Résumé
Question En tant que médecin de famille qui soigne une population pédiatrique nombreuse, j’évalue plusieurs adolescents souffrant de douleurs testiculaires. Compte tenu de la gravité du pronostic d’un retard dans le traitement des enfants ayant une torsion testiculaire, quelles sont les pratiques exemplaires pour son évaluation et sa prise en charge?
Réponse L’outil TWIST (Testicular Workup for Ischemia and Suspected Torsion) a été développé et validé pour identifier les enfants à risque d’une torsion testiculaire. Si le score TWIST est de 0 et que la suspicion clinique est faible au bureau du médecin, il n’est pas nécessaire de demander une consultation urgente en urologie. Si le score TWIST est de 1 ou plus, ou si la présentation clinique laisse présager une torsion, il faudrait tenter une détorsion manuelle, et le patient devrait être envoyé immédiatement au service d’urgence le plus proche.
La torsion testiculaire, soit une rotation du cordon spermatique autour de l’axe longitudinal, peut causer la strangulation des vaisseaux sanguins qui alimentent les testicules1. La gravité de l’obstruction du flux sanguin est directement corrélée avec le degré de la lésion, la production hormonale et la perte fonctionnelle possible d’un testicule, de même qu’avec l’infertilité.
Présentation
La torsion testiculaire est l’une des urgences génitourinaires les plus graves chez les garçons2, et elle peut être difficile à distinguer d’autres causes du syndrome du scrotum pédiatrique aigu comme l’orchiépidymite, l’hydrocèle infectée et la torsion de l’appendice testiculaire3. Les signes et les symptômes communs d’une torsion testiculaire, comme ceux des autres causes du syndrome du scrotum pédiatrique, sont l’apparition soudaine d’une douleur unilatérale sévère et persistante au scrotum, la nausée et les vomissements4.
Jusqu’à 15 % des enfants qui se présentent avec un syndrome de scrotum aigu reçoivent un diagnostic de torsion5, et l’incidence actuelle est estimée à 3,8 par 100 0006. Une analyse rétrospective auprès de 2443 garçons qui avaient subi une intervention chirurgicale pour une torsion testiculaire, et une étude épidémiologique nationale aux États-Unis ont révélé une distribution bimodale, connaissant des pics durant la première année de vie et à 12 ans6,7. Près de 1 garçon sur 1500 subira une opération pour une torsion avant l’âge de 18 ans6.
Lorsqu’une ischémie se produit dans les tissus du scrotum à la suite de la torsion, les cellules endothéliales produisent de grandes quantités d’espèces réactives et de petites quantités d’oxyde nitrique. Ce mécanisme de dégradation tissulaire, connu sous le nom de lésion d’ischémie-reperfusion8, représente probablement la principale modalité causant une lésion dans la torsion2. En outre, la nécrose découlant de l’ischémie peut détériorer la fonction testiculaire de manière transitoire ou permanente, menant à une altération de la production hormonale, à une infertilité future et, dans certains cas, à une orchidectomie2,6.
L’analyse rétrospective portant sur 2443 garçons (âgés de 1 mois à moins de 18 ans) et 152 nouveau-nés ayant subi une opération en raison d’une torsion testiculaire a démontré que l’atténuation des dommages testiculaires permanents était associée de manière statistiquement significative aux principes intuitifs de la réussite en gestion de la santé (c.-à-d. présentation hâtive, diagnostic exact et traitement rapide)6. Une analyse rétrospective sur 15 ans de la torsion testiculaire chez 104 garçons en Autriche a fait valoir que les taux d’orchidectomie étaient directement liés au moment où le patient s’était présenté après l’apparition des symptômes9. Les chercheurs ont utilisé un seuil de 6 heures pour définir les présentations hâtives et tardives au service d’urgence et ont découvert que les taux d’orchidectomie augmentaient de 9,1 à 56 % avant et après la marque des 6 heures, respectivement, ce qui met en évidence l’importance d’une prise en charge rapide9. De même, un examen de la prise en charge des torsions testiculaires au service d’urgence d’un hôpital pédiatrique à Washington (DC) constatait que le facteur le plus important influençant les taux d’orchidectomie dans les cas aiguillés était le temps écoulé entre l’apparition des symptômes et la présentation à l’urgence. Les chercheurs ont fait remarquer que 76,7 % des patients aiguillés qui s’étaient présentés tardivement (24 heures après l’apparition des symptômes) ont subi une orchidectomie en comparaison de 10 % des patients arrivés rapidement (moins de 24 heures après l’apparition des symptômes ; p < ,01)10. De plus, une analyse secondaire des présentations aiguës a révélé que dans 31,6 % des cas où le trajet pour se rendre à l’urgence était supérieur à 16 km, les enfants ont subi une orchidectomie par opposition à 14,8 % des cas, si le trajet était de moins de 16 km, mais la différence n’était pas statistiquement significative (p =,2)10.
Il est proposé que « la fenêtre d’opportunité » pour préserver la fonction testiculaire après l’apparition des symptômes soit de 4 à 8 heures, car l’absence d’intervention durant cet intervalle de temps diminue la fonction testiculaire et augmente le taux d’orchidectomie6,11. Une étude rétrospective sur 25 ans, portant sur 558 enfants de Croatie, a mis en évidence l’importance d’une présentation et d’un traitement hâtifs en démontrant qu’une intervention chirurgicale dans un délai de 6 heures était associée à des taux de préservation testiculaire variant entre 90 et 100 %, tandis que les enfants qui s’étaient présentés de 6 à 12 heures et de 12 à 24 heures après l’apparition des symptômes avaient, respectivement, des taux de préservation de 20 à 50 % et de 0 à 10 %12. L’apparition des symptômes et le temps entre cette apparition et le traitement se fondaient sur l’anamnèse des patients, et il y a donc lieu de tenir compte du biais de rappel. Par ailleurs, la présentation hâtive est une étape cruciale et bien documentée pour augmenter les taux de préservation testiculaire6,11,12.
Évaluation
Tous les garçons souffrant de douleurs scrotales ou abdominales, d’enflure du scrotum, de nausées et de vomissements devraient être évalués pour dépister une éventuelle torsion testiculaire9,11. Une anamnèse et un examen physique suffisent pour diagnostiquer une torsion chez la plupart des enfants11. En 2012, Barbosa et ses collègues ont proposé un système de scores appelé TWIST (Testicular Workup for Ischemia and Suspected Torsion) (Tableau 1)13,14 comme méthode normalisée de diagnostic qui a été validée chez un groupe prospectif de 338 garçons de moins de 18 ans souffrant de douleurs scrotales aiguës13. Avec un score de 2 sur 7, la valeur prédictive négative et la sensibilité étaient de 100 %13. Une torsion testiculaire intermittente devrait aussi être envisagée chez les garçons ayant un syndrome scrotal aigu, qui se présente habituellement sous forme de douleur aiguë récurrente qui se résorbe de manière rapide et spontanée9. En 2017, une étude de validation des scores TWIST originaux a révélé que la détermination du score par des non-urologues se traduisait par une sensibilité de 95,5 %, une spécificité de 97,2 %, une valeur prédictive positive de 93 %, de même qu’une valeur prédictive négative élevée de 97 %14.
Système de scores TWIST
Dans une étude prospective portant sur 128 enfants aux États-Unis (âge moyen de 12,5 ans), le recours aux scores TWIST a obtenu une valeur prédictive négative de 100 % dans le groupe à « faible risque » (score de 0) et une valeur prédictive positive supérieure à 93 % dans le groupe « à risque élevé » (score ≥ 6)14. Dans un groupe de 258 enfants de 3 mois à 18 ans ayant une torsion testiculaire au Boston Children’s Hospital (Massachusetts), un score élevé de 7 était sensible à 21 % et spécifique à 100 %, comparé à l’opinion clinique des médecins du service d’urgence dont le score de la sensibilité se situait à 34 % et celui de la spécificité, à 97 %15.
Une échographie Doppler (écho-doppler) en couleur peut être utilisée comme supplément au score TWIST lorsque les patients appartiennent à la catégorie à risque modéré, mais elle ne doit pas retarder la prise en charge définitive11. Une étude rétrospective portant sur des garçons de 1 mois à 17 ans a signalé une sensibilité, une spécificité et une exactitude diagnostique de l’échodoppler pour une torsion de 100, 97,9 et 98,1 % respectivement, sans résultats faux négatifs, de même qu’un taux de faux positifs de 2,6 % lorsqu’elle était utilisée par une personne formée dans cette technique d’imagerie16. Le recours aux scores TWIST peut diminuer la dépendance à l’endroit de l’écho-doppler couleur dans jusqu’à 50 % des cas dans les groupes à risque faible et élevé3,14.
Dans l’étude prospective de Boston visant à valider les systèmes de scores cliniques pour le syndrome du scrotum aigu, les 258 garçons souffrant de ce syndrome ont subi une analyse d’urine, une culture d’urine et des tests de dépistage d’infections transmises sexuellement, mais les résultats de ces tests n’ont pas changé la prise en charge des patients. Frohlich et ses collègues ont suggéré d’éviter ces analyses systématiques dans l’évaluation d’une torsion testiculaire15.
Prise en charge
L’intervalle de temps entre l’arrivée à l’urgence et l’incision au bloc opératoire doit être court10 pour faire en sorte que les tissus testiculaires soient préservés6,11. Un score TWIST de 6 ou 7 suffit pour poser un diagnostic clinique de torsion testiculaire, et la consultation en chirurgie doit être demandée immédiatement14,15. Il faut conseiller aux patients dont le score TWIST est de 1 à 5 de se rendre au service d’urgence le plus proche, où il faudra procéder à l’écho-doppler ou à une consultation en chirurgie. Les patients dont le score TWIST est de 0 ne nécessitent pas de suivi10.
Dans une série rétrospective de cas réalisée dans un service d’urgence canadien entre 2008 et 2011, le temps moyen entre l’arrivée à l’urgence, l’écho-doppler et l’incision au bloc opératoire était, respectivement, de 209,4 et 309,4 minutes; par contre, le temps moyen entre l’apparition des symptômes et l’incision au bloc opératoire était de 20,3 heures16. Une détorsion manuelle devrait être tentée lorsque l’intervention chirurgicale n’est pas accessible immédiatement9,17. Si la détorsion manuelle est réussie, elle soulagera la douleur du patient et pourrait élargir la fenêtre d’opportunité pour préserver le testicule11. Dans une étude rétrospective portant sur 162 garçons, 67 % des testicules en cause ont fait une rotation spontanée dans la direction allant du côté au milieu, et 33 % ont fait une rotation dans la direction du milieu vers le côté, ce qui veut dire qu’il faudrait d’abord tenter la détorsion manuelle dans la direction allant du milieu vers le côté18. Parmi les problèmes qui peuvent survenir dans une détorsion manuelle figurent l’inconfort du patient, la détorsion incomplète ou la rotation du testicule dans la mauvaise direction3,18.
Conclusion
La torsion testiculaire pose un risque sérieux pour les garçons et peut nuire à la production d’hormones, à la préservation du testicule et à la fertilité. Le recours aux scores TWIST peut aider à identifier les garçons à risque d’une torsion testiculaire et corroborer la nécessité d’un aiguillage immédiat au service d’urgence et en chirurgie. Un envoi immédiat au service d’urgence le plus proche est important pour tous les garçons dont le score TWIST est plus élevé que 0.
Notes
La Mise à jour sur la santé des enfants est produite par le programme de recherche en thérapeutique d’urgence pédiatrique (PRETx à www.pretx.org) du BC Children’s Hospital à Vancouver (Colombie-Britannique). Maheshver Shunmugam est membre du programme PRETx, et le Dr Goldman en est directeur. Le programme PRETx a pour mission de favoriser la santé des enfants en effectuant de la recherche fondée sur les données probantes en thérapeutique dans le domaine de la médecine d’urgence pédiatrique.
Avez-vous des questions sur les effets des médicaments, des produits chimiques, du rayonnement ou des infections chez les enfants? Nous vous invitons à les poser au programme PRETx par télécopieur, au 604 875-2414; nous y répondrons dans de futures Mises à jour sur la santé des enfants. Les Mises à jour sur la santé des enfants publiées sont accessibles dans le site web du Médecin de famille canadien (www.cfp.ca).
Footnotes
Intérêts concurrents
Aucun déclaré
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