Les refrains répétés de la nature ont quelque chose d’infiniment thérapeutique—l’assurance que l’aube vient après la nuit, et le printemps après l’hiver.
Rachel Carson, The Sense of Wonder1
La crise climatique s’accentue et notre rôle en soins primaires se recadre de toute urgence. Le changement climatique est un déterminant fondamental de la santé. En qualité de promoteurs de la santé publique, les médecins de famille ont la responsabilité de s’engager sérieusement dans l’activisme environnemental.
Le changement climatique et la santé sont intimement liés, comme en discutent Xie et collègues (page e269)2. Par exemple, la présence des tiques à pattes noires au Canada prend de l’ampleur en raison des températures plus chaudes qui élargissent leur habitat. Les taux de la maladie de Lyme augmentent proportionnellement3. Les canicules sont de plus en plus mortelles. En Colombie-Britannique, 569 décès en un mois étaient liés à la chaleur4. Les feux de forêt au Canada étaient plus intenses et fréquents qu’auparavant, causant sécheresses et évacuations5. En médecine, nous voyons déjà les conséquences du changement climatique dans nos cliniques, nos services d’urgence et hospitaliers.
Le changement climatique a des impacts qui vont au-delà de la santé physique, dont de graves répercussions sur la santé mentale. La documentation définit le deuil écologique comme étant secondaire à des pertes écologiques vécues ou anticipées6. Le stress et les troubles de l’humeur sont des réactions prévisibles aux inondations, aux sécheresses et aux incendies. Les médecins dans les communautés rurales et éloignées sont témoins en temps réel des conséquences de ces tragédies pour la santé. Dans le Nord canadien, la dégradation du pergélisol et la fonte des banquises affectent la stabilité et la santé des communautés arctiques, dont les résidents sont maintenant à risque de perdre leurs logements, leur culture et leur mode de vie traditionnel7,8.
En août, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat publiait le premier de 3 rapports. Le résumé présente clairement le problème : « Sans équivoque, l’influence humaine a réchauffé l’atmosphère, les océans et la terre »9. Le sommaire explique précisément les impacts qu’a déjà le changement climatique :
Le changement climatique induit par l’humain déclenche déjà des extrêmes météorologiques et climatiques dans toutes les régions de la planète. Les données probantes qui corroborent les changements observés dans les extrêmes, comme les canicules, les précipitations abondantes, les sécheresses et les cyclones tropicaux, et, en particulier, leur attribution à l’activité humaine, sont de plus en plus convaincantes9.
Le rapport indique que les émissions de gaz à effet de serre produites par les énergies fossiles sont le plus grand contributeur. Pour ralentir le changement climatique, il faudrait que ces émissions cessent immédiatement.
Quel rôle les médecins peuvent-ils jouer? La promotion de la santé compte parmi les compétences clés de CanMEDS- Médecine familiale10 et l’activisme environnemental en est une forme. Sur le plan macro, nous pouvons nous allier aux peuples autochtones et à leur terre, nous opposer aux grands pollueurs ou aider à changer les habitudes de consommation en tant que société. Les plaidoyers sur le plan micro peuvent se manifester à la clinique, comme le décrivent Green et ses collègues (page e280)11.
Avec la quatrième vague de la pandémie qui plane sur nous, nous sommes nombreux à ressentir de l’épuisement et une énergie à la baisse pour la promotion de la santé. La lutte contre le changement climatique semble gargantuesque ou même impossible. Au lieu de l’envisager comme une autre crise s’ajoutant à la COVID-19, nous pouvons nous servir de notre expérience pandémique comme propulseur de changement. Nous avons appris ce qui peut arriver lorsque des actions sont prises à l’échelle planétaire. Un nouveau vaccin a été conçu en un temps record. Les lieux de travail et les conférences sont devenus en ligne. Les communautés ont travaillé ensemble pour une cause commune. Le changement peut se produire, s’il a l’appui politique et populaire.
Pour préserver la sécurité et la santé de nos patients et de la population au cours des prochaines décennies, nous devons recadrer l’activisme environnemental en tant que responsabilité centrale des soins primaires. Que nos plaidoyers s’expriment à large échelle ou par de petites interventions au quotidien, ces gestes auront un impact si nous les faisons collectivement. L’activisme environnemental en médecine ne peut plus être une activité marginale. Nous n’avons simplement plus le temps.
- Copyright © the College of Family Physicians of Canada