
Au début de la pandémie de COVID-19, nous étions des héros. De leurs balcons, les gens tapaient sur des casseroles pour honorer les travailleurs de la santé. Aujourd’hui, à l’aube d’une quatrième vague, je ressens de la colère et du désarroi devant la montée des manifestations « anti-tout » – anti-vaccination, anti-passeports et, semble-t-il, anti-professionnels de la santé. « À bas la tyrannie médicale » lit-on sur une pancarte des manifestants qui bloquent l’accès aux hôpitaux. Manifester de façon pacifique est un droit; empêcher l’accès aux soins est inacceptable.
En songeant à la façon dont la pandémie a prouvé notre capacité à changer rapidement et radicalement nos façons de vivre et de travailler, j’ai entré « impacts positifs de la COVID » dans la barre de recherche de Google.
J’ai trouvé Du risque à la résilience : Une approche axée sur l’équité concernant la COVID-191 de Dre Theresa Tam, une lecture qui m’a fait imaginer la possibilité d’une alliance entre la médecine de famille et la santé publique pour instaurer une approche d’équité en santé dans la préparation, l’intervention et le rétablissement en cas de pandémie.
Les inégalités qui affligent notre société ont fait des milliers de décès dans les foyers de soins de longue durée, ont donné des taux de COVID-19 beaucoup plus élevés chez les travailleurs essentiels racialisés, ont refusé aux personnes incarcérées un accès prioritaire au vaccin et ont exposé les femmes de façon disproportionnée à l’effet du ralentissement économique (la « récession au féminin »).
L’analyse des effets non seulement du virus mais aussi des mesures de santé publique pour le contrôler révèle un double péril pour certaines populations. Par exemple, le surpeuplement et la mauvaise qualité des logements haussent le risque de contracter la COVID-19 et rendent plus pénibles les ordres de confinement. Les personnes occupant des emplois précaires peu rémunérés (préposés aux bénéficiaires, ouvriers d’usines de conditionnement des viandes, employés d’entretien ménager, etc.), qui n’ont pas le luxe de pouvoir travailler de la maison, sont plus susceptibles de contracter le virus au travail et n’ont parfois aucun congé de maladie payé.
Le cadre d’équité en santé (figure 6) de Du risque à la résilience1 pourrait nous aider à faire en sorte que la population soit en meilleure santé après la pandémie. Il illustre comment la réponse initiale à la crise (p. ex., innovations rapides et déploiement de nouvelles mesures) suscite une prise de conscience et des changements de valeurs et d’attitudes menant à de nouvelles façons de faire. En mettant à profit les connaissances découlant des mesures prises durant la pandémie, nous pourrions transformer le travail, le logement, la santé, les services sociaux, l’éducation et notre environnement.
Bon nombre des orientations proposées dans Du risque à la résilience1 ne relèvent pas de la médecine de famille, mais elles peuvent nous guider lorsque nous conseillons nos patients et nos collectivités. En exemple des bonnes mesures inspirées par la pandémie, les Territoires du Nord-Ouest ont vite réservé 130 logements pour les personnes nécessitant un lieu d’isolement1. Le territoire et les municipalités ont ensuite converti ces unités en logements abordables, réduisant ainsi le surpeuplement, l’itinérance et les listes d’attente des logements subventionnés. Dans de nombreuses communautés, l’initiative Logement d’abord déplace rapidement les personnes en situation d’itinérance des refuges d’urgence vers des logements permanents adéquats, afin de mieux résoudre les problèmes d’emploi, d’usage de substances et de santé mentale2.
À certains endroits, on a réduit les méfaits de l’usage de substances en éliminant les obstacles à la création de sites d’injection supervisés et en élargissant l’accès à un approvisionnement sûr en opioïdes et au traitement par agonistes opioïdes1.
Nous pouvons tirer parti du virage rapide vers les soins virtuels. Nos apprentissages peuvent améliorer l’accès aux soins, notamment en santé mentale. En médecine de famille, la relation continue avec un fournisseur de soins primaires, qui assure la continuité des soins et de l’information, demeure le meilleur contexte pour les soins virtuels3.
Si les systèmes de données et la gouvernance sont essentiels pour garantir l’équité en santé, la communication est au cœur de la médecine de famille, et c’est là que nous pouvons être utiles. Grâce à la relation de confiance qu’ils établissent, les médecins de famille peuvent bien informer leurs patients et aborder délicatement leurs questions. Une voix crédible dans nos collectivités, nous pouvons contribuer à l’éducation du public.
Malgré la négativité et le chaos de la pandémie, de nombreux individus et communautés ont fait preuve de bonté, de compassion, de solidarité et d’innovation. Collaborer à la résolution d’un problème commun peut renforcer la collectivité, atténuer le sentiment d’isolement et donner aux gens un sentiment d’agentivité et de fierté. C’est une autre forme d’héroïsme et, en tant que médecins de famille, nous pouvons le faire pour nous-mêmes et pour nos patients.
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