Un jour, on m’a annoncé que j’étais positif à la COVID-19!
Comment avais-je contracté la maladie? Je n’en ai aucune idée. J’avais pourtant suivi à la lettre les directives de la santé publique. J’avais gardé mes distances, porté un masque en tout temps et lavé mes mains jusqu’à… en faire de l’eczéma. Je n’avais rien fait de répréhensible : pas voyagé, pas de karaoké (de toute façon, avec la voix que j’ai!) et je n’étais jamais sorti de ma bulle.
Dès que j’ai été déclaré positif, je me suis isolé. J’ai suivi les consignes sanitaires de façon stricte. Je suis resté chez moi sans voir qui que ce soit… ni de proche ni de loin. C’est assez difficile lorsqu’on vit seul comme le font 4 millions de Canadiens1. Quoi faire au quotidien? Comment s’occuper de ses besoins de base? On finit par se débrouiller. Cela pourrait être pire. On a qu’à penser aux personnes âgées vivant en établissement, en centre de soins de longue durée ou en résidence pour personnes âgées, confinées dans leurs chambres et coupées de leurs aidants naturels lors de la première vague, nourries à l’écart. Logées, nourries, comme on dit!
Après quelques jours, je me suis mis à faire de la fièvre, à tousser comme un défoncé et j’avais mal partout. J’ai tenté d’appeler mon médecin. Son secrétaire m’a répondu qu’il ne pouvait pas me recevoir en raison des consignes sanitaires, des risques de contagion, des zones chaudes et froides. Il m’a conseillé de me présenter dans une clinique désignée d’évaluation. Mais comment me rendre là-bas? J’étais tellement malade, tellement épuisé. Me rendre de mon lit à la cuisine en passant par la toilette était un exploit. Je n’étais certainement pas pour demander de l’aide à mes proches avec le risque de les contaminer.
J’ai donc attendu. Attendu que ça passe. Prié pour que cela arrête. Mais ça n’a pas passé! En désespoir de cause, quand je suis arrivé au bout du rouleau, quand j’ai commencé à manquer d’air, j’ai appelé l’ambulance.
Rendu à l’hôpital, on m’a isolé, mis à l’écart. Cloîtré, seul dans une aile. Autour de moi, tout le monde toussait, tout le monde était malade. Gravement malade. On m’a mis un soluté, pourquoi faire? J’ai été questionné et examiné à distance par du personnel ganté, masqué, déguisé – genres d’extraterrestres – qui me demandaient, de loin, comment j’allais. Quelle question!
Et puis, on m’a transféré aux soins intensifs. Encore une fois, seul avec moi-même. J’ai reçu divers traitements, tous d’une efficacité bien relative. Oubliez les antirétroviraux et les antibiotiques. Oubliez les anti-inflammatoires, l’hydroxychloroquine, la cortisone2,3. Oubliez les anticoagulants. On m’a prodigué des soins de confort, on m’a parlé de niveaux d’intervention médicale, d’oxygénothérapie, d’intubation. J’étais vraiment mal en point.
Sachez que si vous venez à en mourir, vous sombrerez dans l’oubli. Vous apparaîtrez peut-être dans la page nécrologique du journal local ou national, sans que l’on sache vraiment de quoi vous êtes morts. Tous noteront les dates : 1951-2021. Certains feront le calcul rapide… 70 ans, ce n’est pas mal. Remarquez que ce serait bien si on écrivait « Emporté par la COVID-19 », mais on n’en fera rien. Il ne faut surtout pas parler de ces choses. Secret d’État. Et puis, une fois, tout cela terminé, vous serez peut-être incinéré. Hélas, bien peu viendront à votre enterrement. Confinement oblige.
La pandémie la plus meurtrière de l’histoire fut la Peste noire, causée par la bactérie Yersinia pestis. Cette pandémie a tué de 75 à 200 millions de personnes en Europe, en Asie et en Afrique du Nord, le plus grand nombre de décès se situant entre 1347 et 13514,5.
En 2020 et 2021, on estimait que 99,5 millions de personnes ont contracté la maladie et que 2 millions en étaient décédées dans le monde6. Au Canada seulement, on comptait 747 000 personnes infectées et 19 000 décès7. Et ce en moins d’une année.
Nous pensions que nous étions une société moderne. Qu’avec nos connaissances et nos avancées technologiques, nous vaincrions tous les périls. Maintenant, nous pensons qu’avec les vaccins et la découverte éventuelle d’antiviraux tout cela ne sera qu’un mauvais rêve.
Peut-être bien…
Ce texte se veut un hommage aux personnes infectées par cette maladie. À quelques détails près, ils sont tous passés par là. Ils ont tous vécu une « journée » dans la vie d’un pestiféré. Nous leur devons ce souvenir.
Footnotes
This article is also in English on page 79.
Références à la page 79.
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