Question clinique
La gabapentine est-elle un traitement efficace pour les troubles liés à la consommation d’alcool (TCA)?
Résultats
Un traitement à la gabapentine a permis d’éviter davantage de journées de forte consommation (> 5 consommations standard/jour) que le placebo (27 c. 9 %). La gabapentine peut être une option de deuxième intention, à utilisation hors indication, pour traiter les TCA. Toutefois, il y a des données contradictoires et des préoccupations relatives à l’abus ou au mauvais usage, ainsi qu’aux préjudices liés au médicament.
Données probantes
Les résultats sont statistiquement significatifs, à moins d’indications contraires.
Une méta-analyse1 (7 ERC; 3 à 26 semaines; N = 730) comparait des doses quotidiennes de gabapentine allant de 300 à 3600 mg à un placebo pour le traitement des TCA; la plupart des ERC comportaient des visites de suivi périodiques après environ 3 jours d’abstinence.
- La gabapentine a permis de diminuer le pourcentage de jours de forte consommation (nombres absolus non signalés). Il n’y avait pas de différence sur le plan de l’abstinence complète. Le groupe prenant de la gabapentine a connu 10 % plus d’effets indésirables (EI; aucun EI sérieux signalé).
Une ERC2 comparant la gabapentine à un placebo (90 patients; âge médian de 50 ans; 77 % d’hommes; moyenne de 11 consommations/jour) utilisait une analyse objective d’urine pour confirmer la consommation ou l’abstinence. Pendant 16 semaines, une dose de 1200 mg de gabapentine par jour a permis d’augmenter le nombre de jours sans forte consommation (27 c. 9 % avec le placebo; nombre de sujets à traiter [NST] de 6). L’abstinence complète a connu une hausse (18 % avec la gabapentine c. 4 % avec le placebo; NST = 8). Les patients souffrant de plus de symptômes de sevrage de l’alcool en ont bénéficié davantage. Les étourdissements étaient un EI (56 % avec la gabapentine c. 33 % avec le placebo; nombre nécessaire pour nuire de 4).
Contexte
La gabapentine peut être un traitement de deuxième intention, à utilisation hors indication, pour des TCA de modérés à sévères3. Les traitements de première intention recommandés sont l’acamprosate (NST = 12) et la naltrexone (NST = 20)3,4.
L’usage abusif de la gabapentine se situe à environ 1 % dans la population en général et varie de 15 à 22 % chez les patients ayant des antécédents d’usage abusif d’opioïdes. Les risques chez les patients ayant des antécédents de consommation abusive d’alcool sont moins clairs5.
Les cas associés à la gabapentine signalés aux centres américains antipoison ont augmenté de 72 % entre 2013 et 2017, y compris une hausse de 120 % de l’usage abusif ou du détournement, et une augmentation de 80 % des tendances suicidaires6.
Les patients à qui on avait prescrit de la gabapentine pour toutes causes confondues avaient un taux de mortalité 2 fois plus élevé que la population en général (risque relatif de 2,16), et pourraient présenter un risque de base plus élevé7. La consommation excessive d’alcool augmente aussi la mortalité8.
Les cliniciens devraient être au courant de la possibilité d’un mauvais usage et d’un détournement lorsqu’ils prescrivent la gabapentine9.
Mise en application
Environ 20 % des Canadiens de 15 ans et plus auront des TCA10. La consommation à risque est associée à des taux plus élevés de décès prématuré, d’incapacité, de comorbidité, de productivité réduite et de fardeau financier, tant pour la personne que pour la société (p. ex. conduite avec les facultés affaiblies, conflits familiaux et coûts en soins de santé)11. Les bienfaits du traitement doivent être soupesés par rapport aux préjudices associés au problème. Il faut user de prudence avec ceux qui ont des antécédents de troubles de consommation de substances et à qui on a coprescrit des opioïdes12.
Notes
Les articles d’Outils pour la pratique dans Le Médecin de famille canadien (MFC) sont une adaptation d’articles publiés dans le site web du Collège des médecins de famille de l’Alberta (CMFA) qui résument les données médicales probantes en insistant sur des questions particulières et des renseignements susceptibles de modifier la pratique. Les résumés du CMFA et la série dans le MFC sont coordonnés par Dr G. Michael Allan, et les résumés sont rédigés conjointement par au moins 1 médecin de famille en pratique active et ils font l’objet d’une révision par des pairs. Vous êtes invités à faire part de vos commentaires à toolsforpractice{at}cfpc.ca. Les articles archivés sont accessibles sur le site web du CMFA : www.acfp.ca.
Footnotes
Intérêts concurrents
Aucun déclaré
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The English version of this article is available at www.cfp.ca on the table of contents for the April 2021 issue on page 269.
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