et des membres de la famille encourageants, peut contribuer à atténuer la sévérité de sa PRC5.
Sévérité élevée et cliniquement significative (16 à 21 et ≥ 22 à l’IPRC-VC, respectivement).
Pour les survivants du cancer qui ont des degrés de PRC élevés (scores de 16 à 21 à l’IPRC-VC) et cliniquement significatifs (scores de ≥ 22 à l’IPRC-VC), une demande de consultation auprès d’autres professionnels de la santé qui travaillent dans le domaine des soins psychosociaux liés au cancer serait appropriée. Les psychothérapeutes peuvent offrir des approches cognitivocomportementales pour gérer la PRC clinique. De telles interventions s’appuient sur des données empiriques favorables, que ce soit en groupe, en ligne ou individuellement6. Des ressources additionnelles en ligne sur la PRC (accessibles en anglais dans CFPlus*) peuvent être proposées aux survivants du cancer qui présentent une PRC élevée.
Conclusion
Il est inévitable pour les survivants d’un cancer d’éprouver un certain degré de PRC. Ils se présenteront le plus souvent en milieu de soins primaires pour répondre à leurs besoins en soins de suivi. Les professionnels de soins primaires jouent un rôle important dans la prise en charge des besoins insatisfaits des survivants à un cancer et sont capables de fournir des soins efficaces à ceux qui vivent des degrés de PRC de faibles à modérés. Ils occupent aussi une position privilégiée pour établir le contact entre les personnes qui éprouvent des degrés cliniques de PRC et d’autres professionnels dans la communauté, pour veiller à ce qu’ils reçoivent des interventions psychosociales appropriées.
Notes
Nous encourageons les lecteurs à nous faire connaître certaines de leurs expériences vécues dans la pratique : ces trucs simples qui permettent de résoudre des situations cliniques difficiles. Vous pouvez proposer en ligne des articles dans Praxis à http://mc.manuscriptcentral.com/cfp ou par l’intermédiaire du site web du MFC à www.cfp.ca sous « Authors and Reviewers ».
Footnotes
↵* L’Inventaire de la peur de la récidive du cancer – version courte et d’autres ressources en ligne sur la PRC se trouvent en anglais à www.cfp.ca. Rendez-vous au texte intégral (full text) de l’article en ligne et cliquez sur l’onglet CFPlus.
Intérêts concurrents
Aucun déclaré
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Cet article a fait l’objet d’une révision par des pairs.
This article is also in English on page 672.
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