Les recommandations rapidement changeantes des lignes directrices sont un obstacle reconnu à la mise en pratique les nouvelles approches cliniques. Le retard de l’intégration des avancées médicales se répercute sur les bienfaits sur la santé des patients. Le présent article met en lumière les recommandations des lignes directrices qui ont changé en 2020 afin d’aider les médecins de famille à déterminer les domaines éventuels qu’ils devraient étudier plus en profondeur avant de les intégrer dans la pratique. Les médecins de famille doivent savoir que certaines recommandations s’appuient sur des données probantes de faible qualité ou sur l’opinion d’experts, et qu’il faut faire appel à notre esprit critique avant de les intégrer dans la pratique.
Mises à jour des lignes directrices
Diabète Canada recommande les inhibiteurs du cotransporteur sodium-glucose de type 2 (iSGLT2) ou les agonistes des récepteurs du peptide 1 apparenté au glucagon (AR-GLP1) chez les patients diabétiques atteints d’insuffisance cardiaque (IC), d’insuffisance rénale chronique (IRC), de maladie cardiovasculaire athérosclérotique avérée (MCVAa) ou âgés de plus de 60 ans avec facteurs de risque cardiovasculaire1. Les facteurs de risque sont les suivants : tabagisme, hypertension, dyslipidémie et obésité centrale. La metformine demeure la pharmacothérapie de première intention. Durant l’évolution ou l’ajustement du traitement, envisager un iSGLT2 chez les patients atteints d’IC, d’IRC ou de MCVA. Il existe des données probantes de grade A en faveur des AR-GLP1 chez les patients de 60 ans et plus qui présentent des facteurs de risque, et des données probantes de grade B en faveur des AR-GLP1 chez les patients atteints de MCVA ou d’IRC. Cette approche est appuyée par l’American Diabetes Association2. Plus de détails au Tableau 11,2.
La Société canadienne de cardiologie (SCC) et la Société canadienne de l’insuffisance cardiaque recommandent les iSGLT2 dans les cas d’IC avec fraction d’éjection réduite sans diabète concomitant (recommandation conditionnelle, données probantes de grande qualité)3,4. Les études DAPA-HF et EMPEROR-Reduced ont donné lieu à une réduction du taux de mortalité de toutes causes et de décès d’origine cardiovasculaire, d’hospitalisations et d’aggravation de l’IC chez les patients non diabétiques atteints d’IC sous traitement médical guidé par les lignes directrices et la dapagliflozine ou l’empagliflozine (rapport de risques instantanés [RRI] DAPA-HF = 0,74; IC à 95 % : 0,65 à 0,85; p < 0,001; RRI EMPEROR-Reduced = 0,75; IC à 95 % : 0,65 à 0,86; p < 0,001)5, un résultat qui était comparable chez les patients diabétiques. La plupart des patients recevaient une trithérapie, et de 11 à 19 % prenaient un inhibiteur du récepteur de l’angiotensine et de la néprilysine. Depuis, une méta-analyse a conclu qu’il s’agissait d’un effet de classe6.
Un énoncé du comité d’experts scientifiques du Journal of the American College of Cardiology recommande un traitement médical guidé par les lignes directrices illimité chez les patients atteints d’IC dont la fraction d’éjection est rétablie7. L’insuffisance cardiaque avec fraction d’éjection rétablie est définie comme une fraction d’éjection ventriculaire gauche initiale inférieure à 40 % avec amélioration absolue d’au moins 10 % et une deuxième mesure supérieure à 40 %. Dans ces cas, l’amélioration de la fonction ventriculaire gauche représente une rémission et non pas la guérison. Lorsque le traitement médical guidé par les lignes directrices est retiré, le risque de récidive de l’IC est accru. Les auteurs recommandent les biomarqueurs et un électrocardiogramme tous les 6 à 12 mois; l’imagerie par résonance magnétique cardiaque après 1 an de stabilité clinique; et un échocardiogramme à 2 dimensions tous les 6 mois jusqu’à 18 mois, puis tous les 1 à 3 ans.
Hypertension Canada entérine une tension artérielle systolique cible inférieure à 120 mm Hg chez les patients atteints d’IRC non diabétique qui répondent aux critères de l’étude SPRINT (Systolic Blood Pressure Intervention Trial)8. Une cible plus ambitieuse de la tension artérielle systolique inférieure à 110 mm Hg est de mise dans les cas de polykystose rénale. Cet article indique également qu’il n’y a pas de limite sécuritaire à la consommation d’alcool et recommande de réduire la consommation ou l’abstinence chez tous les patients afin de prévenir et de traiter l’hypertension. L’incidence d’hypertension augmente avec au moins 1 verre d’alcool par jour chez les hommes et au moins 2 verres par jour chez les femmes. De plus, le seuil diagnostique des mesures de la tension artérielle à domicile chez les patients diabétiques n’a pas été établi, et les cliniciens doivent obtenir au moins 3 mesures de la tension artérielle d’au moins 130/80 mm Hg prises au bureau à des jours différents pour poser un diagnostic d’hypertension probable. Finalement, envisager un test de grossesse avant d’instaurer la pharmacothérapie.
La SCC recommande le dépistage opportuniste de la fibrillation auriculaire (FA) chez tous les patients de 65 ans et plus durant les visites médicales (forte recommandation, données probantes de faible qualité)9. La vérification opportuniste du pouls est une méthode de dépistage efficace et économique de la FA asymptomatique, et le nombre de sujets à soumettre au dépistage est de 69 chez les patients de 65 ans et plus. La palpation du pouls demeure la pierre angulaire des tests diagnostiques malgré que sa spécificité soit inférieure à celle des moniteurs à tension, des pléthysmographes ou des électrocardiogrammes à une dérivation. Cette recommandation corrobore celles des lignes directrices 2020 de l’European Society of Cardiology10.
La SCC recommande une stratégie initiale de contrôle du rythme chez les patients stables dont la FA est apparue dans les 12 derniers moins (faible recommandation, données probantes de qualité modérée)9. Chez ces patients, le contrôle du rythme réduit la fréquence des battements et le décès d’origine cardiovasculaire. Le contrôle du rythme réduit le risque d’évolution à la FA irréversible qui répond mal au traitement10. Dans les cas de FA persistante, le contrôle du rythme demeure préférable chez les patients très symptomatiques, dont la qualité de vie est grandement réduite, dont les récidives de FA sont nombreuses, qui ont de la difficulté à contrôler la fréquence, ou sont atteints de cardiomyopathie induite par l’arythmie. À l’extérieur de cette fenêtre de 12 mois, les résultats cardiovasculaires sont les mêmes sous le contrôle de la fréquence et le contrôle du rythme.
La Fondation des maladies du cœur et de l’AVC du Canada recommande d’éviter l’acide acétylsalicylique en prévention primaire des événements vasculaires, sans égard aux facteurs de risque (recommandation de niveau A)11. Cette recommandation concerne les personnes exemptes d’un événement vasculaire, mais elle ne s’applique pas aux patients atteints d’athérosclérose asymptomatique (p. ex. plaques asymptomatiques décelées à l’imagerie dans la carotide, les artères coronaires ou périphériques), puisque le bienfait net n’est pas élucidé. Dans les revues systématiques, le seul bienfait démontré était la réduction des résultats cardiovasculaires composés, bien qu’elle ait pesé moins lourd que le risque de saignements majeurs (nombre de sujets à traiter [NST] = 265 c. nombre nécessaire pour nuire [NNN] = 210). On a toutefois observé un faible bienfait net chez les patients diabétiques (NST = 91 c. NNN = 112), ce qui crée encore plus d’incertitude. Les auteurs de la revue systématique font valoir que le fait de ne pas instaurer un médicament est différent de l’arrêter12,13.
Le Groupe d’étude canadien sur les soins de santé préventifs recommande d’éviter le dépistage des adénocarcinomes œsophagiens et de leurs précurseurs chez les patients atteints de reflux gastro-œsophagien chronique (forte recommandation, données probantes de très faible certitude)14. Les précurseurs comprennent l’œsophage de Barrett et la dysplasie. Même si le dépistage par endoscopie chez les patients atteints de reflux gastro-œsophagien chronique identifie précocement plus de cas de carcinome de l’œsophage, il n’a pas d’effet sur la survie à long terme ou la mortalité toutes
causes. Selon le groupe d’étude, 93 % des adénocarcinomes œsophagiens sont diagnostiqués durant les examens de symptômes alarmants14.
Les Centers for Disease Control and Prevention, l’US Preventive Services Task Force, l’American Association for the Study of Liver Diseases et l’Infectious Diseases Society of America recommandent que les adultes de 18 ans et plus subissent le dépistage du virus de l’hépatite C (VHC) au moins une fois (recommandation de grade B)15-17. Cette recommandation concerne tous les adultes asymptomatiques, y compris les femmes enceintes, et s’ajoute au dépistage fondé sur le risque. Elle porte sur la prévalence accrue de l’hépatite C, et la hausse est plus rapide chez les jeunes adultes de 18 à 40 ans (augmentation de 13 % entre 2014 et 2018), les femmes en âge de procréer (augmentation de 40 à 50 % entre 2009 et 2014) et les nouveau-nés de mères infectées par le VHC (augmentation de 68 % entre 2011 et 2014)15-18. L’énoncé de 2018 de l’Association canadienne pour l’étude du foie recommande le dépistage basé sur la cohorte (pour les adultes nés entre 1945 et 1975)19, et le Groupe d’étude canadien sur les soins de santé préventifs20 et l’Agence de la santé publique du Canada21 recommandent le dépistage basé sur le risque seulement.
Conclusion
Cet article constitue la 1re partie d’une série de résumés des mises à jour des lignes directrices sur les soins cardiaques, du diabète et de gastro-entérologie. En évaluant et en explorant plus en profondeur ces sujets, les médecins de famille peuvent enrichir leurs connaissances ou confirmer leur pratique clinique actuelle.
Notes
Nous encourageons les lecteurs à nous faire connaître certaines de leurs expériences vécues dans la pratique : ces trucs simples qui permettent de résoudre des situations cliniques difficiles. Vous pouvez proposer en ligne des articles dans Praxis à http://mc.manuscriptcentral.com/cfp ou par l’intermédiaire du site web du MFC à www.cfp.ca sous « Authors and Reviewers ».
Footnotes
Intérêts concurrents
Aucun déclaré
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The English version of this article is available at www.cfp.ca on the table of contents for the December 2021 issue on page 912.
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