Résumé
Question Plusieurs enfants de ma clinique ont des épisodes récurrents de vomissements, et ils se retrouvent habituellement au service d’urgence pour une réhydratation par intraveineuse. L’un d’entre eux souffre de l’une de ces attaques environ 1 fois par mois depuis les 2 dernières années, ce qui nuit à sa qualité de vie. Que sait-on du syndrome des vomissements cycliques, et peut-on le prévenir ?
Réponse Le syndrome des vomissements cycliques désigne des vomissements épisodiques sévères qui durent des heures, voire des jours, entrecoupés d’intervalles sans symptômes. Cette interaction entre l’appareil digestif et le cerveau est mal comprise et difficile à diagnostiquer. Les enfants souffrent de vomissements incessants, de léthargie, de douleur abdominale, d’anorexie et de nausée. Chez la moitié de ces enfants, il faut une réhydratation par intraveineuse. Une fois le diagnostic posé, des mesures de soutien pour réduire la souffrance sont recommandées, y compris l’administration de liquides, la favorisation du sommeil, la promotion d’environnements calmes et l’administration d’antiémétiques ou de sédatifs. Chez les adultes, des antidépresseurs tricycliques comme l’amitriptyline, de même que le topiramate comme thérapie de deuxième intention, ont été proposés comme prophylaxie. Par ailleurs, les données pédiatriques sont très limitées, et les données probantes ne corroborent aucune thérapie prophylactique recommandée pour les enfants souffrant de cette affection.
Le syndrome des vomissements cycliques (SVC) se caractérise par des vomissements épisodiques sévères qui durent des heures, voire des jours, entrecoupés d’intervalles sans symptômes d’une durée variable, et il peut apparaître chez les enfants et les adultes. Même si cette interaction entre l’appareil digestif et le cerveau a été initialement décrite en 1882, le phénomène est toujours mal compris et demeure un diagnostic d’exclusion sans cause, pathophysiologie ou organes cibles connus1.
La définition du SVC porte à confusion, tant pour les professionnels que les patients, et il existe certaines différences entre la définition de 2008 de la North American Society for Pediatric Gastroenterology, Hepatology and Nutrition et la classification de Rome IV3. Cette dernière classification fait valoir que l’ensemble des critères suivants doivent être présents pour que le problème soit considéré comme un SVC : la survenue au cours d’une période de 6 mois de 2 épisodes ou plus de nausée intense et incessante et de vomissements paroxystiques qui durent des heures ou des jours; les épisodes sont stéréotypés chez le même patient; il s’écoule des semaines ou des mois entre les épisodes, pendant lesquels l’état de santé revient à la normale; et après une évaluation médicale appropriée, les symptômes ne peuvent pas être attribués à une autre affection.
Le syndrome des vomissements cycliques affecte de 1 à 2 % des enfants, et de récentes données font valoir que le taux de diagnostic chez les adultes est à la hausse4. Parmi plus de 20 000 adultes hospitalisés pour le SVC aux États-Unis, 63 % étaient de race blanche, 18 % de race noire et 6 % d’origine hispanique5. En plus de leurs vomissements incessants, les enfants sont habituellement léthargiques (91 %) et pâles (87 %), ont de la douleur abdominale (80 %), de l’anorexie (74 %) et de la nausée (72 %)6. Le syndrome des vomissements cycliques cause une morbidité considérable, et la moitié des enfants ont besoin d’une réhydratation par intraveineuse6. Dans une récente étude rétrospective réalisée dans 3 centres universitaires tertiaires auprès de 57 enfants, des antécédents familiaux de migraines ont été signalés chez la moitié des enfants (47 %), et la plupart d’entre eux avaient au moins un épisode chaque mois (63 %) et au moins 1 prodrome connu (75 %)7. L’âge moyen (ET) à l’apparition des symptômes chez les enfants dans une étude se situait à 5,7 (0,3) ans et l’âge moyen au diagnostic était de 8,0 (0,3) ans2.
Le SVC est souvent mal diagnostiqué en raison de sa présentation non spécifique et de sa ressemblance avec des affections courantes comme une gastroentérite récurrente, un empoisonnement alimentaire ou des troubles de l’alimentation8. La pathophysiologie du SVC est encore inconnue et, en raison de la complexité du réflexe émétique, il existe diverses théories, notamment des anomalies autonomiques, une activation de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien, des anomalies génétiques, une hyperexcitabilité neuronale et une dysmotilité gastrique9.
Thérapie de soutien
Une fois le diagnostic posé, les médecins de famille peuvent recommander des mesures de soutien pour réduire la souffrance chez les patients. Le sommeil est souvent le seul soulagement, et une pièce où règnent la tranquillité et l’obscurité est un environnement non stimulant qui peut aider les patients à dormir. Une combinaison d’antiémétiques ou de sédatifs, comme la diphenhydramine, la chlorpromazine, l’ondansétron et le lorazépam, procurent souvent du soutien durant un épisode de vomissements.
La reconnaissance rapide de la déshydratation, souvent fondée sur l’évolution anticipée de l’épisode à la lumière d’incidents antérieurs, devrait inciter à recourir à des liquides par voie intraveineuse et à surveiller le déséquilibre des électrolytes et une cétose possible.
Les familles ont besoin de soutien pour faire face aux frustrations de devoir composer avec cette maladie imprévisible, bouleversante et inexpliquée qui est habituellement mal diagnostiquée et, qui plus est, pour laquelle il y a peu de réponses définitives8.
Traitement prophylactique
Même si les épisodes du SVC sont typiquement résolutifs, la longue durée des épisodes chez certains enfants et leur fréquence accrue chez d’autres justifient le recours à des traitements prophylactiques. Les options actuelles sont seulement décrites pour la population adulte et comprennent les antidépresseurs tricycliques, comme l’amitriptyline, de même que le topiramate comme traitement de deuxième intention10. Les événements indésirables associés à une thérapie à l’amitriptyline, comme la fatigue, le gain pondéral, la prolongation de l’intervalle QT et les hallucinations, limitent l’utilisation du topiramate10.
Dans une grande cohorte d’adultes à Milwaukee (Wisconsin), 65 % des patients (88 sur 136) ont eu une réponse positive au topiramate dans le cadre d’une analyse selon le principe de l’intention de traiter, notamment une diminution du nombre annuel d’épisodes du SVC (18,1 c. 6,2; p < ,0001), des visites au service d’urgence liées au SVC (4,3 c. 1,6; p = ,0029) et des hospitalisations dues au SVC (2,0 c. 1,0; p = ,035)11. La réponse au traitement était associée à une dose plus élevée, à une utilisation prophylactique pendant un an ou plus et à l’usage du topiramate en monothérapie. Par ailleurs, 55 % ont eu des effets secondaires, menant un tiers des patients à cesser le traitement11.
Les données pédiatriques sont très limitées. En 2011, Boles a signalé les résultats de la mise en œuvre d’un « protocole lâche » selon lequel quelques enfants évitaient le jeûne et recevaient de la coenzyme Q10 et de la L-carnitine en plus de l’amitriptyline (chez ceux de plus de 5 ans), et ce, dans les cas réfractaires du SVC12. Dans une étude rétrospective effectuée en Turquie, on a comparé l’efficacité du topiramate à celle du propranolol comme traitement préventif d’un épisode du SVC chez 16 enfants naïfs de traitement. Selon le rapport de l’étude, le topiramate a permis une diminution considérable du nombre d’épisodes du SVC par année (p = ,001)13. La plupart (81 %) des enfants dans le groupe prenant du topiramate ont signalé ne pas avoir eu d’attaques, et 13 % avaient connu une baisse de plus de 50 % des attaques par année. Des effets indésirables mineurs (somnolence, nervosité et étourdissements) ont été observés chez quelques patients13.
Dans une récente étude italienne auprès de 57 enfants, les chercheurs n’ont trouvé aucune différence dans l’âge de l’apparition, le sexe, la durée du suivi, la sévérité, la médication, les antécédents familiaux ou les facteurs déclencheurs entre les enfants chez qui les vomissements avaient cessé et ceux chez qui ils avaient perduré, ou entre ceux qui souffraient de migraine et ceux qui n’en avaient pas lors du suivi7. À leur congé de l’hôpital, 47 enfants (82 %) ont commencé un traitement prophylactique à long terme à la flunarizine, à la cyproheptadine, au topiramate ou aux inhibiteurs de la pompe à protons.
Reconnaissance rapide
Les médecins de famille, grâce à une reconnaissance rapide, à une bonne évaluation, à une prise en charge hâtive durant les épisodes et à un aiguillage vers d’autres niveaux de soins lorsqu’une réhydratation par intraveineuse est nécessaire, peuvent aider à améliorer les issues chez les enfants. La compréhension des déclencheurs, du mécanisme neuroendocrinien, de la relation avec la migraine et des façons de rapidement mettre un terme aux vomissements tôt dans le cours de l’affection aideront les enfants à composer avec le SVC.
Notes
La Mise à jour sur la santé des enfants est produite par le programme de recherche en thérapeutique d’urgence pédiatrique (PRETx à www.pretx.org) du BC Children’s Hospital à Vancouver (Colombie-Britannique). Dr Goldman en est directeur. Le programme PRETx a pour mission de favoriser la santé des enfants en effectuant de la recherche fondée sur les données probantes en thérapeutique dans le domaine de la médecine d’urgence pédiatrique.
Avez-vous des questions sur les effets des médicaments, des produits chimiques, du rayonnement ou des infections chez les enfants? Nous vous invitons à les poser au programme PRETx par télécopieur, au 604 875-2414; nous y répondrons dans de futures Mises à jour sur la santé des enfants. Les Mises à jour sur la santé des enfants publiées sont accessibles dans le site Web du Médecin de famille canadien (www.cfp.ca).
Footnotes
Intérêts concurrents
Aucun déclaré
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The English version of this article is available at www.cfp.ca on the table of contents for the November 2021 issue on page 837.
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