
Les médecins de famille défendent les intérêts des plus vulnérables et des personnes mal desservies. Dans cet article, écrit en collaboration avec les Drs Claire Bodkin et Baj Mukhopadhyay, respectivement présidente et membre du Groupe d’intérêt des membres sur la santé en milieu carcéral, je souhaite donner de la visibilité à l’état des soins de santé en milieu carcéral. Le manque d’accès au vaccin contre la COVID-19 est le plus récent exemple de manquement aux besoins et aux droits des détenus.
Joëlle Beaulieu, de la nation ojibwée, a contracté la COVID-19 lors de son incarcération à l’Établissement Joliette pour femmes au Québec en mars 20201. Elle a décrit l’accès inadéquat aux équipements de protection individuelle et une évaluation de santé initiale qui avait écarté la COVID-19, car elle n’avait pas voyagé. À la fin avril, plus de 80 cas avaient été confirmés à l’Établissement Joliette1.
Un programme de vaccination de masse contre la COVID-19 est en cours; toutefois, nous ne pouvons pas ignorer les plus vulnérables, ce qui comprend les 37 000 personnes incarcérées au Canada2. Nous pensons que la prison est un endroit éloigné où nous enfermons les gens qui ont fait de vilaines choses. Mais plus de la moitié des personnes incarcérées au Canada sont en détention préventive en attendant leur procès : elles n’ont pas été condamnées pour un crime et pourraient retourner dans la communauté après leur audience3. La durée moyenne d’incarcération des personnes condamnées est de 30 jours4. Les prisons sont des lieux où des personnes qui présentent un taux élevé de comorbidité vivent avant de retourner à la population générale. Il s’agit de personnes dans nos communautés et nos pratiques. L’emprisonnement est un châtiment qui prive les gens de leur liberté — et non de leur droit aux soins de santé.
Les gens se retrouvent souvent en prison à cause de lacunes structurelles dans les soins de santé, l’éducation et les services sociaux. Nous emprisonnons de manière disproportionnée les Autochtones et les noirs, les personnes pauvres ou souffrant de maladies mentales et de toxicomanies, et les personnes qui traversent les frontières sans autorisation. Le système judiciaire est basé sur des politiques qui perpétuent le racisme systémique. La surreprésentation des populations noires et autochtones n’est pas une erreur ou un mythe; c’est l’aboutissement logique de la colonisation et du racisme5,6.
La pandémie exploite toutes les faiblesses qui touchent à la fois l’injustice et les maladies infectieuses. La maladie se propage rapidement et nuit de manière disproportionnée à ceux et celles qui sont déjà victimes de racisme, de colonisation, de pauvreté et de maladie mentale. Les organismes contagieux prospèrent en prison. Une fois introduit, un organisme se propage rapidement dans un environnement surpeuplé, souvent mal ventilé et insalubre. Comme l’état de santé des détenus est souvent mauvais au départ,7 les maladies infectieuses font encore plus de ravages.
Il y a eu plus de 3 800 cas confirmés de COVID-19 dans les prisons canadiennes8—80 % parmi les personnes incarcérées et le reste touchant le personnel.
Un petit programme de vaccination a débuté dans les prisons fédérales à la fin janvier9. Seulement trois provinces considèrent les établissements pénitentiaires comme des populations vulnérables prioritaires. Face à l’écrasante deuxième vague, nous devons donner la priorité à une vaccination rapide et généralisée des personnes incarcérées : les jeunes en détention, les adultes en prison et les détenus de l’immigration. Si nous voulons vraiment traiter les Canadiens équitablement et faire respecter les droits de la personne, nous devons garantir un accès rapide à cette intervention vitale. Selon l’éthicienne Alison Thompson, « le principe fondamental de tous les programmes de vaccination devrait être que tous les humains ont une valeur morale égale. Donc, si vous prenez cela comme point de départ… alors nous avons l’obligation de protéger les prisonniers parce qu’ils sont plus vulnérables10. »
Notes
Ressources additionnelles
La santé des personnes incarcérées
Iftene A. Life and death in Canadian penitentiaries. Can Fam Physician 2020;66:759-60.
Énoncé de politique sur l’adoption d’une approche de gestion de la pandémie de COVID 19 fondée sur les droits de la personne : http://www.ohrc.on.ca/fr/%c3a9nonc%c3a9-de-politique-sur-l%27adoption-d%27une-approche-de-gestion-de-la-pand%c3a9mie-de-covid-19-fond%c3a9e-sur
Le rôle des médecins de famille
Énoncé de position du CMFC sur la vaccination contre la COVID-19 : https://www.cfpc.ca/fr/policy-innovation/health-policy-goverment-relations/cfpc-policy-papers-position-statements/family-physicians-are-key-to-canada-s-covid-19-vac
Le rôle des médecins de famille dans le déploiement de la vaccination : https://www.theglobeandmail.com/opinion/article-family-doctors-are-key-to-canadas-vaccine-rollout-we-must-include-them
Ou communiquez avec moi à cathycervin{at}cfpc.ca
Footnotes
This article is also in English on page 215.
Références à la page 215.
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