Abstract
Question Un enfant vient à ma clinique et se plaint d’une épistaxis récurrente, notamment de plusieurs épisodes par année depuis qu’il est tout petit. Les saignements de nez se produisent dans les 2 narines et durent souvent longtemps, sans qu’il y ait de tendances saisonnières apparentes. Quelles sont les interventions sûres et efficaces pour l’épistaxis chez les enfants, et chez quels patients des analyses hématologiques s’imposeraient-elles?
Réponse L’épistaxis se produit chez plus de la moitié des enfants avant qu’ils aient atteint l’âge de 10 ans, et on rapporte que chez 9 % des enfants, les épisodes sont récurrents. Dans la plupart des cas, l’affection est d’origine bénigne et ne nécessitera pas d’investigation plus poussée. Pour ceux qui demandent une intervention, l’hydratation des muqueuses nasales, comme l’application d’émollients ou l’humidification, règle jusqu’à 65 % des cas, et de nombreuses nouvelles interventions se sont révélées prometteuses dans leurs études initiales respectives. Il a été démontré que des questionnaires normalisés sur les saignements sont utiles dans la prise de décisions sur la poursuite d’autres analyses de la coagulation, en tenant compte des caractéristiques historiques comme la fréquence, la durée, le site des saignements, les corrélations saisonnières et la gravité.
L’épistaxis a été documentée chez plus de la moitié des enfants avant qu’ils aient atteint l’âge de 10 ans, et elle est la cause d’environ 1 visite aux services d’urgence sur 260 aux États-Unis par des enfants de moins de 19 ans1,2. Quoiqu’il n’y ait pas de consensus sur ce qui constitue une épistaxis récurrence selon la durée ou la fréquence des épisodes, certaines études ont défini l’épistaxis récurrente comme étant 5 épisodes ou plus par année3. Dans une étude transversale, l’épistaxis récurrente était signalée chez 9 % de 1218 enfants de 11 à 14 ans4. L’épistaxis récurrente peut affecter considérablement la qualité de vie de la famille; dans une étude effectuée en Irlande, 28 % des enfants et 44 % des aidants naturels ont rapporté un haut niveau de stress, le plus communément attribué à la crainte d’une perte excessive de sang ou de taches sur les vêtements de nuit5.
Les causes
Dans jusqu’à 90 % des cas, l’épistaxis récurrente infantile se règle spontanément, et elle a pour origine la partie inférieure antérieure du septum nasal, connue sous le nom de plexus de Kiesselbach6. Elle est habituellement attribuée à un traumatisme local, comme une manipulation digitale, une sécheresse et un encroûtement des muqueuses, ou une inflammation locale due à une infection des voies respiratoires supérieures7. Toutefois, une blessure non accidentelle ou une maladie grave doivent aussi être envisagées chez ceux qui présentent une épistaxis durant les 2 premières années de vie8.
Parmi 359 enfants souffrant d’épistaxis dans une clinique externe d’otorhinolaryngologie, seulement la moitié ont eu besoin d’une investigation plus approfondie (rendez-vous de suivi, endoscopie nasale flexible ou analyses en laboratoire). Une otite moyenne (11 %), un traumatisme contondant ou digital (10 %), une rhinite allergique (6 %), une sinusite (5 %) et l’asthme (4 %) étaient les problèmes médicaux le plus souvent signalés. Chez les 123 enfants qui ont subi une endoscopie, aucune pathologie n’a été constatée dans la moitié des cas et; chez les autres, l’origine était bénigne (hypertrophie des adénoïdes, pharynx avec apparence de pavés, vaisseaux postérieurs hypertrophiés, polypes nasaux), à l’exception d’un cas de masse inquiétante. Cette étude fait valoir que de nombreux cas d’épistaxis infantile récurrente ne nécessitent pas d’investigation diagnostique, mais lorsqu’elle est nécessaire, elle révèle habituellement que la cause sous-jacente est bénigne ou idiopathique9.
La prise en charge en clinique
La prise en charge initiale de l’épistaxis en clinique devrait comporter une compression ferme et soutenue du tiers inférieur du nez pendant 5 minutes ou plus. Les interventions recommandées pour prévenir les saignements récurrents incluent l’application d’un émollient (saline en gel, vaseline, onguent antibiotique), l’humidification, l’application d’agents vasoconstricteurs topiques et la cautérisation nasale10.
La plupart (de 56 à 65 %) des enfants dans les études ont signalé l’arrêt des saignements après l’hydratation des muqueuses nasales9,11. Toutefois, une revue de Cochrane de 5 petites études hétérogènes incluant 468 enfants a indiqué qu’il n’y avait pas d’améliorations statistiquement significatives avec la crème antiseptique, la vaseline ou la cautérisation par rapport à l’absence de traitement12. Aucun effet indésirable grave n’a été associé avec l’un ou l’autre des traitements, mais si la cautérisation nasale est utilisée, le nitrate d’argent à 75 % est préférable à celui à 95 % en raison d’une efficacité à court terme plus grande à 2 semaines (88 % ont eu un arrêt complet de l’épistaxis par rapport à 65 %, respectivement), d’une meilleure tolérabilité (score moyen de la douleur de 1 sur 10 contre 5 sur 10, respectivement), et des effets secondaires moins nombreux (4 % avaient une escarre visible contre 29 %, respectivement)12.
Depuis la publication de la revue de Cochrane, de nouvelles interventions ont fait leur apparition dans la série de traitements potentiels pour l’épistaxis récurrente chez l’enfant. Une étude auprès de 100 enfants âgés de 6 à 12 ans soutenait que du propranolol par voie orale (1,5 à 2,0 mg/kg par jour pendant une période allant jusqu’à 1 mois) était aussi efficace qu’une cautérisation au nitrate d’argent pour prévenir des épisodes récurrents après un suivi de 6 mois (disparition de 86 c. 84 % respectivement), sans effets secondaires et avec moins de douleurs nasales locales signalées13. L’utilité d’une thérapie avec un laser au phosphate de potassium et de titanyle dans la prise en charge d’une épistaxis récurrente qui résiste au traitement par nitrate d’argent a été démontrée dans une étude auprès de 58 participants en Angleterre, dont presque 50 % avaient moins de 18 ans. Le taux de disparition au suivi à 2 mois après un seul traitement se situait à 74 %, sans complications14. Une étude récente auprès de 134 participants (60 % âgés de moins de 16 ans) ayant une épistaxis récurrente affectant les 2 narines a rapporté une amélioration statistiquement significative (définie comme étant 1 ou aucun épisode après le traitement) au suivi à 3 mois, sans complications graves, après avoir reçu un traitement bilatéral par cautérisation au nitrate d’argent à 75 %15. Enfin, dans une étude en Chine, on a rapporté que l’ablation endoscopique par micro-ondes était un traitement prometteur, sans saignements récurrents ni effets indésirables graves au suivi à 6 mois chez tous les 85 enfants qui ont subi l’intervention dans l’étude16. La technique de l’ablation par micro-ondes est une seule procédure avec hémostase en 10 à 20 secondes pour 2 à 4 ablations totales16. Sept interventions ont été interrompues, 2 parce que l’enfant avait peur de l’endoscope et de l’antenne de l’appareil et 5 en raison de la douleur pendant l’opération16.
Les analyses de dépistage de troubles hématologiques
Il a été rapporté que la prévalence des troubles hématologiques chez les enfants qui ont une épistaxis récurrente était aussi élevée que 33 %, selon une étude auprès de 178 enfants qui se sont présentés à une clinique d’hématologie pédiatrique de New York17, quoiqu’une cause sous-jacente n’ait souvent été trouvée que chez moins de 10 % des enfants12. La maladie de von Willebrand est le trouble hémorragique héréditaire le plus commun4, et plus de la moitié des enfants atteints de ce trouble mentionnent l’épistaxis comme un symptôme18. Dans une étude prospective auprès de 20 enfants âgés de 3 à 15 ans ayant 10 saignements de nez ou plus par année, 6 (30 %) enfants avaient des résultats anormaux à 1 ou plusieurs tests de dépistage de la coagulation3. Deux ont reçu un diagnostic de la maladie de von Willebrand, 1 avait une maladie hépatique et 1 souffrait d’une anomalie primaire de l’agrégation plaquettaire; 2 ont échappé au suivi3. Les participants étaient exclus de l’étude s’ils avaient d’autres symptômes liés aux saignements ou des antécédents familiaux positifs d’une coagulopathie, ce qui démontre que des troubles hémorragiques légers peuvent se présenter avec une épistaxis récurrente comme seul symptôme3.
Deux études ont cerné des caractéristiques historiques qui pourraient prédire la nécessité d’analyses hématologiques19,20. Dans une étude, Katsanis et ses collègues, en Ontario, ont élaboré un système d’évaluation de l’épistaxis en 10 points en se fondant sur la fréquence, la durée, la quantité, le rapport antécédents-âge et le site de l’épistaxis récurrente. Parmi les 36 enfants à l’étude, ceux qui étaient classés comme ayant une épistaxis sévère (score de 7 ou plus) étaient statistiquement et significativement plus susceptibles d’avoir d’autres antécédents, des antécédents familiaux de saignements ou une carence en fer, ou encore d’avoir eu une cautérisation nasale19. Les 2 enfants qui ont reçu plus tard un diagnostic de la maladie de von Willebrand étaient dans le groupe de l’épistaxis sévère19. Une plus vaste étude auprès de 122 enfants souffrant d’épistaxis récurrente utilisait le Pediatric Bleeding Questionnaire pour déterminer plusieurs caractéristiques clés le plus souvent rapportées chez ceux qui avaient une coagulopathie (n = 66) en comparaison avec des enfants en santé (n = 56), qui incluaient une attention médicale pour un épisode antérieur (tamponnement, cautérisation, etc.), plus de 5 épisodes par année, une durée supérieure à 10 minutes, le saignement se produisant dans les 2 narines, et l’absence d’une corrélation saisonnière20. Des évaluations normalisées des saignements comme l’Epistaxis Scoring System et le Pediatric Bleeding Questionnaire sont utiles pour identifier les enfants qui pourraient nécessiter des analyses sanguines pour dépister des troubles hématologiques19,20.
De rares éléments à envisager
Il faut envisager une demande de consultation en otorhinolaryngologie pour 2 causes rares, mais sérieuses. L’angiofibrome nasopharyngien juvénile est une tumeur bénigne très vascularisée qui se présente chez les adolescents de sexe masculin sous forme d’épistaxis unilatérale, d’une enflure faciale ou d’une obstruction nasale21. Parmi les 45 patients souffrant d’un angiofibrome nasopharyngien juvénile au Danemark sur une période de 22 ans, tous étaient de sexe masculin et leur âge moyen était de 15 ans22. Une télangiectasie hémorragique héréditaire devrait être envisagée chez les enfants qui présentent une épistaxis récurrente spontanée; une télangiectasie de la bouche, du visage ou des mains; des malformations artérioveineuses viscérales; ou qui ont un parent au premier degré atteint d’une télangiectasie hémorragique héréditaire23.
Conclusion
L’épistaxis est courante durant l’enfance et, selon les rapports, elle est récurrente chez près de 1 enfant sur 10. La plupart des cas sont bénins et ils seront résolus au moyen de techniques d’hydratation des muqueuses. De nouvelles interventions, dont le propranolol, la thérapie au laser avec phosphate de potassium et de titanyle, la cautérisation nasale bilatérale et l’ablation par micro-ondes se sont révélées prometteuses, mais de plus amples recherches sont nécessaires sur leur efficacité et leur innocuité à long terme. Des troubles hématologiques devraient être envisagés chez les enfants dont l’épistaxis est récurrente, et des questionnaires normalisés sur les saignements qui recueillent des renseignements historiques comme la fréquence, la durée, le site des saignements et les corrélations saisonnières sont utiles pour identifier de tels cas.
Notes
Mise à jour sur la santé des enfants est produite par le programme de recherche en thérapeutique d’urgence pédiatrique (PRETx à www.pretx.org) du BC Children’s Hospital à Vancouver (Colombie-Britannique). M. Yan est membre et le Dr Goldman est directeur du programme PRETx. Le programme PRETx a pour mission de favoriser la santé des enfants en effectuant de la recherche fondée sur les données probantes en thérapeutique dans le domaine de la médecine d’urgence pédiatrique.
Avez-vous des questions sur les effets des médicaments, des produits chimiques, du rayonnement ou des infections chez les enfants? Nous vous invitons à les poser au programme PRETx par télécopieur, au 604 875-2414; nous y répondrons dans de futures Mises à jour sur la santé des enfants. Les Mises à jour sur la santé des enfants publiées sont accessibles dans le site Web du Médecin de famille canadien (www.cfp.ca).
Footnotes
Intérêts concurrents
Aucun déclaré
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